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Pourquoi la gauche française se réjouit de la victoire de Syriza en Grèce ?

Le soir de l’annonce de la victoire de Syriza en Grèce, l’extrême gauche française a aussitôt manifesté sa grande joie. Trois de ses représentants bordelais – Philippe Poutou, Gérard Boulanger et Christophe Miqueu – s’en expliquent à Rue89 Bordeaux.

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Pourquoi la gauche française se réjouit de la victoire de Syriza en Grèce ?

Alexis Tsipras, le candidat de Syriza, est le nouveau premier ministre de la Grèce depuis ce dimanche (Lorenzo Gaudenzi)
Alexis Tsipras, le candidat de Syriza, est le nouveau premier ministre de la Grèce depuis ce dimanche (Lorenzo Gaudenzi)

A peine la nouvelle connue, et même au stade des sondages qui donnaient Syriza gagnant aux élections législatives grecques, l’extrême gauche française n’a pas caché son bonheur. Jean-Luc Mélenchon a retrouvé le sourire – et la répartie – des grands jours et tous les autres leaders de son bord ont salué à l’unisson l’exploit et applaudi un peuple grec courageux et exemplaire.

Ces élections historiques ont donné des ailes à nos « rouges », qui se sont remis à croire à des lendemains qui chantent, espérant une importation du modèle méditerranéen. Tous les regards sont maintenant tournés vers l’Espagne où Podemos espère bien imiter ses camarades de détresse économique.

Mais en quoi la victoire de Syriza est une bonne nouvelle pour la France et pour l’Europe ? Les Grecs pourront-ils faire face à la « troïka » européenne ?

Un signal contre la politique d’austérité

Pour Philippe Poutou, ancien candidat NPA à la présidence française, dans la situation actuelle, « la victoire sonne comme un bon signe » :

« C’est un réveil populaire qui peut donner un élan à la bataille contre le recul des acquis sociaux. Cette victoire donne confiance à la lutte sociale qui subit énormément. C’est ouvertement le début d’un combat contre l’austérité, contre la politique libérale et les politiques des banques. »

Gérard Boulanger, le président du groupe Front de gauche à la Région Aquitaine, y voit également un avertissement bénéfique à toute l’Europe dans les privilèges accordés aux banques :

« La Banque centrale européenne (BCE) décide de prêter à des banques européennes et notamment françaises à un taux de 1%. Ces banques ensuite prêtent aux grecs à 10 ou 15%. Ce qui a conduit la dette de la Grèce de 140 milliards à 360 milliards ! Le peuple grec a payé au prix fort la mauvaise gestion des pouvoirs des banques. »

Il pointe l’exemple de la France :

« Quand François Hollande est arrivé, la dette française était de 1800 milliards, elle est aujourd’hui à 2000 milliards, à cause des intérêts. On peut légitimement voir dans cette victoire l’amorce un coup d’arrêt à cette politique. »

Pour Christophe Miqueu, membre du Bureau national du Parti de Gauche, « ce sont les nôtres qui ont gagné » :

« L’ampleur de la victoire de Syriza en Grèce est un espoir immense et la défaite est tout autant immense pour les tenants de l’austérité, qui à droite comme au sein du gouvernement nous répètent sans cesse qu’il n’y a pas d’autre politique possible que celle qui, commandée par l’Union européenne, met les peuples à genou. »

La Grèce face à l’Europe

Christophe Miqueu voit dans la victoire de Syriza « une bonne nouvelle pour tous ceux qui pensent à gauche, de la gauche du PS au Front de gauche, en passant par les Verts » :

« Ceux qui veulent une alternative peuvent se coaliser pour refuser le dogme de l’austérité. Syriza montre que fédérer les partis politiques, c’est possible. »

Gérard Boulanger rappelle en effet que le parti arrivé premier aux élections grecques est l’union de 18 organisations, et précise qu’en France, « le PS a rejoint le concert des heureux ! ».

Philippe Poutou rapporte que « Laurent Fabius (ministre des Affaires étrangères et du développement international au sein du gouvernement actuel) a déjà déclaré qu’il souhaite travailler pour trouver des terrains d’entente avec Syriza ».

L’approche de certains politiques français laisse croire que Syriza peut se positionner pour un bras de fer avec l’Europe :

« La Grèce toute seule ne pourra pas œuvrer contre la politique ultra-libérale, précise Philippe Poutou. Il faut que le rapport de force change sur tout le continent, que la lutte des peuples s’étendent, que les mobilisations sociales en Belgique, Italie, Espagne, Portugal, France… reprennent et se renforcent.« 

De son côté, Gérard Boulanger estime que le peuple grec a lavé l’affront que lui a fait subir l’Europe :

« La Grèce, patrie de la démocratie, a été traitée de manière inhumaine. Le pays a été le laboratoire de toutes les politiques d’austérité de manière criminelle. Il en reste l’histoire d’un échec absolu des consignes européennes. »

Les promesses de Syriza

Face aux promesses développées par Syriza lors de sa campagne, Philippe Poutou insiste dans un billet sur sa page Facebook sur l’impératif de les appliquer et fait le constat que d’autres programmes électoraux de certains partis de gauche n’ont jamais été appliqués :

« En France, comme en Grèce auparavant et en Espagne, les politiques de gauche annoncées n’ont pas été appliquées. Syriza avait annoncé vouloir la suppression de la dette or il commence à parler de négocier des échelonnements. L’accord trouvé avec la droite souverainiste nous fait poser des questions sur les politiques sociales promises… Est-ce que les dirigeants de Syrisa iront au bout de leurs promesses et s’affronteront aux défenseurs ultralibéraux et aux banquiers ? Est-ce Syriza fera appel à la lutte de sa population et à la lutte des autres peuples d’Europe ? »

Quant à Gérard Boulanger, il met en garde « ceux qui disent qu’ils ne pourront pas tenir leurs promesses : c’est un langage directement inspiré du fond de commerce de l’extrême droite européenne » :

« C’est différent par rapport à Hollande qui, lui, savait de manière cynique qu’il n’appliquerait pas sa politique de gauche. Il disait que son ennemi était la finance alors qu’il écrivait par ailleurs qu’en matière du droit de travail, il faut remplacer la loi par le contrat. La loi Macron est aujourd’hui l’illustration parfaite de ce double langage. »

Si Christophe Miqueu espère « que le programme sociale et écologique sera appliqué », Philippe Poutou alerte la population sur la nécessité de rester mobilisée :

« Ce qui va être important, c’est le rôle du peuple. Les Grecs attendent de leur gouvernement des décisions radicales notamment par rapport aux avantages fiscaux accordés aux armateurs. Le moins que l’on puisse attendre d’un parti de gauche est qu’il redistribue les richesses. Pour cela, il faut que la lutte et les mobilisations populaires continuent. »

Espérer que la mèche allumée en Grèce gagne l’Europe n’est pas d’actualité. Gérard Boulanger insiste sur le fait que « toute tentation en France de prendre modèle sur un autre pays est complètement vain comme cela a été démontré par le passé ».

Philippe Poutou espère bien un effet boule de neige mais pour lui « la victoire de Syrisa ne suffira pas à le déclencher, on peut espérer que ce soit un début ». Il fait remarquer cependant que « les dirigeants ont vu le signal fort donné par le peuple et c’est déjà beaucoup ».


#Alexis Tsipras

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