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Du coaching pour remotiver les cadres au chômage

Le chômage est plus important chez les cadres girondins qu’au plan national : – 8,1 % des demandeurs d’emploi, contre 6,4% en France. De nombreuses associations de coaching leur proposent de retrouver confiance en eux, avant de chercher un job. Et les résultats sont probants.

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Du coaching pour remotiver les cadres au chômage

(Dessin Simon Mitteault/Rue89 Bordeaux)
(Dessin Simon Mitteault/Rue89 Bordeaux)

Un bon cadre demandeur d’emploi doit être confiant, motivé, sûr de lui, proactif… Et surtout, ne pas être en demande ! Des qualités – voire des compétences – qui feraient défaut aux cadres girondins au chômage, soit 8,1 % des demandeurs d’emploi (contre 6,4% en France) au vu du nombre d’associations de coaching. Leur but ? Reconstruire les personnes fragilisées avant même d’envisager de se lancer dans les recherches.

« Il faut vraiment que nous soyons dans une période de crise pour trouver autant de talents ici… », regrette Alain Weppe, bénévole chez Aide et soutien aux cadres en recherche d’emploi (AES).

Ces « talents » sont commerciaux, responsables de communication, jeunes diplômés, responsables d’exploitation logistique, consultants, ingénieurs, chefs d’entreprise… Diplômés et expérimentés, ils cherchent du travail depuis quelques mois, parfois plus de deux ans. Non sans amertume.

« J’étais consultant en management à Paris, je suis arrivé ici il y a dix ans, sans travail, c’était une erreur. Ma carrière a plongé. Je ne pensais pas que ce serait si difficile », témoigne Thierry, consultant titulaire d’un bac +5  à la recherche d’un emploi depuis 18 mois.

Au sein d’AES, ils cherchent l’aide, les conseils des bénévoles – des cadres à la retraite, anciens managers ou recruteurs –, mais surtout la dynamique du groupe. L’atout mis en avant par les associations dont le champ d’action est l’insertion professionnelle.

« Me rassurer sur mes compétences »

« L’effet miroir est essentiel, explique Jean-Paul Huet, président de Cadres Entraide, il est important de comprendre le regard des autres pour se comprendre soi-même. Le problème n’est pas sur le savoir-faire, mais sur le savoir-être. Quand on est en recherche d’emploi, on perd confiance en soi, on est désocialisé, notre personnalité se transforme et notre comportement est différent. Il est déjà arrivé qu’une personne se décrive comme généreuse et sociable, alors que le groupe la percevait autoritaire. Beaucoup de gens sont amers et cela les empêche d’être audibles lors d’un entretien. Dans la recherche d’emploi, il y a une phase de reconstruction essentielle ».

 

« Quand on est en échec, on le justifie, on se méjuge, confirme Didier Rougier, vice-président de l’Avarap Aquitaine, tout culpabilise un demandeur d’emploi. »

CV, lettres de motivation, décryptage d’annonces… AES remet ses candidats à niveau (OD/Rue89 Bordeaux)

Mieux se connaître grâce au groupe est le principe de base de ces associations. Pour cela, toutes ont leur démarche : AES décline son programme de formation sur trois mois et demi selon la méthode des quatre « je » : « je suis, je veux, je sais, je fais ». Même principe pour l’Avarap qui durant huit mois aide les stagiaires à réapprendre à communiquer avec eux et les autres pour identifier leurs compétences.

Près de 70% retrouvent un emploi

Ces stagiaires se voient même proposer, par les autres membres du groupe, près de 150 idées de métiers qui pourraient leur correspondre. A côté des ateliers classiques sur la lettre de motivation ou l’entretien du réseau, Force Femmes anime des séances de relooking, maquillage, confiance en soi et leadership personnel, réservées aux femmes de plus de 45 ans. Pour cela, toutes travaillent avec des petits groupes de 15 à 20 personnes plusieurs jours par semaine et durant trois à huit mois.

« Je doutais de mes compétences car le chômage c’est fragilisant, déstabilisant, témoigne Christian 50 ans, commercial et ancien stagiaire de l’Avarap. Cette période m’a permis de faire une introspection, de me rassurer sur mes compétences.

J’ai trouvé un travail alimentaire, mais j’ai surtout établi un nouveau projet professionnel : je vais me diriger vers l’encadrement dans le domaine du service à la personne. J’ai les compétences. Je suis en train de faire une enquête métiers et de me créer un réseau, car répondre à des annonces, ça ne sert à rien ! »

Un accompagnement qui diffère de celui des cabinets de placement – sous-traitants de Pôle Emploi – qui voient les demandeurs d’emploi épisodiquement. Pôle Emploi reconnaît d’ailleurs que ces associations « permettent d’offrir plus de services aux cadres qui en ont le plus besoin » et n’hésite pas à leur adresser des candidats.

Toutes affichent de bons résultats avec un retour à l’emploi qui oscille entre 60% et 70%. Pourtant, elles estiment ne pas être suffisamment reconnues et peu aidées par les collectivités publiques. L’AFIJ, spécialisée dans l’accompagnement des jeunes diplômés a d’ailleurs dû fermer ses portes l’an dernier, faute de moyens.

Pas des repaires de chômeurs longue durée

Les bénévoles reçoivent des gens plus compétents et plus fragilisés qui font face à marché très restreint. Une étude de l’A’urba (l’agence d’urbanisme de la CUB) sur les offres d’emploi de l’Apec le confirme.  Elle révèle qu’entre juin 2013 et avril 2014, seuls 90 postes de cadres ont été proposés (contre 150 en Haute-Garonne et 134 en Loire-Atlantique).

Les associations ont dû s’adapter. A sa création il y a 20 ans, Aquitaine emploi service était destinée à faire marcher le réseau des ingénieurs Arts et Métiers. Elle a depuis modifié le sens de son sigle pour Aide et soutien aux cadres en recherche d’emploi.

Durant trois mois, les stagiaires d’Aquitaine Emploi Service se conseillent. (OD/Rue89 Bordeaux)

Glissement également pour l’AJR qui signifiait Aider les jeunes en recherche d’emploi il y a 14 ans avant d’élargir son champ d’action à tous les publics en devenant Aide à la recherche d’emploi par le parrainage.

« Initialement, nous aidions les jeunes des missions locales, mais au fil du temps, nous avons accueilli des personnes qui avaient des bac + 8, on suit plus de masters que de chaudronniers… », avance Jean-Louis Sarraudy, le président de l’association située à Saint-Médard-en-Jalles.

Ces structures sont loin d’être des repaires de chômeurs longue durée puisque des jeunes fraîchement diplômés préfèrent avoir recours à leurs services – entre avril 2013 et avril 2014, la part des chômeurs de moins de 25 ans a augmenté de 21% –  plutôt que de partir en solitaire à la recherche d’un emploi.

Les plus jeunes stagiaires d’AES ont 25 et 26 ans. Cosmina vient de terminer son master et elle a trouvé sa place auprès d’un groupe aux profils et âges variés.

« J’ai fait des démarches mais je n’avais que des réponses négatives ou pas de réponses du tout et l’Apec ne propose pas ce type de formation. Être ici me permet d’apprendre des autres, de leurs échecs et de leurs réussites. Nous sommes tous dans la même situation et cet esprit de groupe me motive. »

Des cadres brisés

Ce qui inquiète les bénévoles, c’est l’état dans lequel ils voient arriver certains stagiaires. Dès la réunion d’informations, ils n’hésitent pas à se confier et s’avouent « désemparés ». Une dégradation de la situation qui peut nécessiter la présence d’un psychologue dans l’équipe.

« Nous voyons de plus en plus de femmes dont les entretiens tournent à l’échec car elles dépriment et ne sont pas en mesure de se présenter. Nous les réorientons vers une psychologue », note Brigitte Xuereb, déléguée régionale de Force Femmes.

 

« Les cadres s’effondrent plus que les autres car ils étaient des piliers au sein de leur entreprise, le chômage les casse complètement. Nous recevons des personnes qui ont une énorme souffrance, à la limite de la thérapie. Nous ne sommes pas capables de gérer cela », confirme Jean-Paul Huet (Cadres Entraide).

L’A’urba se veut pourtant optimiste. « Nous assistons à un glissement d’image. Bordeaux était tournée vers le vin, mais on va vers l’innovation, le business, estime l’économiste Emmanuelle Gaillard,  avec des projets comme la French Tech, Euratlantique, le Plan Campus et les pôles de compétitivité. La métropole fait preuve d’ambition et cela pourrait développer l’attractivité des entreprises. On crée les conditions à une amélioration et à la création de postes de cadres. »

Contacts

La liste des associations liées à l’insertion professionnelle

AES 99, rue Judaïque, Bordeaux – 05 56 24 25 97

AJR 9, rue de la Boétie, Saint-Médard-en-Jalles – 05 56 57 57 81

Cadres Entraide avenue Descartes, Artigues-près-Bordeaux – 05 56 33 20 90

L’Avarap Aquitaine 1, rue de Chartrèze, Gradignan – 05 56 75 24 03

Force Femmes 2 rue Sicard, Bordeaux – 05 35 31 18 38

 


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Photo : PR/Rue89 Bordeaux

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