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Don des invendus alimentaires : une nouvelle loi pour quoi faire ?

Elle est passée inaperçue fin juillet, non pas tant en raison de la torpeur estivale que de son manque d’ambition : une proposition de loi déposée par 63 députés veut imposer aux supermarchés de donner leurs invendus aux associations caritatives. Bonne idée… sauf qu’ils le font déjà largement, car c’est tout bonnement dans leur intérêt.

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Don des invendus alimentaires : une nouvelle loi pour quoi faire ?

(Wikipedia)
La grande distribution donne une large part de ses invendus aux associations (Wikipedia)

Encore une proposition de loi qui va finir à la poubelle ? C’est ce qu’on peut supposer en creusant un peu autour de l’idée qu’ont eue 63 députés cet été visant à réduire le gaspillage alimentaire engendré par la grande distribution. Le texte dispose que « les magasins de commerce de détail d’une surface supérieure à 1 000 mètres carrés [proposeront] les denrées alimentaires invendues encore consommables à une ou plusieurs associations d’aide alimentaire ».

Une idée de bon sens en apparence, « quand on sait qu’une grande surface produit à elle seule 197 tonnes de déchets par an », indiquent les députés sans préciser les détails ni la source de cette statistique. Mais une idée qui peut paraître vaine, puisque les supermarchés fournissent déjà très largement les associations caritatives avec lesquelles ils nouent des partenariats depuis des années.

Redistribution des invendus : c’est déjà le cas  !

Le secrétaire général de la Banque Alimentaire de Gironde, Jean-François Runel-Belliard, s’avoue un peu circonspect face à ce texte qui pourrait n’être qu’un effet d’annonce :

« Toutes les grandes enseignes nous font déjà des dons. Nous récoltons 2800 tonnes de nourriture par an sur la CUB à l’aide de six camions-frigo qui font le tour des supermarchés tous les jours ouvrables. Nous disposons de 1000 m3 de chambre froide pour stocker ces produits qui sont ensuite redistribués à près de 150 associations ou collectivités dans le département. Nous pourrions peut-être gérer quelques centaines de tonnes supplémentaires, mais nous fonctionnons avec des bénévoles dont la disponibilité n’est pas extensible. »

Même constat au Secours Populaire de Gironde qui possède son propre réseau de collecte de denrées et aurait besoin d’un renfort logistique si le volume des dons des grandes surfaces venait à augmenter. Le secrétaire général du comité de Cenon, Claude Henrion, connaît bien le problème, lui qui travaillait dans la grande distribution avant de s’engager dans l’association comme bénévole une fois sa retraite venue. Armée de sept congélateurs, son antenne du Secours Populaire peut facilement récupérer des produits frais et les stocker avant de les céder à ses bénéficiaires contre une participation financière symbolique.

Sans malice, il signale que la démarche de don est intéressante pour les hypermarchés qui en retirent un gain non négligeable :

« Le directeur d’un hypermarché de l’Entre-deux-Mers nous avait offert un camion pour l’envoi de fournitures scolaires au Maroc. Quand nous lui avons expliqué que ce type de don était défiscalisable, il a accepté de nouer un partenariat avec nous pour la collecte de ses invendus. »

La défiscalisation, une bonne motivation

Un échange gagnant-gagnant : les entreprises qui font un don en nature peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt à hauteur de 60% de ce don, dans la limite de cinq millièmes du chiffre d’affaires hors taxes du magasin. Ce sont les grandes surfaces elles-mêmes qui déterminent la valeur de leur don, les associations n’attestant que de la nature et de la quantité de produits qu’elles ont reçus. La proposition de loi déposée par les députés fin juillet aurait-elle pour conséquence de modifier cet avantage fiscal ? Impossible de le dire, vu le laconisme du texte qu’ils espèrent glisser dans une niche parlementaire du groupe UMP à la rentrée.

Chez Carrefour à Bègles, le responsable du service de sécurité, Nicolas Sobansky, en charge de la gestion logistique de ces invendus, précise que le groupe fait des dons aux associations caritatives « depuis plus de dix ans ». Selon lui, l’enseigne met un point d’honneur à éviter le gaspillage. Au sein de son équipe, quatre personnes sont formées à ces questions afin de pouvoir accueillir les associations bénéficiaires et gérer le transfert de denrées tout au long de l’année.

Les produits sont retirés des rayons quelques jours avant leur date limite de consommation, stockés dans des chambres froides avant d’être récupérés par les associations qui procèdent elles-mêmes à des contrôles de température pour vérifier le respect de la chaîne du froid. Certains produits sont destinés aux animaux, comme ceux du zoo de Pessac ou ceux recueillis par la SPA. D’autres enfin partent directement vers les usines de méthanisation, car impropres à la consommation, comme les fruits et légumes pourris, le poisson, les farces de viande et abats, les pâtisseries à base de crème fraîche, les produits dont l’emballage a été abîmé ou encore ceux vendus à la coupe, comme la charcuterie ou le fromage.

Le vrai problème de la date limite de consommation

Pour lutter contre le gaspillage alimentaire, la mesure la plus efficace, de l’avis de tous les acteurs associatifs interrogés, serait plutôt de se pencher sur les règles concernant la date limite de consommation des denrées. Laissées à l’appréciation des fabricants, ces dates s’avèrent souvent exagérément restreintes, voire opportunistes : les mêmes yaourts se trouvaient ainsi commercialisés en métropole avec une date limite de consommation (DLC) de 30 jours après leur fabrication, tandis qu’ils affichaient une DLC de 50 jours en Outre-mer – tenant compte du délai d’acheminement du produit. Une loi a été adoptée en juin 2013 obligeant à uniformiser ces mentions. Mais le problème reste entier sur la question de la date limite d’utilisation optimale (DLUO) apposée sur des denrées moins sensibles. Comme le rappelle Claude Henrion, du Secours Populaire :

« Les gens ont peur de s’empoisonner dès que la DLUO est passée, mais c’est une simple indication selon laquelle au-delà de cette date le produit peut avoir, au pire, une consistance légèrement différente ou moins de goût, mais ne sera absolument pas dangereux pour la santé. Il faut que tout le monde sache bien ce que cela signifie : quand sont indiqués le jour, le mois et l’année de DLUO, le produit peut être consommé encore trois mois après cette date. Quand il n’y a que le mois et l’année d’indiqués, c’est jusqu’à 18 mois qu’on peut le manger. Et quand il n’y a que l’année, cela signifie qu’on peut le consommer… jusqu’à trente ans après ! »

Dans l’attente d’une éventuelle adoption de la proposition de loi déposée par les députés – et les précisions qu’apporteraient de nécessaires amendements – voici donc une question sur laquelle il semblerait utile de légiférer. D’après le ministère de l’agriculture, chaque foyer français jetterait en moyenne 20 à 30 kg d’aliments par an, dont 7 kg encore emballés. Pas sûr que la campagne de communication « antigaspi » lancée en décembre 2013 – « Manger c’est bien, jeter ça craint » – suffise à convaincre les consommateurs et à inverser la tendance.

Pour aller plus loin

Guide du don alimentaire élaboré par la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de Rhone-Alpes.


#associations

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