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Départementales : élection à trois inconnues pour la gauche girondine

Si la gauche girondine se présente divisée aux élections départementales, elle a bon espoir de conserver sa majorité. Seule condition : mobiliser ses électeurs pour un scrutin mal compris, et d’autant moins cette année que les compétences du département sont encore en débat au parlement.

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Départementales : élection à trois inconnues pour la gauche girondine

Immeuble Gironde (DR)
Immeuble Gironde dans le quartier Mériadeck (DR)

La gauche tiendra-t-elle toujours la Gironde au soir du 29 mars, deuxième tour des élections départementales ? Fort d’une très large majorité (50 conseillers généraux contre 13 à droite), l’exécutif sortant ne figure pas dans les radars nationaux parmi les départements susceptibles de basculer. Mais c’est aussi ce qui se disait de la Communauté urbaine de Bordeaux avant les municipales, alors les états-majors sont plus prudents…

Et puis le scrutin se joue dans un contexte particulier, avec de nombreuses inconnues – hypothèse du vote sanction contre le gouvernement, divisions à gauche et au sein du Parti socialiste pour la succession de Philippe Madrelle, impact du redécoupage des cantons, dont le nombre est passé de 63 à 33, incertitudes sur l’avenir et les compétences des départements… Petit inventaire des questions qui fâchent.

1 – Le département, un objet politique non identifié

Leurs pouvoirs (collèges, RSA, transports…) sont encore très importants, tout comme leur poids politique : le budget du département de la Gironde est par exemple supérieur à celui de la région Aquitaine (1,589 milliard d’euros, contre 1,421 milliard).

Mais l’abstention devrait encore être très forte les 22 et 29 mars. D’autant, et c’est une vraie curiosité, que les électeurs vont envoyer des conseillers dans une institution, dont l’avenir autant que le périmètre des compétences demeurent indéterminés.

Le projet de loi « portant nouvelle organisation territoriale de la République » (NOTRe), qui redéfinit les compétences des collectivités locales, devait en effet être examiné en première lecture par les députés à partir du mardi 17 février après avoir été voté au Sénat, le 27 janvier. Et son adoption définitive n’interviendra qu’après l’installation des nouveaux exécutifs départementaux.

Visibilité floue

Vincent Maurin, candidat Front de gauche aux élections départementales à Bordeaux (Anne Chaput/Rue89 Bordeaux)

En outre, la disparition des départements n’est toujours pas écartée par le Premier ministre, qui n’envisage de les conserver que dans les zones rurales…

« Pour les électeurs, la visibilité est très floue, regrette Vincent Maurin, candidat Front de gauche à Bordeaux. On nous demande de voter pour des conseils départementaux après nous avoir expliqué que cet échelon allait sauter. En outre, on a redécoupé les cantons pour faire des entités plus grandes, qui n’ont pas forcément de sens en terme de proximité. Bref, rien n’a été fait pour mobiliser les citoyens contre l’apesanteur nationale négative, avec une gauche qui déçoit et un FN qui monte, et où vrais problèmes des gens sont malheureusement peu à l’ordre du jour. »

C’est une « difficulté supplémentaire de cette élection, mal comprise et qui intéresse déjà peu les gens, de ne pas connaître le périmètre exact des pouvoirs du département », estime également Gérard Chausset, candidat Europe écologie-Les Verts (EELV) à Mérignac.

« Mais que les transports soit gérés par la région ou les compétences sociale par la méropole, les problèmes seront les mêmes, nuance-t-il. Il faut se détacher de ces questions d’institutions. Tous le monde est d’accord par exemple pour créer une gouvernance commune des transports, avec une autorité organisatrice fédérant la région, la métropole et le département. »

Face du monde

Cette création d’un syndicat mixte est d’ailleurs sur le feu, assure Christine Bost, vice-président du conseil général en charge ds transports, et maire d’Eysines (PS). La loi NOTRe ne va selon elle pas « entraîner de bouleversements des compétences », ni « changer la face du monde pour les usagers » :

« Si les routes départementales sont transférées aux région, les automobilistes s’en rendront aussi peu compte que lorsqu’elles sont passées de l’Etat aux départements. L’important c’est qu’on garde notre cœur de métier, notamment les compétences sociales et les collèges. Notre responsabilité, c’est d’entretenir les bâtiments, à ne pas confondre avec les missions de l’éducation nationale. Fallait il les confier aux régions ? Quand on voit que la notre devra gérer les lycées d’Aquitaine, de Poitou-Charentes et du Limousin, mieux vaut qu’elle n’ait pas en plus la charge des collèges. »

Christine Bost, maire d’Eysines et vice présidente du conseil général de Gironde (DR)

Mais les périmètres du département pourraient encore bouger pendant l’examen du projet de loi, à commencer par la clause de compétence générale que le gouvernement socialiste a rendu aux départements, avant de la supprimer à nouveau.

Matthieu Rouveyre, directeur de campagne du Parti socialiste en Gironde, indique toutefois que les 33 propositions de la majorité sortante au département, et qui seront présentées dans les prochains jours « appartiendront à des champs de compétence qu’on est sûrs de conserver ».

2 – Une gauche en ordre dispersé

La dépôt des candidatures a été clôturé lundi dernier. En Gironde, les 33 cantons vont être disputés par 153 binômes – une femme et un homme seront élus, ce qui garantira la parité de la future assemblée. Si la droite avance soudée sous l’étiquette Gironde Positive, et affiche son optimisme, à l’image d’Alain Juppé lors du conseil national de l’UMP, le Parti socialiste et le Front de gauche présentent chacun des candidats dans tous les cantons, même si 3 communistes siègent dans l’actuelle majorité. Objectif : convaincre les électeurs de gauche de ne pas bouder les urnes, indique Pierre Augey, conseiller sortant (PC) du canton de Langon :

« Les électeurs n’apprécient pas le mensonge, quand on se présente avec des promesses de mener politique et que le lendemain, on fait le contraire, Pierre Augey, conseiller sortant (PC) du canton de Langon. Je pense que Philippe Madrelle est sincère quand il instaure des fonds départementaux d’aide aux communes pour mieux répartir les richesses, mais ce n’est pas tenable quand dans le même temps son camps au Sénat et à l’Assemblée nationale détricotent les institutions de proximité et les services publics. »

Bientôt des élus écolos ?

Gérard Chausset (DR)

Contrairement à la tendance nationale, où ils ont surtout privilégié l’alliance avec le Front de gauche, les écologistes, qui n’ont eux aucun élu dans l’actuelle assemblée,  font majoritairement cause commune avec le PS. Des binômes rose-vert ont été constitués dans cinq cantons, à l’image du duo Christine Bost (maire PS d’Eysines)- Stéphane Saubusse (secrétaire régional d’Europe écologie-Les Verts). Certaines sections locales, laissées libres de choisir, ont toutefois décidé de partir sous leurs couleurs dans 8 cantons. Gérard Chausset, candidat EELV à Mérignac, justifie cette stratégie :

« La droite risque de surfer sur la vague de rejet du PS, c’est pour ça que nous avons décidé de faire campagne avec des candidats autonomes, là où on avait le plus de chances et de potentiel comme à Bordeaux Sud, Talence ou Mérignac. On le fait aussi parce que nous avons des propositions, notamment en matières de transports et d’action sociale : on veut soutenir davantage les secteurs public et associatif dans le domaine du vieillissement, alors que la majorité des places en maison de retraite relèvent du privé. Nous voulons ouvrir les collèges aux associations locales en dehors du temps scolaire. Et on veut créer un Pass unique permettant de circuler indifféremment en TER, Transgironde ou sur le réseau TBC, avec des services express en direction des villes moyennes. Il n’est pas normal de mettre 1h30 pour rallier Langon ou Blaye depuis Bordeaux. »

L’hôtel du département à Bordeaux (photo CG33)

« Pas d’émiettement à gauche »

Mais la gauche pourrait-elle perdre le département à cause de cette multiplication des binômes ?

« On aurait préféré une gauche unie, soupire Matthieu Rouveyre, Premier secrétaire fédéral du PS en Gironde, surtout avec le scrutin actuel dans lequel les candidats qui ne rassembleront pas 12,5% des inscrits ne seront pas qualifiés au deuxième tour s’ils ne sont pas parmi les deux premiers.  Mais nous n’avons pas vraiment le temps d’être inquiets : la campagne est courte et je vois bien que nos candidats sont plus préoccupés par la mobilisation des électeurs que par une sanction éventuelle. »

Vincent Maurin, candidat Front de gauche à Bordeaux, juge le danger minime :

« Il n’y a pas d’émiettement des candidatures à gauche. Le PS est souvent allié avec les Verts et l’extrême-gauche n’est pas représentée, ce qui fait qu’il n’y a que deux ou trois pôles dans chaque canton. En outre, je pense qu’il n’y a pas de risque de duels FN-UMP au 2ème tour. Le bilan de la gauche au conseil général est loin d’être négatif, elle a mené une politique plutôt sociale. Notre présence dans chaque canton n’est pas un frein, mais au contraire un apport indéniable. »

3 – Qui pour succéder à Philippe Madrelle ?

Finalement, le seul risque pour la majorité départementale pourrait être la guerre des chefs en vue de la succession du boss, prévient Gérard Chausset :

« Garder le conseil général, c’est pas gagné quand on voit la charge de Jean-Marie Darmian (conseiller général socialiste, qui souhaite que les élus ayant des responsabilités à Bordeaux Métropole ne cumulent pas avec des mandats au conseil départemental, NDLR). »

Cette « demande d’indépendance totale vis à vis de la Métropole » viserait en particulier Christine Bost, une des figures pressenties pour présider le département, même si celle-ci, interrogée par Rue89 Bordeaux, dit que « le canton des Portes du Médoc est [sa] seule préoccupation ». Elle ajoute ne voir aucun conflit d’intérêt entre ses responsabilités actuelle à l’ex communauté urbaine et au conseil général :

« On peut pas se tourner le dos et opposer l’urbain et le rural, au contraire c’est la richesse et complémentarité de la Gironde d’associer Bordeaux et le reste du territoire. »

Les militants choisiront

Gérard Chausset avance lui son idée « pour sortir de ces guerres de clochers entre urbains et ruraux, entre proches de Madrelle et de Feltesse : soyons un peu novateur, avec par exemple une coprésidence qui associerait un homme et une femme, à l’image des binômes élus ».

Matthieu Rouveyre, premier secrétaire girondin du PS, rappelle pour sa part qu’il ne faut pas « vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué » :

« Il faut déjà gagner son canton avant d’envisager la présidence. Le 23 mars, au lendemain du premier tour, les conseillers élus pourront déposer leur candidature à ce poste et ce sont les militants socialistes qui les départageront le 30 mars, si la gauche remporte le département. Et il n’y aura qu’une règle, ne pas cumuler cette fonction de président du conseil général avec celle de maire. Dans tous les cas, les candidats devront être animés d’une seule volonté, éviter une Gironde à deux vitesses. Et je crois qu’il n’y a pas l’épaisseur d’un papier à cigarette entre tous les candidats potentiels. »


#élections départementales

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