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Bassin d’Arcachon : les plaisanciers au banc des accusés

Plaisanciers et professionnels du nautisme manifestent ce jeudi à Arcachon contre un projet de décret encadrant davantage la navigation au banc d’Arguin. Une mesure nécessaire, mais insuffisante, juge au contraire Michel Daverat, représentant de la région Aquitaine au nouveau Parc naturel du Bassin d’Arcachon, qui veut lutter plus efficacement contre les pollutions.

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Bassin d’Arcachon : les plaisanciers au banc des accusés

Le banc d'Arguin vu de la Dune du Pyla (Photo Christian Bachelier/flickr/CC)
Le banc d’Arguin vu de la Dune du Pyla (Photo Christian Bachelier/flickr/CC)

Quant on parle de sauvegarde du bassin d’Arcachon, Michel Daverat fait autorité. Conseiller régional (Europe écologie-Les Verts) délégué au patrimoine naturel et à la biodiversité, il préside le Syndicat mixte de la grande dune du Pilat, et est membre du comité consultatif de gestion de la Réserve Naturelle du Banc d’Arguin. Il représentera en outre la région au conseil de gestion (en cours de constitution) du Parc naturel marin du Bassin. Cette nouvelle aire maritime protégée permettra selon lui de mieux combattre les pollutions de toutes origines – afflux massifs de visiteurs dans des sites fragiles, HAP des carburants et peintures anti-salissure rejetés par les plaisanciers, pesticides et engrais issus de l’agriculture intensive dans les bassins versants.

Rue89 Bordeaux : Que pensez vous du projet de décret contre lequel s’insurge les professionnels du nautisme, qui appellent à manifester ce jeudi devant les Affaires maritimes au port d’Arcachon ?

Michel Daverat (DR)

Michel Daverat : Le banc d’Arguin a beaucoup de succès non pas pour ses oiseaux, mais pour ses bancs de sable, la beauté de ses paysages et la baignade. Les gens y vont sans prendre toutes les précautions d’usage pour protéger la réserve. Le gros problème vient de la fréquentation en journée des plaisanciers, mais aussi des bateliers du bassin qui déversent des flots de touristes toute la journée. En 1985, il y avait 10000 touristes par an sur banc d’Arguin, ils sont aujourd’hui 250 000 ! C’est beaucoup de bruit et d’agitation, et la colonie de sternes qui y avait trouvé refuge est en train de partir. Leur nombre diminue d’une façon assez inquiétante. Soit on donne feu vert à la plaisance, et on n’a plus d’oiseaux, soit on fixe des règles assez rigides.

Lesquelles ?

Une des mesures les plus discutées est l’interdiction de mouillage de nuit. Cela peut paraître exagéré car il n’y a pas énormément de bateaux qui le font. Mais les gardes-côtes n’ont aucun moyen de vérifier qu’ils ont des système de récupération des eaux usées. Or certains n’ont pas de toilettes, alors qu’on est très proche des bancs ostréicoles… Dans le projet de décret on trouve aussi une réglementation de la vitesse : on y est obligé car des gens font des concours de vitesse autour du banc… Ce n’est plus un endroit de quiétude pour les oiseaux.

Limiter la fréquence des navettes

La création du parc naturel marin du Bassin d’Arcachon, 6ème aire protégée de France, va-t-elle changer la donne ?

C’est vrai que quand le comité de gestion du parc sera sur pied, cet automne, ces sujets seront davantage traités. La plupart des plaisanciers sont conscients des problèmes. Mais c’est leur nombre qui devient difficile à gérer. De ce point de vue, le décret ne va rien changer en s’en prenant aux navigateurs, et pas à ceux qui font débarquer les touristes par bateaux entiers. La fréquence des navettes devra sûrement être limitée dans le parc, cela fait partie des réflexions que mènera le conseil de l’Aire protégée.

Le Bassin a la particularité d’accueillir une flotte importante de bateaux à moteur. Avec quel impact sur l’environnement ?

La pollution par les carburants est extrêmement inquiétante. Suite au naufrage du Prestige, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments a fixé des seuils limite de présence dans les huîtres de HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques, contenus dans le pétrole). Alors qu’on était loin de ces seuils après de la marée noire de 2002, on les dépasse désormais, surtout en juillet-août.

Il y a le problème du nombre de bateaux, et de la puissance de plus en plus importante des moteurs : la moyenne est de 140 chevaux, le double de ce qui est observé en Bretagne, alors qu’ils servent à faire de petites distances ! C’est un phénomène de mode, comme d’avoir un 4X4 énorme pour aller faire courses, comme on en voit toujours plus au Pyla. Les hydrocarbures arrivent d’ailleurs aussi des terres, par les voies d’eau ou le lessivage des endroits proches du rivage.

Pélerinage en 2010 au au banc d’Arguin, qui reçoit chaque année 250000 visiteurs, 20 fois plus qu’il y a 30 ans (Photo Diocèse de Bordeaux/flick/CC)

Heureusement qu’il y a les huîtres…

Mesure-t-on les effets pour la santé humaine ?

Dans des lacs aux Etats-Unis, des études épidémiologiques montrent bien des augmentations anormales de cancers du sein liés aux HAP. Mais ici, on n’a jamais fait d’études sur l’homme. Heureusement qu’il y a les huîtres pour mesurer leurs présence dans l’eau… Les mesures sur la qualité des eaux de baignade ne les prennent toutefois pas en compte, elles ne s’intéressent qu’aux pollutions bactériologiques. Et comme nous avons de bons systèmes d’assainissement des eaux usées autour du Bassin, elles sont aux normes…

Que pourra faire le Parc naturel ?

Nous avons beaucoup d’analyses et de mesures, mais les décisions n’ont pas été prises car il n’y avait personne pour les prendre. Le responsable Atlantique des affaires maritimes, basé à Brest, va désormais pouvoir déléguer ses compétences à la nouvelle aire maritime protégée. Car chaque parc a des particularités différentes. Celle du Bassin, c’est d’être une lagune presque fermée, donc plus sensible que la mer d’Iroise, par exemple, car la dilution des polluants est moins importante. C’est le cas des peintures anti-salissure, qui sera j’espère un des dossiers les plus importants pris en compte par le parc.

De quoi s’agit-il ?

Pour éviter que des algues ou des plantes se collent sur les coques, elles sont enduites de peintures contenant des pesticides.Il n’existe pas de peinture écolo, et la seule solution, c’est le carénage, le nettoyage à la main des coques. On pourrait aboutir rapidement à l’interdiction totale de ces peintures sur le Bassin, avec l’installation de stations de nettoyage.

Cela ne réglera toutefois pas l’arrivée de polluants par les bassins versants de l’Eyre et des petites rivières, entourées de surfaces agricoles – maïs,carottes… –, loin d’être tous en bio, et utilisant donc beaucoup d’engrais et de pesticides. Elles posent beaucoup de problème, notamment la prolifération des algues vertes au fond du Bassin. On a toutefois pu observer leur diminution lorsque les agriculteurs ont réduits leurs épandages de produits azotés ou de lisiers. Mais ce n’est pas aussi inquiétant que ça l’est en Bretagne, car l’huître a besoin d’une eau de qualité, et les ostréiculteurs assurent ainsi une veille permanente.

Vous président le syndicat mixte de la Grande Dune du Pilat, qui reçoit jusqu’à 10000 visiteurs par jour, 1,5 à 2 millions par an. Comment gérer cet afflux ?

C’est le site le plus visité d’Aquitaine, mais on a peu de problèmes de déchets, bien que les poubelles ne se trouvent que sur l’aire d’accueil. Nous devons surtout empêcher l’extension incontrôlée de certains campings, qui tentent de gagner sur la pinède le terrain perdu par l’avancée de la dune, de façon pas toujours légale. Autour de la dune, 60% des terrains sont privées, et nous sommes en négociation avec les propriétaires pour que le Conservatoire du littoral rachète leurs parcelles.

Autre sujet polémique, le projet de Pôle océanique aquitain d’Arcachon a été validé par les enquêtes publiques. Allez vous soutenir l’initiative d’une élue du conseil municipal en faveur d’un référendum d’initiative populaire ?

Les écologistes sont bien sûr favorables à ce que le pôle océanographique se développe à Arcachon, mais nous avons toujours été opposés à ce vieux projet. Tel qu’il est mené, c’est avant tout un projet immobilier : le maire veut faire en sorte que l’université déménage du site de l’actuel aquarium, où va se construire un hôtel de luxe et un casino, pour s’installer au petit port, sur des terrains théoriquement inconstructibles du domaine public maritime ! Beaucoup de scientifiques auraient préféré rester là où ils sont, le bâtiment pouvait être agrandi. Mais je ne sais pas si le référendum est une bonne idée, cela risque d’avoir des effets contraires. On n’a jamais eu un vrai débat public sur le projet. Pourquoi pas soutenir toutefois cette initiative de référendum ? Nous en déciderons à la rentrée.


#Dune du Pilat

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Photo : RM/Rue89 Bordeaux

Photo : CB/Rue89 Bordeaux

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