Tout d’abord, je ne voulais absolument pas prendre parti pour la GPA (gestation pour autrui), qui est un problème d’ordre éthique et non d’égalité entre couples hétéro et homosexuels. Je ne comptais pas non plus exposer mon opinion quant au mariage pour tous en ce dimanche. J’étais là pour voir, non pour manifester. Je voulais sincèrement découvrir de mes propres yeux l’opinion et les arguments des personnes, tout à fait dans leur droit, refusant le mariage homosexuel. Mais aussi, je voulais voir la manière dont les partisans se défendent.
Pour ceux qui ne me connaissent pas, la critique sera fort simple : il suffit de fouiner dans mon profil Facebook pour me retrouver embrassant une femme ; qu’importe que cela soit l’instant d’une photo ou le temps d’un amour qui fit quelques temps partie de ma vie.
Passons.
Par ce charmant dimanche après-midi, je traine donc mon compagnon hors de son canapé. Il n’a pas des convictions plus ancrées que cela sur le sujet : je lui demande de me suivre pour avoir un homme grand et fort avec moi en cas de pépin, mais aussi pour qu’il comprenne pourquoi ce sujet me tient à cœur et qu’il puisse constater les éventuels débordements que cela entraine. Et, surtout, pourquoi je ne trouve pas cela normal.
Ainsi, nous arrivons aux Quinconces, point de rendez-vous de la Manif pour tous, peu avant 13h. Des bus partout, beaucoup de monde, dans la bonne humeur. Nous décidons de prendre le chemin de la place de la Victoire, où un rassemblement de personnes « pour » le mariage pour tous devait se tenir. La foule se fait attendre mais l’ambiance et la bonne humeur compensent l’organisation quelque peu bancale.
Hargneux, les manifestants entonnent « La vie en rose »
Tout commence par un petit problème : les personnes en faveur du mariage ne sont pas autorisés à tenir une contre-manifestation. Soit. Certains prennent alors la décision d’une marche, avec banderoles, affiches et slogans. Nous décidons de prendre une petite rue en regard de la rue Sainte Catherine. Là, nous nous retrouvons encerclés par des CRS pour le reste de la journée. Pourquoi ?
Certes, cette manifestation n’est pas légale. Je conçois que l’on prévienne tout éventuel débordement, ou bien des heurts avec l’autre manifestation. Par contre, le fait de ne pas laisser sortir des enfants en bas âge – qui, certes, n’avaient pas leur place dans une manifestation – ou de refuser toute dispersion avant la fin de l’autre manifestation, ne semblent pas justifiés.
Surtout que les « contre » ont a priori des CRS pour les protéger de… nous. Il est vrai que nous avons l’air des plus hargneux, particulièrement lorsque nous entamons « La vie en rose » d’Edith Piaf, ou encore quelques génériques de Disney. Nous commençons à perdre patience, à nous lasser d’être tenue en joue par des armes et des flashballs et nous préférons compenser cela par une once de bonne humeur.
Certains tentent des négociations. Moi, avec ma bouille mignonne aux grands yeux, lorsque j’approche des policiers en civils présents dans la foule et leur adresse la parole de la manière la plus polie qui soit, on ne me regarde même pas dans les yeux, ni ne me renseigne. On m’ordonne simplement de circuler. De plus, au lieu de nous agresser avec des insultes, on pourrait simplement nous demander de libérer les lieux dans le calme, en nous encadrant. Nous n’attendons que cela, rentrer chez nous.
Je n’ai du coup malheureusement pas pu me forger une opinion claire, n’ayant eu le droit de m’exprimer, de parler avec les manifestants de l’autre bord et encore moins de les approcher. Le seul signe de vie auquel nous avons eu droit fut un journaliste de France Bleu Gironde, passé en coup de vent pour interroger quelqu’un. Après, plus rien. Aucune information, aucun droit d’expression ou de libre circulation.
Nous sommes rentrés après quelques peu exaspérés mais surtout dégoutés d’une telle journée, à être muselés jusqu’au soir.
Est-il plus simple de couper court à tout débat où chaque parti pourrait être entendu et considéré à sa juste valeur ? J’ai peut-être de beaux espoirs de petite fille dont les parents lui ont inculqué la tolérance, le respect d’autrui et des différences depuis son plus jeune âge. Mais depuis quelques années, je me prends un mur en pleine figure alors que j’habite le pays des droits de l’Homme, et même mon géniteur avec qui j’ai de grandes conversations perd espoir.
Ce petit témoignage insignifiant et sans grandes prétentions ne sera, je le sais, qu’un simple pavé dans la mare. Mais à défaut de pouvoir clamer mes convictions haut et fort, je vais me contenter des les rédiger, comme ici, et de les laisser dans un coin. Un jour, peut être, aurai-je le droit à la parole.
Si des personnes « contre » viennent à me lire et souhaitent donner leur opinion, n’hésitez pas, je vous répondrai.
Originaire d’Orléans, Clarisse Perez vit à Bordeaux. Elle a 18 ans.
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