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La Fnac avant Noël, gestion des stocks et attaques de clients

Depuis quelques jours, la rue Sainte-Catherine est noire de monde à Bordeaux : c’est l’habituelle cohue d’avant-Noël pour acheter des cadeaux, notamment à la Fnac, où une libraire témoigne que les achats sont toutefois moins frénétiques que les années passées. Elle raconte l’ambiance particulière qui règne dans le magasin.

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La Fnac avant Noël, gestion des stocks et attaques de clients

Dessin Simon Mitteault/Rue89 Bordeaux
Dessin Simon Mitteault/Rue89 Bordeaux

Cette année, c’est relativement calme, même s’il y a beaucoup de monde en magasin. Il n’y a pas que chez nous, d’autres commerçants le disent, les gens font vraiment plus attention à leurs dépenses que les années précédentes. Normalement, à partir du 20 décembre, les clients commencent à s’exciter et achètent n’importe quoi. Cette année, ils viennent au magasin, ils sont super exigeants mais ils n’achètent pas autant.

Ce qui me fait rire, à Noël, c’est que le livre, c’est le cadeau « intello ». C’est souvent le cadeau qu’on offre à quelqu’un qu’on connaît peu, ou pas du tout. Les demandes des gens sont vraiment étranges parfois, quand ils ne viennent pas chercher quelque chose de précis : soit c’est le flou total – « je cherche un livre drôle pour ma grand-mère » – soit ils cherchent quelque chose qui n’existe même pas – « je voudrais un livre qui parle de l’Éthiopie, qui ne soit ni un roman, ni un livre d’histoire, si possible en format poche, vous avez ça ? »

Le pire, c’est au rayon jeunesse, certains sont horribles, on devrait trouver instantanément LE bouquin parfait quand ils demandent « un roman pour un garçon de 11 ans », mais ce n’est pas si simple que ça !

Le livre de cuisine avec la spatule en bois

Il n’y a pas vraiment de titre qui sorte du lot, cette année. Enfin si, malheureusement, il y a le Zemmour et le Trierweiler qui marchent toujours aussi bien. Sinon, ce qui fonctionne à tous les coups, ce sont les beaux livres, les bédés, les livres de cuisine – surtout le livre de cuisine avec la spatule en bois qui en fait est en plastique, ou le coffret « spécial chips » dont personne ne va jamais se servir –, et les livres de développement personnel/médecine naturelle/yoga/cosmétiques faits maison.

En termes de stock, on commence à recevoir les « injections de fin d’année » à partir de la mi-novembre, les réserves sont remplies à craquer avec les 20/80 – c’est comme ça qu’on appelle les 20% de produits qui font 80% du chiffre d’affaires – et les nouveautés. Le 3 janvier, il n’y a plus rien.

Une partie des clients sont vraiment très secs, veulent être servis rapidement, et s’expriment par des « je veux » ou des « je sais que vous avez » très sûrs d’eux, mais à cette période les stocks bougent vite, et ce qu’ils avaient repéré une semaine auparavant n’est peut-être plus en magasin. Si c’est en stock à Paris, les gens peuvent le recevoir chez eux en moins de 72h, mais s’ils viennent le 24 pour le soir même, forcément c’est foutu.

Un cadeau de dernière minute

Les plus marrants, ce sont ceux qui débarquent le 24 à 18h30 et qui nous disent « il me faut un cadeau ! ». C’est fréquent, parce qu’un livre ou un disque, c’est pratique comme cadeau de dernière minute. A ce moment-là, ils achèteraient n’importe quel objet en tête de gondole. S’ils sont désagréables, c’est le moment de leur fourguer quelque chose qu’on n’arrive pas à vendre. Quand je dis « désagréables », je pense par exemple à ceux qui m’attrapent par le gilet. Une fois, une de mes collègues s’est fait attraper le bras par un parapluie, carrément ! Elle a eu un bleu pendant plusieurs jours.

On est obligé de rester poli avec le client quoiqu’il arrive, bien sûr. On est censé l’accompagner jusqu’au bout de son achat, mais on doit quand même stopper la conversation si ça dégénère, ce qui est difficile à évaluer. Quand ça va trop loin, je dis quelque chose comme « on va s’arrêter là, Monsieur » et je laisse tomber.

Il y en a qui font toujours un peu la gueule, je les appelle les « deuxième vague Mollat » : ce sont ceux qui te laissent bien comprendre qu’ils sont là uniquement parce qu’ils n’ont pas trouvé ce qu’ils cherchent chez Mollat et que ça leur fait un peu mal de venir te le demander !

Tablettes et chien-robot

Le phénomène le plus marquant dans le magasin depuis deux-trois ans, ce sont les tablettes. Foutues tablettes. Tout le monde en veut une, et c’est l’objet ultime pour « l’enfant connecté à partir de 18 mois. » Les gens viennent nous voir, tout fiers : « il joue déjà avec mon iPad, il est très intuitif. » C’est sûr que c’est bien de familiariser tôt les enfants, mais pas avant deux ans, avec des objets adaptés, et à toutes petites doses, sinon ça a le même effet que de les planter sans limite devant la télé ou les jeux vidéo.

Cette année, ce qui marche très bien aussi, c’est un petit chien-robot qu’on peut dresser, les drones, et toutes sortes de jeux de cartes qu’on a en magasin.

Paradoxalement, bien que Noël soit une période agitée, c’est quand même un moment que j’aime bien. On a du renfort au niveau de l’équipe, des intérimaires qui apportent du sang frais, ce qui apaise les tensions. On voit les piles de livres qui descendent, c’est satisfaisant. Et c’est finalement une période où l’on conseille beaucoup de gens. Parfois, un client nous dit « vous vous souvenez, l’an dernier, vous m’aviez conseillé tel bouquin, c’était une très bonne idée ! ». Et là, on se dit qu’on ne fait pas ça pour rien.

Ludivine est libraire à la Fnac Sainte-Catherine de Bordeaux.


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