« Je suis arrivée de Paris au Reggae Sun ska en 2008 et depuis je ne suis plus repartie. J’ai eu un vrai coup de cœur pour les gens que j’y ai trouvé et j’y ai même rencontré mon conjoint. »
Mélanie Flé, jeune maman de 24 ans, n’était pas spécialement fan de reggae avant de rejoindre les rangs de ce festival. Si elle y est restée fidèle, c’est avant tout pour la « famille » qu’elle y a « trouvé » et pour le bonheur qu’elle apporte aux festivaliers :
« Je m’y suis fait une petite dizaine d’amis que je retrouve chaque année, comme un rituel. J’adore le moment de la préparation avec les autres bénévoles et le résultat. Quand on voit les gens heureux, on est fier de nous. »
Elle fait partie de ce qu’on appelle dans le jargon de ce festival de reggae, les bicheurs. Ceux que Morgane Touron, responsable des bénévoles, nomme aussi les « warriors » ; les hyper motivés, ceux sur qui on peut compter, toujours prêts à donner un coup de main.
Des bénévoles « mi-branleur/mi-sérieux »…
Pour huiler la mécanique d’évènements qui drainent des milliers de personnes, il faut beaucoup de bénévoles et pas forcément que de bicheurs. De préférence « mi-branleur/mi-sérieux » dixit Philippe Allard, alias Philou, bénévole aux Nuits atypiques, à Musicalarue et à Satiradax.
Question d’organisation, ils sont dispatchés dans différentes équipes : l’accueil, la buvette, les loges, les runners qui vont chercher les artistes et les ramènent à la gare, à l’aéroport… et les champêtres qui sont là pour désamorcer les conflits et être l’interface entre festival et festivaliers.
Après une carrière professionnelle et une vie associative bien remplie, Michel Perron, chef des champêtres à Musicalarue (Luxey) avoue qu’aujourd’hui, au-delà de l’engagement militant il a aussi envie de se faire plaisir : « j’ai pas choisi d’être au secours populaire par exemple. »
Se faire plaisir mais assurer. L’ancien éducateur, véritable figure du paysage associatif culturel et local explique par exemple que le rôle de son équipe de « médiateurs » :
« est de contribuer à ce que tout se passe bien. Sur des événements qui attirent beaucoup de monde, on ne peut pas se permettre que la machine s’enraille à cause d’une ou deux personnes qui ne jouent pas le jeu ».
Ne pas être trop timide
Le bénévolat, qui nécessite d’être en forme et d’avoir un bon mental, exige en effet un certain degré d’engagement. Une implication qui fait défaut chaque année à une poignée de bénévoles d’après P. Allard :
« Certains profitent sans redonner. Ils viennent juste pour les spectacles mais en général on les repère assez vite. »
Exit aussi, « les personnes égoïstes et ceux qui ne sont pas ouvert d’esprit et n’ont donc pas vraiment le profil pour être bénévoles », ajoute pour sa part Mélanie Flé.
D’après P. Allard, « dans un gros festival comme Musicalarue où il y a des milliers de personnes, faut pas être trop timide. Quand on doit se frayer un chemin à travers la foule pour rejoindre le devant de la scène, faut pas avoir peur ».
« Les festivaliers sont là pour passer un bon moment mais nous on est là aussi pour que tout se passe bien. Un des moments les plus délicats étant lorsqu’il faut vider le site à la fin des derniers concerts. On doit gérer les personnes qui ont bu mais on n’est pas des agents de sécurité non plus, il faut trouver le juste milieu », explique de son côté M. Perron, qui a d’ailleurs créé la première équipe d’accueil dans le festival landais ainsi qu’une charte du bénévole.
Bénévoles, chouchou nostrum
Légalement, les bénévoles ne doivent pas excéder six heures par jour. Les organisateurs s’arrangent donc pour aménager des moments de pauses entre les heures de « travail ». De nombreux moments conviviaux sont organisés ; réunions et /ou pique-nique pour qu’anciens et nouveaux se rencontrent. Des apéro et des fêtes sont prévus avant, parfois pendant et à la fin des festivals.
Au Reggae Sun Ska par exemple, une fête est organisée avant le début du festival juste pour les bénévoles, pas pendant parce-qu’il faut tenir le rythme. Parfois les événements sont plus informels comme le mini-concours de ventriglisse qu’organise Philou chaque année à Musicalarue. Le principe : une surface mouillé, du liquide vaisselle et des participants – dont le chanteur bordelais Tiou – qui s’y jettent à plat-ventre façon plitz.
Côté pratique, les bénévoles sont logés et nourris et disposent d’un espace détente où ils peuvent se poser, faire une sieste, discuter, etc. Ils peuvent aussi assister à quelques concerts. Par contre, côté sanitaires, c’est le camping, il faut repérer les bons créneaux horaires, à la fois pour éviter les queues interminables et l’eau froide.
« C’était un moment magique »
La récompense du bénévole, c’est surtout tous ces petits moments inoubliables, des moments de partage ou des moments drôles. Le meilleur souvenir de Mélanie Flé, c’était en 2010 :
« L’orga – l’équipe organisatrice – a voulu nous remercier en nous faisant monter sur scène, en compagnie de Groundation, un groupe que j’adore. Voir 10000 à 15000 personnes dans le public, tous avec le sourire, c’était un moment magique. »
Avant le festival, Musicalarue organise des concerts chez l’habitant à Luxey. C’est un des moments préférés de P. Allard :
« On se retrouve à 30-40 personnes chez un habitant qui accueille un concert. C’est excellent, un super truc ! Les hôtes préparent le repas avec des amis, la famille et on mange tous ensemble après le concert. Habitants, artistes et bénévoles, on est tous en contact direct. »
Les festivaliers offrent aussi, quelques fois, leur lot de pépites :
« Un jour à 4 heures du mat’, raconte en rigolant M. Perron , une nana, mignonne comme tout, mais complétement bourrée, vient me voir et me demande : tu sais pas où est ma copine ? Les festivaliers, il y en avait neuf à dix mille ! Comment j’aurai pu savoir où elle était ? »
Morgane Touron, elle, se souviendra longtemps de ce jour de juillet 2013, où alerte orange oblige, le site du festival doit être évacué. L’annonce à l’ensemble des bénévoles a été enregistrée :
Auberge espagnol
Un festival peut vite ressembler à une auberge espagnole ; on y rencontre des gens de toute la France. De Bordeaux bien sûr, mais aussi de Limoges, Toulouse, Lille par exemple et parfois d’au-delà. Mathias lui, fait le déplacement chaque année depuis 2011 depuis le Danemark pour prêter main forte au Sun ska. L’étudiant en philosophie aime « une ambiance et un état esprit qu’on ne trouve pas au Danemark, et la communauté qu’on forme avec les bénévoles ».
« L’ambiance familiale et la proximité entre les gens », c’est aussi ce qui plait à Cécile Auriensis, bénévole à Satiradax. Elle explique que le festival satirique et musical a été sauvé financièrement des eaux l’an dernier, justement grâce à cet esprit de partage. Après les intempéries de 2013, les humoristes – qui ont œuvré gratuitement – et les bénévoles se sont retrouvés au Garage moderne à Bordeaux, pour Satiraugarage, pour tenter de renflouer les caisses (voir encadré).
L’économie des festivals gros ou petits repose en effet plus que jamais sur la présence de bénévoles, surtout dans un contexte où les cachets des artistes ont tendance à augmenter et les financements publics à diminuer. Exemple avec le festival Vie sauvage, créé en 2012 à Bourg-sur-Gironde qui repose quasiment entièrement sur du bénévolat. Seul un régisseur est salarié au moment du festival, sur la cinquantaine de bénévoles présents. D’ailleurs, la plupart des festivals sont beaucoup sollicités et reçoivent même plus de demandes que nécessaire. Au Reggae Sun ska, cette année, 750 personnes ont demandé à être bénévoles pour environ 600 « places ».
Entre cooptation et ouverture
Sans être fermé, le monde des bénévoles a recours à une forme de cooptation pour « recruter ses membres » d’où la surreprésentation de quelques catégories dans certains festivals. Il forme en quelque-sorte une grande famille. Une famille où devenus potes, coups de main, conseils et partage d’idées sont monnaies courantes. Aux Nuits atypiques par exemple, où l’on trouve beaucoup d’éducateurs, de professeurs, d’agents Sncf et de retraités, des professions qui ont comme point commun d’avoir du temps, le goût des autres et celui de côtoyer du public.
Les rugbymen sont également bien représentés que ce soit à Langon ou à Luxey. Au Reggae Sun Ska, deux tiers des quelques 600 bénévoles (800 en 2013) sont constitués d’habitués qui exercent des métiers divers, le reste des nouveaux étant sélectionnés en partie via le site internet du festival.
De nombreux étudiants viennent aussi grossir les rangs ainsi que des personnes qui tâtent le terrain avant de se lancer dans les métiers du spectacle. Faire une pause dans sa vie, rencontrer de nouvelles têtes, s’éclater ou se former, chacun peut y trouver son compte ou pas.
INFOS
Satiradax Dax(40)
Vie sauvage 13, 14 et 15 juin à Bourg-sur-Gironde (33)
www.nuitsatypiques.org du 21 au 27 juillet à Langon (33)
www.reggaesunska.com du 31 juillet au 3août à Bordeaux (33)
www.musicalarue.com du 14 au 16 août à Luxey (40)
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