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Les enfants de chômeurs privés de garderie ?

Le socialiste Mathieu Rouveyre dénonce une « discrimination » entre écoliers bordelais, ceux dont les parents travaillent étant prioritaires pour les activités périscolaires. La Ville conteste cette interprétation.

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Les enfants de chômeurs privés de garderie ?

    Manif du 25 juin 2014 contre les modalités bordelaises de la loi Peillon (Photo Bordeaux ensemble pour la réforme des rythmes scolaires/facebook)
Manif du 25 juin 2014 contre les modalités bordelaises de la loi Peillon (Photo Bordeaux ensemble pour la réforme des rythmes scolaires/facebook)

Les enfants de chômeurs seront ils privés d’accueil périscolaire après l’école et de cantine le mercredi midi ? C’est ce dont le conseiller municipal socialiste Matthieu Rouveyre accuse la mairie de Bordeaux, sur la foi des dossiers d’inscription aux activités périscolaires.

Ces derniers stipulent en effet que l’accueil de 16h à 18h30 « est réservé prioritairement aux enfants dont les parents travaillent, ou autres situations, qui ne leur permettent pas de venir récupérer leur enfant à l’horaire de fin de classe ». Une réserve similaire est précisée pour les centres de loisir du mercredi (et donc à la cantine, accessible aux seuls enfants inscrits en centre de loisir) : « priorité sera donnée aux enfants dont les parents ne peuvent assurer la garde pour raisons professionnelles, de formation ou autres situations ».

Lorsque les parents ont retourné ces formulaires en juin dernier, ils ont ainsi dû joindre une attestation des employeurs ou d’un organisme de formation, précisant jours et heures de travail. Or selon l’élu d’opposition, « la cantine comme les activités périscolaires sont des services publics (que la Ville a délégué à des associations) », et « le principe d’égalité devant les services publics interdit toute discrimination fondée sur l’activité professionnelle ».

« Attaque infondée »

Le groupe socialiste au conseil municipal, annonce donc engager un recours contre cette clause « profondément injuste, illégale et littéralement insupportable pour les parents sans emploi », et indique saisir le Préfet d’une demande de déféré préfectoral visant à faire supprimer la mention discriminatoire des formulaires d’inscription.

Cela n’inquiète pas outre mesure Emmanuelle Cuny, adjointe au maire de Bordeaux, pour qui « ce procès n’a pas lieu d’être ». Elle assure en effet que le terme vague d’ »autres situations » concerne « les parents en recherche d’emploi ou qui pour des raisons X ou Y ne peuvent pas récupérer leurs enfants à 16h ».

L’élue précise en outre que cela n’a rien de nouveau : « Le règlement des activités périscolaires n’a pas évolué avec la réforme des rythmes scolaires. »

Dans un communiqué, la Ville de Bordeaux « réaffirme son souhait d’accueillir en temps périscolaire et dans la mesure du possible, tous les enfants dont les parents en feront la demande. Elle déplore la nouvelle attaque infondée du groupe socialiste du conseil municipal, destinée de toute évidence à tenter d’exister en l’absence de son président (Vincent Feltesse, NDLR) et à laisser entendre qu’une quelconque discrimination était possible dans ce dossier. »

L’éducation, parent pauvre de Bordeaux ?

Reste que les parents d’élèves, toujours remontés contre la Ville, voient d’un bon œil l’offensive de Mathieu Rouveyre. Après avoir critiqué les reniements de la mairie sur l’application de la loi Peillon, leurs représentants avaient obtenu quelques concessions d’Alain Juppé, notamment la possibilité « au cas par cas » pour des enfants non inscrits au centre de loisir de rester manger à la cantine, ainsi qu’une baisse du prix de la garderie pour certains parents. Mais ils attendent encore les traductions concrètes de ces engagements.

« Bordeaux semble avoir un problème avec la chose éducative », estime Matthieu Hazouard, en charge des primaires à la FCPE 33 (fédération des conseils de parents d’élèves).

Il rappelle par exemple que son organisation a déjà obtenu il y a deux ans que la Ville, épinglée par la presse, renonce à limiter l’accès de la cantine scolaire aux seuls élèves dont les deux parents travaillent.

« Aujourd’hui, avec les nouveaux horaires, venir chercher son enfant à 16h, c’est difficile, poursuit-il. Et quand bien même on ne travaillerait pas, cela mettrait de nouvelles barrières dans ses recherches d’emplois. En plus, pourquoi les enfants n’auraient-ils pas tous le droit d’avoir accès à des activités épanouissantes ? »

Parente d’élève indépendante, membre du collectif mobilisé sur les rythmes scolaires, Émilie Houdent nuance :

« Dans des contextes de crise, s’il faut se serrer la ceinture, pourquoi pas donner la priorité à tels ou tels parents. Mais quels justificatifs fournir quand on est travailleur indépendant, par exemple ? Cela peut décourager des parents de faire la demande. Dès que l’on demande des justifications, se greffent ainsi des problèmes d’inégalité. On pourrait faire confiance aux parents pour décréter s’ils ont besoin ou pas de confier leurs enfants en accueil périscolaire. »

Y a-t-il un pilote du périscolaire ?

Mais quelles économies réaliserait en fait la ville en restreignant cet accueil ? Centres de loisirs et garderies vont ils connaître une augmentation de leur fréquentation liée à la réforme des rythmes scolaires ? Beaucoup d’enfants restent ils d’ores et déjà à la porte de ces modes d’accueil ? Interrogés par Rue89 Bordeaux, ni les parents d’élèves ni la mairie n’avancent de chiffres.

La Ville souligne toutefois qu’elle a augmenté de 30% le nombre de places proposées le mercredi en centre de loisir, pour atteindre les 5000. Selon Emmanuelle Cuny, si les centres affichent souvent complet les premières semaines suivant la rentrée, la situation se décante ensuite.

Matthieu Hazouard dénonce pour sa part « l’augmentation phénoménale tarifs périscolaire et des centres de loisir » ; et il déplore au passage que la délégation de leur gestion à des associations entraîne « un niveau de service inégal selon les quartiers, et se traduise par « un manque de pilotage et d’ambition pour le périscolaire ». Mathieu Rouveyre se fait lui le plaisir de souligner que si la réforme des rythmes scolaires coûte à la Ville 1,8 millions d’euros par an, elle « payera chaque année à Vinci, pour le nouveau Stade de football, 5,5 millions d’euros ».


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