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Suppression des départements : la ruralité oubliée

Avec le projet de loi pour « une nouvelle organisation territoriale », François Hollande veut conforter la place des régions et des intercommunalités, et propose la suppression des départements. François d’Ars, citoyen bordelais, s’élève dans ce billet contre l’étiolement d’une certaine politique de proximité.

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Suppression des départements : la ruralité oubliée

La Gironde est le plus vaste département de France métropolitaine. Il doit son nom à l'estuaire de la Gironde qui prend naissance après la confluence de la Dordogne (photo) et de la Garonne (WS/Rue89 Bordeaux)
Plus vaste département de France métropolitaine, la Gironde doit son nom à l’estuaire qui nait à la confluence de la Dordogne (photo) et de la Garonne (WS/Rue89 Bordeaux).

Exit les départements ! Le mille-feuilles territorial si souvent dénoncé a trouvé son bouc-émissaire. Il est vrai qu’il ne date pas d’hier. La logique mise en avant tient à la nécessité de faire des économies et de rendre plus fluide notre organisation territoriale. La question qui n’est jamais posée, qui est pourtant la seule qui tienne est la suivante : quel est le bon niveau territorial pour mettre en œuvre une politique ? Le gouvernement semble avoir trouvé la réponse : les régions et les intercommunalités.

L’innovation : la réponse à tous nos maux

Les régions seront agrandies suite à des fusions parfois surprenantes pour ne pas dire fantaisistes (ainsi, les Orléanais seront-ils les « compatriotes » des Rochelais !).

Les intercommunalités seront quant à elles pour le moins disparates : des communautés de communes sises souvent en milieu rural, des communautés d’agglomération et des métropoles.

L’assise des premières se fonde sur la taille de la population, qui doit être supérieure à 20 000 habitants. La notion de bassin de vie qui doit déterminer cette assise est ainsi d’abord arithmétique. On appréciera à sa juste mesure la pertinence de cet indicateur.

On notera que si le mille-feuilles est simplifié, il accouche quand même d’un échelon nouveau et puissant : les métropoles. A cet égard, on s’apprête à vivre entre les métropoles et les régions un intéressant conflit hégémonique, dont nul ne parle.

Les métropoles et les régions sont donc les grandes gagnantes. Elles correspondent parfaitement à l’idée d’une certaine modernité qui a trouvé dans le mot innovation la réponse à tous nos maux.

Municipales : la double nature cachée de nos bulletins

Nul, non plus, ne s’attarde sur le déficit démocratique des régions ou des métropoles. La logique électorale des régions à travers leur scrutin facilite l’émergence de nouvelles féodalités qui font de leurs présidents de nouveaux monarques aux pouvoirs lointains, dégagés de toute emprise territoriale réelle.

Il faut revoir le mode de scrutin des régions si elles doivent monter en puissance afin qu’elles soient beaucoup plus proches de leurs électeurs. Là aussi, le silence est assourdissant, comme si le citoyen n’existait pas ou qu’il n’existait que pour donner quitus à un exécutif lointain et privé de liens véritables avec lui.

Que dire des métropoles dont on verra bien, pour certaines, que le poids de la ville-centre créera un déséquilibre flagrant entre les communes qui la compose.

Quant au mode de scrutin propre à ces nouvelles entités, il n’existe pas. Il est, à ce propos, proprement incroyable que, lors du dernier scrutin municipal, il n’est jamais été fait état de la double nature de nos bulletins où figuraient côte à côte la liste municipale et celle de l’intercommunalité ! Or, le pouvoir se déplace vers l’intercommunalité. Une fois de plus, c’est la démocratie même qui est bafouée.

Le monde rural, dépotoirs politiques urbaines

Revenons-en aux départements. La question qui vaut est celle du lien qu’ils sont seuls susceptibles d’établir entre les unités territoriales qui les constituent : communes et communautés de communes. Qui pour assurer ce lien désormais ? De grandes régions ? La Bretagne et l’Aquitaine ont échappé par miracle à toute fusion (et pourtant une région Midi-Pyrénées/Aquitaine aurait eu de la gueule). Mais ce qui vaut pour ces deux régions ne vaut pas pour Rhône-Alpes/Auvergne. Il n’y a aucune homogénéité.

Ce qui est certain, c’est que nos penseurs territoriaux n’ont que faire du monde rural, de cet hinterland, qui n’est souvent que le dépotoir des politiques urbaines et n’est jamais pensé comme tel. On a une politique de la ville avec force moyens. A quand une politique du monde rural ? Imagine-t-on un seul instant de grandes régions faire ce lien ? Les départements sont le bon échelon pour ce faire.

Le manque de répartition claire des compétences

Qu’il faille rassembler des compétences au sein de certaines collectivités, nul n’en disconviendra. Ainsi des collèges et des lycées, des transports, des routes. Mais pour le reste, où se situe le juste équilibre ? Dans ce qui nous est proposé ? Pas le moins du monde.

Oui, il faut des régions ayant une vision globale de leur territoire et donnant un cadre d’intervention partagé, co-construit et non pas unilatéral comme le montre la gestion des futurs fonds européens qui n’augure rien de bon en matière de gouvernance.

Oui, il faut des départements garants d’un équilibre territorial avec l’hinterland.

Oui, il faut repenser une gouvernance région-métropole-département-communautés de communes autour d’une répartition claire des compétences de chacun, apprendre à être plus modestes. Jamais ou si rarement, ces entités ne sont parvenues à travailler ensemble. Chacun a travaillé dans son périmètre et préservé ses frontières.

La décentralisation n’existe pas !

Non, il ne faut pas sacrifier aux oukases de la modernité. C’est de la vie des citoyens qu’il s’agit, de notre capacité à repenser le politique. C’est un vaste et beau chantier qui ne vaut pas d’être mené à la hussarde pour de strictes raisons budgétaires, et au nom d’une Europe exclusivement concentrée sur une logique budgétaire et libérale qui fait du marché la mesure de toutes choses et ne s’attache en rien à ceux dont elle est redevable : ses citoyens. Peut-être ne demandent-ils que de mieux vivre, ce qui peut être aussi le désir d’un monde plus juste.

Au bout du compte, la décentralisation française n’existe pas vraiment. Les collectivités locales n’ont jamais disposé de l’autonomie financière pour exercer leurs prérogatives. Elles sont dépendantes des mannes de l’Etat. Il faudra, là aussi, clarifier les choses.

La manière dont l’Etat s’est défaussé sur les départements, sans véritables contreparties, des allocations de solidarité est scandaleuse. Mais peut-être veut-il les reprendre à son compte ? En quoi la recomposition du mille-feuilles n’accouchera que d’une souris.

Le choix de décider revient aux citoyens

A l’heure où l’on vient de dessiner la nouvelle carte des régions françaises, si l’on demandait aux premiers concernés, ceux qui y habitent, de choisir le futur périmètre de leurs régions ? Il est proprement hallucinant, dans une démocratie, de confisquer aux citoyens le choix de décider du territoire dans lequel ils veulent vivre. Rarement la politique n’aura été aussi éloignée de ce qui la fonde : le respect des électeurs, c’est-à-dire des êtres humains qui la composent, de ceux dont elle est redevable.

Sont-ils à ce point stupides pour n’être pas entendus ? Et doivent-ils à leurs seules élites et à leurs barons locaux de penser ce qui est bon pour eux ?

À cet égard, le non cumul des mandats et la limitation de leur durée est une impérieuse nécessité pour régénérer une classe politique disqualifiée pour répondre aux enjeux de notre temps.

Étrange pays que le nôtre qui ne semble pas avoir fait son deuil de la monarchie et l’habille d’un manteau républicain. Il est temps de changer de monde. L’innovation dont se targue nos responsables ne saurait dissimuler leur comportement d’un autre temps. Oui, innovons, en replaçant la politique au cœur de nos enjeux et en faisant du respect de la dignité de nos concitoyens la raison de toutes choses. Manifestement, pour la majorité de ceux qui nous dirigent, c’est le cadet de leurs soucis.


#conseil général de la Gironde

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