C’est une galerie miniature, un espace réduit sous forme d’une boîte que l’on déplace selon la programmation et la demande. Ce lieu d’exposition séjourne à l’endroit qui l’accueille pour présenter, tout comme une galerie à une adresse fixe, le travail d’un artiste. La Tinbox peut alors se retrouver sur une place publique, une rue piétonne ou sur le miroir d’eau, comme cela a été le cas en 2013.
« Le but est d’ouvrir la création artistique et aller vers un public plus large, de provoquer la curiosité chez le spectateur et l’attirer vers l’exposition… ce qui est un plus par rapport à celui qui pousse la porte d’une galerie de lui-même. », précise Nadia Russell, initiatrice du projet et directrice de l’Agence Créative.
L’exploitation et la symbolique de l’espace
La Tinbox qui sera présentée lors du vernissage prévu le 8 septembre dans le cadre d’Agora 2014 est la toute dernière version. Nadia Russell n’en est pas à son premier coup d’essai ; quatre autres versions ont circulé à Bordeaux depuis 2007 :
« En réalité, l’idée a germé en 2000. Je travaillais au Japon sur la réalisation des décors de Hamlet par Peter Brook. J’ai découvert la capacité des Japonais à exploiter les espaces et leur donner une symbolique. Parallèlement, une exposition dans un hôtel capsule m’a aussi encouragé à développer ce projet (NDLR, typiquement japonais, un hôtel capsule est une cabine dans laquelle l’espace est optimisé pour tous les besoins de l’occupant). »
Les quatre premières Tinbox ne dépassaient guère les deux mètres carrés.
L’une des deux premières avait une petite fenêtre, l’autre totalement opaque invitait le spectateur à entrer dans l’espace exigu pour découvrir l’exposition. Ces deux versions avaient l’inconvénient du transport. Montées sur roulettes certes, mais il fallait accomplir le trajet en poussant la Tinbox comme on pousse un caddie !
Les deux suivantes ont apporté deux nouveautés : une vitrine sur tout un côté pour observer l’exposition, aussi bien de jour que de nuit, et, surtout, elles sont devenues démontables et pouvaient ainsi être installées dans un périmètre plus important. Ce qui n’a pas privé les Bordelais d’une déambulation de la Tinbox le jour de l’inauguration de l’Été métropolitain 2014, de la place de la Victoire jusqu’à la place des Quinconces où elle a présenté une œuvre de Max Boufathal.
« Ces premières Tinbox ont montré des artistes dans des espaces publics dans le cadre d’actions précises et pour faire circuler les œuvres dans la rue. On a voulu faire plus, rendre cette galerie mobile autonome, la laisser sur place pour une durée plus importante, ce qui nous a amenés à réfléchir à une nouvelle version. »
Une cinquième version « autonome »
Le tout dernier modèle de la Tinbox apporte de gros changements : elle a une surface de cinq mètres carrés, possède deux côtés vitrés, et se transporte sur une remorque tirée par une voiture. Une sorte de caravane que Nadia Russell a voulu créer plutôt que d’en aménager une déjà existante.
« Il y a eu plusieurs contraintes, déclare Philippe Bettinger, responsable de Tangible design et concepteur-réalisateur de la Tinbox. L’une d’entre elles était la création d’un lieu dédié à l’exposition et non pas la transformation d’un lieu comme un container ou une caravane. On ne voulait pas d’un espace qui avait déjà eu une histoire ou une autre vie. On a voulu entièrement repenser l’idée, ce qui nous a amenés par exemple à la proposition de deux points de vue vitrés. »
Pour réaliser l’objet, il a fallu bien évidemment des subventions et des investissements, mais aussi l’aide d’une plateforme de dons – le crowdfunding – pour réunir les 27 000 € ; le budget resserré par rapport au budget initial. 130 personnes ont été au rendez-vous. Chaque donateur aura son nom gravé sur la boite, et d’autres contreparties selon le montant du don.
« C’est intéressant comme expérience de faire appel aux dons, précise Nadia Russell. Ce type de financement est symptomatique d’une époque et montre l’intérêt que les gens peuvent avoir pour un sujet. Le projet prend ainsi de l’intérêt. C’est une source de motivation, une manière de voir quel est l’impact du projet et comment il sera accueilli. »
La Tinbox : un mobilier urbain
La construction démarre à l’atelier partagé et collaboratif Zélium à Bordeaux, un lieu de mise en commun de matériels et de compétences :
« Il a fallu d’abord réfléchir sur les matériaux pour créer une structure à la fois légère pour faciliter son transport, et solide pour supporter les longs séjours à l’extérieur. L’espace devait aussi se trouver au niveau de la vision du passant », annonce Philippe Bettinger.
En effet, la Tinbox possède des roues pour faciliter son placement sur une remorque, et sont escamotables pour poser la galerie à même le sol. Contrairement à d’autres conceptions similaires, comme La Borne à Orléans, la mobilité de la Tinbox est prévue dès sa conception.
« Ce projet touche à plusieurs domaines, c’est une réflexion sur la micro architecture et sur l’objet fonctionnel dans l’espace public. Il s’inscrit dans la conception d’un mobilier urbain », ajoute le designer.
La Tinbox est construite sur une structure en aluminium avec une enveloppe en résine autour de panneaux en nid d’abeilles.
« Une exposition lèche-vitrine »
Simon Tournebœuf est le premier artiste à investir la Tinbox. Son exposition se déroulera du 8 au 14 septembre place Camille-Julian. Son travail tient compte de la fonctionnalité de l’objet, ce qui l’inscrit parfaitement dans le cadre d’Agora.
« La série que je présente, la Bones Collection, est une série de sculptures en bois qui se situe entre expression d’un concept artistique, objet utilitaire, et ouvrage d’art. »
Bien que cette série soit réalisée indépendamment du projet de la Tinbox, l’artiste est confronté à sa présentation dans ce nouvel espace.
« Je travaille déjà sur les contraintes dans mes sculptures, ajoute Simon Tournebœuf. L’une d’elles est d’emmener la fonction à mes pièces. Pour mon expo, je me pose encore des questions sur l’accrochage. Je suis confronté aux nombreuses potentialités qu’offre un espace réduit dans lequel le spectateur est concerné d’une manière différente ; il est à une échelle humaine. »
Si l’artiste s’estime privilégié de travailler dans le même lieu où se construit la Tinbox, ce qui développe selon lui un rapport plus intime, il reconnaît que ses œuvres seront simplement offertes au regard sans possibilité de manipulation ou de circulation autour.
« Une exposition lèche-vitrine, où les baies vitrées de la Tinbox prendront tout leur sens » selon Nadia Russell. Car il ne faut pas perdre de vue que si l’intention de la galeriste est d’aller vers un nouveau public, c’est aussi, et avant tout, l’envie de rendre les artistes plus visibles.
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