La semaine fut courte, la programmation dense, la sélection de fait difficile. Après une longue réflexion, voici mes trois moments forts de la semaine. « Lake Los Angeles », une pépite présentée dans le cadre d’un focus Los Angeles pour les 50 ans du jumelage avec Bordeaux ; la découverte du nouvel espoir du cinéma français, Thomas Salvador ; et une soirée démente au Village Mably.
Une pensée sincère pour tous les films dont je ne parlerai pas et pour ceux que je n’ai pas pu voir.
Un film : « Lake Los Angeles » de Mike Ott émerveille
Un coin perdu à 1h30 à l’est de Los Angeles. Ici il n’y a rien, ou presque. Une terre sablonneuse, une grande route, quelques arbres malingres. C’est dans ce no man’s land que Francisco, un immigré cubain, héberge des clandestins de passage qui, comme lui des années plus tôt, espèrent une vie meilleure.
Cécilia, jolie gamine un peu sauvage restera plus longtemps que les autres, son père tarde à venir la récupérer. Les deux commencent tout juste à s’apprivoiser lorsque l’heure du départ arrive, les ramenant chacun à leur solitude.
Dernier d’une trilogie après Littlerock et Pearblossom Hwy, Mike Ott sonde une nouvelle fois les désillusions du rêve américain. Pour autant, Lake Los Angeles n’est pas un film politique, plutôt un film d’atmosphère. Le lieu, presque désertique, a donné naissance au scénario. « Tout est extrême ici » écrit Francisco à sa femme, la lumière aveuglante, les paysages abruptes, le bruit des voitures sur l’autoroute, la chaleur écrasante.
Dans ce cadre, deux personnages mènent leur vie en parallèle, l’un avec ses souvenirs de La Havane, l’autre avec son ami imaginaire, tous deux sans famille et sans patrie. Les longs plans séquence et la voix off des personnages installent une ambiance onirique et contemplative où le temps n’a plus d’importance. D’une parfaite maîtrise technique, le film distille une beauté esthétique à couper le souffle. Une fable sur le monde moderne d’une grande douceur.
Un réalisateur : Thomas Salvador a tout d’un grand
A 40 ans passés, Thomas Salvador est encore un grand jeune homme, le regard bleu et le corps élancé. Au FIFIB, il vient présenter son long métrage « Vincent n’a pas d’écailles » en compétition officielle, aboutissement de sept ans de travail. Une grande première pour ce cinéaste autodidacte, déjà auteur de six courts métrages dont un a reçu le prix Jean Vigo (De sortie, en 2006).
Sa carrière commence avec « Une rue dans sa longueur » qu’il réalise à 23 ans seulement et qu’il autoproduit grâce à un remboursement de l’assurance. Dès lors, Thomas Salvador n’a cessé de tourner pour lui ou pour les autres. Souvent aussi, il joue aussi dans ses films, même s’il ne se dit pas acteur.
Comme dans ces précédents courts-métrages, ce personnage de Vincent devient le sien à l’écriture. Un rôle physique qui semble lui ressembler, lui qui se dit volontiers cascadeur ou magicien. Pourtant Vincent est presque mutique là où Thomas est volubile. Pour ce film fait-main, il raconte les anecdotes de tournage, les effets spéciaux bricolés pour un effet de réel, lui qui se méfie du numérique et de ses images trop lisses.
Un réalisateur qui travaille à l’instinct, à l’émotion et refuse le premier degré.
« Je n’aime pas les films où le sens est le premier rapport avec le spectateur ».
Alors il expérimente, un pied dans la réalité, un autre dans l’imaginaire, pour surprendre le spectateur, l’amener ailleurs. Et pour cela il a l’art et la manière de mêler les genres sans en choisir un. Cette facilité à ne rentrer dans aucune case, il la doit à la subtilité de son propos jamais arrêté, à une économie narrative et un humour qui s’infiltre parfois à son corps défendant.
« Je ne me pose pas la question du comique quand je tourne. Je le fais naturellement. »
Avec cet air délicat de ne pas y toucher, Thomas Salvador est en train de se tailler une jolie place dans le cinéma français et d’en devenir l’un des réalisateurs les plus prometteurs. Pour son premier long-métrage et sa première sélection en festival, le voici qui rafle haut la main le Grand Prix du Jury. Une récompense d’autant plus précieuse qu’elle lui est donnée par Peter Suschitzky, directeur de la photo de David Cronenberg, son cinéaste favori. Produit par sa sœur et distribué par Le Pacte, le film sortira en salles le 25 février prochain.
Une soirée : Cotton buds enflamme le Village Mably
Dans la sublime cour Mably, transformée pour l’occasion en lieu de rencontre la journée et de fête le soir, l’agence Vie Sauvage a posé ses platines pour une soirée de DJ set le samedi, veille de fin de festival.
A 10h30 tapantes (on ne rigole pas sur la ponctualité), Mathieu et Julien de Cotton Buds s’installent discrètement sur la scène. Ces deux DJ bordelais à peine sortis de l’adolescence, co-fondateurs du webzine et label Délicieuse Musique, ont travaillé leur gamme lors d’une résidence à l’I.Boat. Ils ont aussi roulé leur bosse dans les clubs berlinois et amènent un peu de cette ambiance ultra-festive jusque chez nous.
C’est donc parti pour 1h30 de clubbing avec un public survolté et du son de haute volée où l’électro se colore de dance et de house. Mais pour le snobisme on repassera, l’heure est à la fête pour le duo très à l’aise dans ses baskets.
Amis d’enfances, les deux compères se connaissent bien et ça se voit. A la fois classes et décontractés, ils dansent, se marrent devant les ondulations frénétiques, s’échangent les platines, se parlent au creux de l’oreille et n’hésitent pas à faire quelques photos.
« Sometimes I get lonely, sometimes I cry », un de leurs derniers mixes, finit d’embraser la foule, conquise. Seul regret, la soirée se termine un peu trop tôt, surtout pour ceux qui ont trouvé porte close dès 23h30.
A VOIR
Lundi 13 octobre à 20h30 à l’Utopia, projection du meilleur court métrage « Tant qu’il nous reste des fusils à pompe » de Jonathan Vinel et Caroline Poggi, et du grand prix du jury « Vincent n’a pas d’écailles » de Thomas Salvador.
Chargement des commentaires…