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Les refuges périurbains descendent de leur Nuage

Coup de froid pour Bruit du Frigo : le collectif, qui a conçu six refuges périurbains dans l’agglomération bordelaise, et projetait d’en réaliser huit autres, voit son projet remis en question par la nouvelle majorité à la CUB. Si la nouvelle se confirme, ces refuges, qui connaissent un écho international, sont menacés de disparaître.

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Les refuges périurbains descendent de leur Nuage

Yvan Detraz (WS/Rue89 Bordeaux)
Yvan Detraz, directeur du Bruit du Frigo et concepteur des refuges périurbains (WS/Rue89 Bordeaux)

Les parents sont enchantés et les enfants sont aux anges. Dormir dans un nuage pour observer la lune où voir ce qui se passe dans la tête d’un hibou la nuit, est une expérience unique. Un refuge en forme de nuage, un autre en forme de hibou et d’autres en forme de tronc ou de hamac, sont à la disposition du public gratuitement, sur réservations. Et dès leur installation, ils ont été pris d’assaut. Jusqu’en septembre, il n’y a quasiment plus de places disponibles.

Un projet en stand by

Le Bruit du frigo prévoit de boucler la boucle autour de l’agglomération. Après Ambès, Lormont, Floirac, Bègles, Gradignan et Pessac (voir la carte ci-dessous), huit nouveaux réfuges sont prévus à Mérignac, Saint-Médard-en Jalles, Le Haillan, Eysine, Blanquefort, Bordeaux-Nord et Bassens.

« Les communes accueillent ce projet les bras ouverts, précise Yvan Detraz. Certaines se sont démenées pour être intégrées au parcours et avoir un refuge à proposer à leurs habitants. »

Seulement ce projet, qui semblait acquis sous la présidence de Vincent Feltesse (PS) à la CUB (Communauté urbaine de Bordeaux), est remis en question par la nouvelle majorité. Le président de la CUB, Alain Juppé a une nouvelle fois dénoncé ce jeudi, lors d’une conférence de presse, le coût du projet :

« Financer 8 refuges supplémentaires pour 800000 euros, est-ce vraiment raisonnable dans le contexte budgétaire actuel ? On ne le fera pas pour cette année. Nous voyons l’équipe du Bruit du frigo la semaine prochaine pour en rediscuter. »

Yvan Detraz, directeur du collectif d’architectes et d’urbanistes, s’étonne de cette interprétation :

« Les 800 000 euros sont un budget prévisionnel ventilé sur 4 ans et estimé par l’ancienne équipe de la CUB. On ne nous a jamais demandé un devis. C’est ce qu’on voudrait faire : un chiffrage précis avant que la nouvelle équipe ne prenne sa décision ! Nous avons écrit un courrier à Alain Juppé pour cela. »

Carte des refuges périurbains (Bruit du Frigo)

La concertation culturelle perd son pilote ?

Le maire UMP de Bordeaux a par ailleurs prévenu que la culture ne ferait pas partie des compétences mutualisées à l’échelle de la métropole, et resterait de l’initiative des communes.

« Mais comment fera-t-on pour piloter les projets si un interlocuteur d’un service qui connaît bien les dossiers n’est plus envisageable », s’inquiète Yvan Detraz.

En attendant, un plan B est prévu : se réfugier sur un autre territoire français, privant les communautés de l’agglomération d’une vrai connexion culturelle, sociale et touristique

Lormont, le pays du nuage blanc

Lors de son lancement, le concept est vu d’un drôle d’œil. Pour la première biennale artistique Panoramas, fin septembre 2010 dans l’agglomération bordelaise, un premier refuge, Le Nuage, est installé dans le parc de l’Ermitage à Lormont. Le succès est immédiat.

« Le Nuage a survécu à la biennale. Il est passé du statut d’une œuvre à celui de refuge utile. Il a pu accueillir ensuite de nombreux occupants alors qu’il était fabriqué avec un petit budget pour durer quelques jours. Il est resté à la disposition du public tout le mois d’octobre avec l’accord de la maire de Lormont, et a été réinstallé pendant l’été 2011 », précise Yvan Detraz.

Ce dernier a imaginé le concept du refuge urbain lorsqu’il était étudiant. Il avait en tête d’investir autrement les espaces publics, avec une approche ludique.

« L’idée est d’amener des gens à découvrir les territoires périurbains souvent méconnus, avec une proposition de randonnée et de promenade sur plusieurs jours. Tous les participants à nos randonnées s’étonnent des paysages qui se trouvent aux portes de la ville. Sans notre démarche, l’idée que le paysage est forcément loin resterait ancré dans l’esprit des citadins. »

La Corée et la Chine voient passer le Nuage

Le Nuage décolle. Les magazines français en parlent aussi bien que les chinois et les coréens. Le concept est repensé et les refuges fleurissent sur de nouveaux territoires. Séduite, la CUB décide de financer d’autres refuges. Vincent Feltesse, alors président de la métropole, y voit un tourisme à portée de main.

L’expérience se précise : les communes assumeront de leur côté la maintenance et s’occuperont de la gestion des réservations.

Deux nouveaux refuges sont prévus avec de nouveaux concepteurs et de nouvelles idées, mais toujours de manière ludique et une profonde réflexion sur l’implantation architecturale. La fabrication des refuges est confiée à un autre collectif bordelais, Zebra 3.

En juillet 2012, Le Hamac est installé au parc de Mandavit à Gradignan. En août, Les Guetteurs sont sur les rives d’Arcins. La belle étoile s’étale sur le domaine de La Burthe à Floirac.

Des randonnées et des refuges

Sur le modèle des randonnées et des refuges en haute montagne, le Bruit du Frigo a voulu tracer un chemin dans la périphérie de Bordeaux. Durant l’été 1999, lors d’une marche exploratoire de 3 mois, il réalise un travail cartographique permettant de repérer et de révéler des situations, des lieux et des cheminements propices à l’organisation de randonnées et à l’implantation de refuges.

Pour compléter la transposition urbaine à cette pratique destinée en principe à une nature sauvage, il associe l’idée des piques-niques. Une panoplie décalée trouve sa cohérence et se propose à un public qui adhère avec enthousiasme. Yvan Detraz développe son idée :

« On explore la ville et ses aménagements par des chemins qui mêlent espaces verts et parkings de grandes surfaces ou chemins en marge de la rocade. Le public se prend au jeu. L’univers n’est pas le même, il est à la fois familier et inconnu. Il est en tout cas décalé. Les randonneurs sont dans leurs villes et découvrent des espaces qu’ils ignorent parce la périphérie de la ville ne semble jamais intéressante. Alors que l’aventure est là, aux portes de notre cité. »

Le 14 et 15 juin 2014, une randonnée cycliste a été organisée sur 120 kilomètres de rive gauche. Un nouveau parcours est en cours d’élaboration le 20 et 21 septembre. En espérant que ce ne soit pas le dernier.


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