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Bartabas à cheval entre le sacré et l’ennui

La dernière création de Bartabas, « Golgota », se joue à guichet fermé au Grand Théâtre du 6 au 15 février. Rien d’étonnant, l’artiste équestre est devenu une valeur sûre. Un peu trop peut-être ?

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Bartabas à cheval entre le sacré et l’ennui

Bartabas et Andrés Marín réunis dans "Golgota" (photo Nabil Boutros)
« Golgota » de Bartabas (photo Nabil Boutros)

A peine annoncé, le spectacle « Golgota » a vu ses billets partir comme des petits pains. Surtout que pour cette messe au Grand Théâtre de Bordeaux, les petits pains étaient difficiles à multiplier. Inspiré de la Semaine Sainte, le mano a mano entre le sorcier équestre, Bartabas, et le magicien du flamenco, Andrés Marín, a maîtrisé l’esthétique sans convaincre.

Sur une impression générale, Golgota est miraculeusement repêché par la sublime interprétation de la musique de Tomas Luis de Victoria – un prêtre et polyphoniste de la Renaissance espagnole – admirablement chantée par le contre-ténor Christophe Baska, accompagné d’un cornet et d’un luth respectivement joués par Adrien Mabire et Marc Wolff.

La tentation du flamenco

Le mariage de Bartabas avec le flamenco était attendu comme le Messie. Celui qui est à la tête du cirque Zingaro disait lui-même avoir toujours été tenté sans oser s’y frotter jusqu’à sa rencontre avec Andrés Marín.

« J’ai toujours été attiré par le flamenco mais je me suis toujours interdit d’y toucher par peur du cliché », avait-il déclaré dans un entretien accordé à Télérama.

On ne pouvait pas douter de la sincérité de l’artiste qui a habité Madrid dans les années 1980, mais on était en droit d’attendre un tourbillon de cultures qui manie à merveille l’énergie du flamenco et la puissance du cheval. Ces instants sont fugaces et pourtant bien inspirés là où le danseur fait reculer le cheval à la force dérisoire de son souffle.

Au lieu de ça, les claquements des talons se font rares sur l’épaisse couche de billes en caoutchouc dispersées sur la scène. Le spectateur se contente alors des déferlantes de compás – la rythmique de base du flamenco – orphelines de ses puissantes percussions. De l’étouffement jaillit la force dès que le danseur dispose une planche ou chevauche la chaise en bois sombre de l’officiant pour les marteler de ses pas. L’on réalise alors ce qui manquait à notre bonheur, le son.

Le silence est d’or

A n’en pas douter, le silence dans le spectacle a toute sa profondeur. Appuyé aux magnifiques chants grégoriens, il évoque l’exaltation des cérémonies pieuses, l’émoi mystique d’un recueillement spirituel. Au silence fait écho l’obscurité d’une scène habilement baignée de noir. Le noir et le silence expriment de concert la mort sur le chemin de croix.

Chaque tableau sur la scène est minutieusement composé dans le clair-obscur de la grande tradition baroque espagnole de Francisco de Zurbarán ou de Francisco Ribalta. Les chevaux naissent du noir pour s’émouvoir avec une force tranquille emportés par un « Agnus Dei » ou un « Alléluia ». Toute la noirceur des processions espagnoles est là, la douleur des pénitents.

Mais il ne suffira pas, hélas, d’animer les tableaux pour que la magie opère. Bartabas aura beau implorer le ciel dans une posture affreusement raide faisant tournoyer les chevaux jusqu’au vertige, aucune grâce ne viendra le frapper. Même pas les processions incongrues des musiciens, encore moins les déplacements maniérés de l’enfant de chœur ; un nain cher à Velázquez.

Trois bougies, deux encensoirs et une crucifixion

Sans surprise, les accessoires se succèdent et insistent sur les références religieuses : trois bougies et deux encensoirs mettent les chevaux à l’épreuve du feu. C’est confirmé, la maîtrise de l’animal est totale. Pas un geste d’affolement. Il suffit d’une caresse pour que Bartabas guide son cheval.

Bien que le spectacle soit composé pour les dimensions de la scène, l’espace semble pourtant étriqué et les animaux forcés de se contenir. En opposition, le danseur se cabre, défie, menace et multiplie les pirouettes.

Au total, quatre chevaux (et un âne) ont foulé la scène du Grand Théâtre. Le dernier, à la robe noire, assure le rôle de psychopompe. Il accompagne la crucifixion sans selle et sans bride comme un présage de la mort, ou une dernière métaphore de la liberté de l’âme.

Au rythme des motets, les minutes s’égrainent et le spectacle s’achève. Tout comme dans une messe, le temps connait des longueurs et parfois l’ennui s’installe. Quel dommage, ça s’est joué à trois fois rien.


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