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Le Ticket Mécène a un ticket avec le public

Ce lundi, le conseil municipal de Bordeaux a voté la concession du droit d’usage de la marque Ticket mécène à la Ville de Chartres qui en avait fait la demande. Ce dispositif, initié par le CAPC, invite le public à faire un don pour l’acquisition d’une œuvre.

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Le Ticket Mécène a un ticket avec le public

La nouvelle campagne de Ticket mécène est lancée par le CAPC pour acquérir "Discrepancies with E.G.I" de Leonor Antunes (DR)
La nouvelle campagne de Ticket mécène est lancée par le CAPC pour acquérir « Discrepancies with E.G.I » de Leonor Antunes (DR)

En arrivant à l’accueil du CAPC, musée d’art contemporain à Bordeaux, vous ne pouvez pas rater le panneau présentant une œuvre que le musée souhaite acquérir dans le cadre du Ticket Mécène. Si vous vous y arrêtez un instant, le personnel viendra vous expliquer de quoi il s’agit :

« En complément du billet d’entrée, vous pouvez faire un don de 3€ minimum qui permettrons de contribuer à l’acquisition de l’œuvre par le musée. Vous deviendrez ainsi acteur de l’enrichissement de sa collection et de son patrimoine. »

Une nouvelle version du « crowd funding »

Jusqu’ici rien ne vous paraît bien excitant, ce n’est ni plus ni moins qu’un « crowd funding » comme il en existe tant d’autres pour lesquels vous êtes si souvent sollicité. Sauf que dans le cadre d’un Ticket mécène à 3€, les contreparties sont assez honorables : les donateurs repartent avec un magnet représentant un fragment de l’œuvre, ils sont tenus au courant de l’actualité du musée, ils sont conviés aux vernissages et, surtout, à la présentation de l’œuvre acquise avec un traitement habituellement réservé aux grands donateurs.

C’est ce principe qui a plu à la ville de Chartres. Séduite par ce concept « original et ambitieux », elle a souhaité mettre en place un dispositif analogue et a sollicité auprès de la ville de Bordeaux la concession du droit d’usage de la marque « Ticket mécène » pour son musée des Beaux-Arts. Le conseil municipal de Bordeaux a voté cette concession lors de sa séance de lundi dernier.

Le contrat est signé pour une durée de 5 ans, le droit d’usage est « consenti et accepté à titre gracieux ». La ville de Chartres s’engage à mentionner dans toute communication relative à la promotion du concept que « le Ticket mécène est une initiative de la Ville de Bordeaux – CAPC musée d’art contemporain ».

Le Ticket Mécène déposé à l’INPI

Conçue par Thomas Boisserie, qui faisait partie de l’équipe du musée en 2013, la démarche du Ticket Mécène n’était pas développée en France. La direction du musée s’empresse alors de déposer le projet à l’INPI en février 2013, avant de lancer sa première opération en avril de la même année. Dans la foulée, le Ticket Mécène obtient le prix de l’innovation dans le mécénat de l’Association française des Fundraisers.

Si le musée Rodin de Paris met en place une opération similaire en juin 2014 sous le nom de « 1 euro pour 1 Rodin », la Ville de Chartres n’a pas joué la copie et a préféré une demande officielle dans le respect des droits de propriété :

« On aurait pu l’appeler autrement mais l’idée est très bonne et sa paternité revient au musée du CAPC », déclare Philippe Bihouée des affaires culturelles de la ville de Chartres.

Cependant, le musée des Beaux-Arts n’a pas attendu le vote de lundi dernier pour sa première opération. Celle-ci fut lancée en septembre 2014, et déjà bouclée depuis décembre 2014.

« L’accord était informel et une convention était déjà rédigée et circulait entre nos deux services », explique Philippe Bihouée.

L’adjoint du maire de Bordeaux à la culture, Fabien Robert, ajoute :

« Nous avons délibéré en retard mais nous avions déjà donné un accord de principe. »

A Bordeaux, on achète, à Chartres, on restaure

La première opération Ticket mécène du CAPC a atteint ses objectifs et a décroché la somme espérée dans les six mois prévus. Pour réunir les 12 000 € nécessaires à l’achat de « Understanding through peace » de Nicolas Garait-Leavenworth à la galerie bordelaise Cortex Athletico, cette dernière a d’abord fait un effort de 2000 €. Ensuite, 5000 € ont été collectés grâce aux dons des visiteurs. Enfin, comme prévu dans les termes de cette opération, l’association des Amis du CAPC a abondé d’un euro pour chaque euro donné.

L’œuvre a été présentée en septembre 2014 au musée, ce qui a été l’occasion de lancer la deuxième campagne pour l’acquisition de « Discrepancies with E.G.I » de Leonor Antunes, artiste portugaise dont une exposition est prévue au CAPC en novembre 2015.

« Nous sommes toujours sur le même budget, déclare María Inés Rodríguez, la directrice du musée. Nous en sommes à la moitié. La galerie parisienne Air de Paris fera également un effort, mais cette opération demandera quand même plus de temps que la première pour plusieurs raisons : le prix d’entrée au musée a augmenté – 6€50 au lieu de 5€ – ce qui est un frein pour le visiteur, et les amis du musée abonde de 75 cts d’euro au lieu d’1 euro. »

« Métabus, roi des Volsques » de Léon Cogniet (cliché musée des Beaux-Arts de Chartres)

A Chartres, le musée des Beaux-Arts n’a pas fixé un montant aux dons. Le public est libre de rajouter la somme qu’il souhaite au prix d’entrée du musée qui est de 3€40. Le musée a ainsi pu réunir 4000€ en 4 mois, ce qui représente le quart de la somme. La participation des amis du musée est du même montant et la ville a rajouté le reste.

En tout, 17 000 € sont nécessaire à la restauration de « Métabus, roi des Volsques », une toile de grandes dimensions (290 x 210,5 cm) que Léon Cogniet a réalisé lors de son séjour à Rome en 1825. Le musée des Beaux-Arts de Chartres a pris l’option de solliciter son public pour l’entretien de ses œuvres. Il est sur le point de lancer une nouvelle campagne pour l’année 2015.

Le Ticket mécène pour combler le manque de financements ?

A l’heure où les musées peinent à trouver des financements et sont confrontés à des révisions de budget de fonctionnement, le succès des initiatives comme le Ticket mécène a tout l’air de tomber à pic. María Inés Rodríguez souhaite malgré tout apporter une nuance bien que le dispositif permette « d’acheter une pièce en plus » par rapport aux capacités habituelles du musée.

« Le but est surtout d’intéresser le public au patrimoine. En tant que citoyen, on participe au rayonnement de la collection du CAPC. Par ce biais, on implique les visiteurs et on crée une communauté autour du musée. »

Même son de cloche à Chartres :

« Mobiliser autour d’une œuvre en danger, expliquer le concept, et organiser des visites… le public a ainsi l’occasion de voir l’œuvre avant et après la restauration », précise Philippe Bihouée.

Les musées cherchent donc à retrouver un lien avec leurs publics via le mécénat, l’engagement et la participation de tous au patrimoine culturel. Le Centre des Monuments Nationaux lance lui aussi un « Billet mécénat » pour la restauration du pavillon des cuisines médiévales de la Conciergerie à Paris. Reste à parier que ce nouveau type de mécénat s’imposera de plus en plus à la caisse et vous sera proposé systématiquement dès l’accueil. L’occasion pour vous d’annoncer innocemment à ceux qui vous accompagnent : « Cette œuvre, c’est grâce à moi qu’elle est là ! »


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