Média local avec zéro milliardaire dedans

A Bègles, voyage en Terres Neuves et encore inconnues

Inaugurée vendredi dernier, et en service le 16 mars, l’extension de la ligne C va emmener le tramway près des deux tiers des Béglais, et relier les Terres Neuves au reste de la ville. De quoi réussir la greffe de ce nouveau quartier, né sur les gravats de la cité Yves-Farge, et davantage tourné vers Bordeaux ?

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

A Bègles, voyage en Terres Neuves et encore inconnues

La ligne du Tram C va bientôt traverser Bègles (OD/Rue89 Bordeaux)
La ligne du Tram C va bientôt traverser Bègles (OD/Rue89 Bordeaux)

Noël Mamère, maire de Bègles, et Alain Juppé, président de Bordeaux Métropole, en goguette dans le tramway sur un fond d’air disco joué par la Grasse bande, entourés de nombreux Béglais : l’inauguration de l’extension de la ligne C du tramway vendredi dernier se fait « à la béglaise », façon fête de la Morue.

Si Noël Mamère préfère offrir un vestige de l’ancien tramway – découvert durant le chantier – à un de ses administrés plutôt qu’à Alain Juppé, l’ambiance est joviale et bon enfant. Mais le voyage n’est pas tout à fait inaugural : les usagers ne pourront faire les 3,7 kilomètres entre les Terres Neuves et le lycée Vaclav Havel qu’à partir du 16 mars. L’occasion, espère la mairie, pour les modernes et atypiques Terres Neuves de devenir un véritable lieu de vie et un nouveau quartier intégré au village béglais.

Pour l’heure l’arrêt Terres Neuves, encore le terminus de la ligne C pour quelques jours, est à mi-chemin entre le quartier moderne avec ses immeubles design, et la friche avec ses bâtiments anciens destinés à la démolition qui résistent encore face aux multiples constructions.

« Work in progress »

Les aménagements paysagers essaient de faire oublier les tas de sable et les barrières de travaux. Si le quartier était un site internet, on pourrait y lire « work in progress ». Et pourtant sur les 1100 logements prévus sur le quartier, les 4/5e sont livrés et habités aux trois-quarts. Et ça, c’est déjà un premier pari remporté.

Au milieu des beaux immeubles – modèles de magazines d’architecture – et des entreprises liées au domaine de l’économie créative (production audiovisuelle, du spectacle, du design et de la communication…), on oublie facilement qu’ici se dressaient les tours de la cité Yves-Farge, démolies entre 2007 et 2010 dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain.

Dans le quartier, la mixité sociale reste néanmoins une priorité, car les logements sont constitués à parts égales de locations, de biens en accession à la propriété et d’autres en accession libre. La moitié des anciens habitants de la cité ont été relogés dans le quartier, estime-t-on chez Vilogia, aménageur du site. Et comme les Terres Neuves font partie de zone de rénovation urbaine, entre la TVA à 5,5 %, l’aide à la pierre de Bordeaux Métropole et le prêt à taux zéro, les acquéreurs peuvent y trouver un T4 à 200 000 €.  Aux portes de Bordeaux.

1100 logements constituent le quartier des Terres Neuves (OD/Rue89 Bordeaux)

Commerçants contents

Afin d’assurer le développement du quartier, la ville a également souhaité en faire une zone d’activités.

« Ce projet est original et exemplaire, se félicite Jean-Etienne Surleve-Bazeille, adjoint au maire chargé de l’urbanisme, car nous apportons des logements, des emplois avec la cité numérique et les entreprises liées à l’économie créative et les transports avec le tramway. »

Des arguments qui ont convaincu les commerçants. Si la supérette Casino se sentait un peu seule au début, elle est maintenant entourée par un coiffeur, La Poste et une pharmacie depuis janvier. Ce dernier commerce « n’a pas été facile à convaincre », reconnaît Isabelle Boudineau, première adjointe au maire. Installé 300 mètres plus loin auparavant, Raphaël Chanseau avait quelques doutes quand il a ouvert son officine face au tramway, en raison de l’absence de parking notamment. Mais un mois et demi après son installation, il ne cache pas sa satisfaction.

« On a un bel emplacement, il y a du monde tout le temps, à 100 mètres près cela aurait pu être complètement différent. » Il a déjà doublé son effectif de salariés et attend avec impatience l’extension du tramway : « Ça va apporter des gens des deux côtés ».

Même satisfaction pour les propriétaires du Café Comptoir de Bègles, brasserie installée avenue Jules Guesde depuis septembre 2013.

« Après avoir vendu notre affaire de Bordeaux centre, on s’est intéressé à la périphérie et on a vu que ça bougeait à Bègles entre les Terres Neuves et Euratlantique, et on a trouvé cet ancien salon de coiffure, près du tram. Quand on a vu qu’il y avait le 48 en face, on s’est dit qu’il devait y avoir des perspectives… », explique Eric, le propriétaire.

A trois stations de la gare Saint-Jean

Et effectivement quelques jours après son ouverture, le lieu affichait déjà complet tous les midis. Les propriétaires pensent qu’avec l’ouverture du pont Jean-Jacques Bosc, prévue fin 2018, et la transformation des abattoirs en pôle régional culturel, leur activité devrait encore profiter. Bègles devient vraiment un lieu stratégique. « The place to be » en somme.

Pourtant en 2008, quand les premières entreprises se sont installées, il fallait y croire.

« Il n’y avait pas de commerces, ni de logements, se rappelle Marie Alibert, chargée de communication à l’école supérieure des techniques du spectacle et de l’audiovisuel Adams 3iS. Le site était en friche et nous n’avions aucune visibilité. L’image n’était pas terrible. Et puis, cela s’est développé, grâce au tramway. Nous avons beaucoup d’étudiants ou de professionnels en formation qui ne sont pas de Bordeaux, alors la gare Saint-Jean à trois stations de tram est un bon argument. Et avec la résidence étudiants à côté, on peut proposer aux parents d’aller visiter un studio pour leur enfant en même temps qu’ils découvrent l’école ».

Une installation qui s’avère hautement stratégique aujourd’hui.

« Nous bénéficions de l’avantage d’être proche de Bordeaux tout en étant à Bègles. Grâce aux partenariats avec la ville et les autres entreprises, nous avons pu réaliser des films et des sujets qu’il aurait été difficile de faire à Bordeaux centre. »

Les Terres Neuves et Bègles : la greffe prend-t-elle ?

Le deuxième challenge pour les Terres Neuves est de s’intégrer au reste de la ville. Et pour l’instant, cela ne semble pas évident. A l’arrêt Terres Neuves, le quotidien des habitants est plutôt tourné vers Bordeaux. C’est le cas de Manon : cette jeune néo-Béglaise installée aux Terres Neuves depuis juillet, n’a jamais mis les pieds dans le centre de Bègles.

Sur place, elle a tout : le logement, les commerces et le tramway et son quotidien est plutôt tourné vers Bordeaux ou Pessac, pour son travail, où elle se rend en bus. Même chose pour Aurore qui habite près du Casino depuis un an et va travailler en voiture route de Toulouse, sans connaître le reste de sa ville.

Rares sont les résidents « hors Terres Neuves » qui se promènent dans le secteur. Et pour cause : sans l’extension du tramway, les deux pôles se retrouvent dos à dos. Une situation qui pourrait changer dans les prochaines semaines puisque que grâce au tram, les Terres Neuves deviendront un lieu de passage incontournable. Tout le monde y croit, du moins.

« J’habite près du stade, explique Cécile en posant son Vcub à l’arrêt Terres Neuves, je prends ma voiture jusqu’aux Terres Neuves et ensuite  le vélo ou le tram pour aller à Bordeaux. Avec le tram à Bègles, je n’aurai plus besoin de prendre ma voiture pour faire 2 kilomètres. »

Les essais de la ligne C vers Bègles (photo mairie de Bègles)

Les deux tiers des Béglais auront accès au tramway

Et elle n’est pas la seule à l’attendre. Anaïs qui habite à 400 mètres de l’arrêt stade Musard n’aura plus besoin de demander à ses enfants de pédaler pour rentrer de Bordeaux, Orianne et Hamza, deux lycéens, vont gagner 20 minutes pour faire le trajet Villenave d’Ornon-Ravezies et Aurore qui habite à 200 mètres du tramway va économiser 15 minutes de son temps matin et soir. Quant à Françoise qui vit en face des Terres Neuves, côté Bordeaux, elle va pouvoir aller au parc de Mussonville sans prendre sa voiture.

Cette extension va également booster la popularité de la gare de Bègles, « trop confidentielle », estime Clément Rossignol, adjoint chargé de l’urbanisme :

« La fréquence des TER va s’intensifier, ce ne sera plus la peine d’aller à la Gare Saint-Jean et ce quartier va devenir un lieu de vie. »

A partir du 16 mars, les deux tiers des Béglais auront accès au tramway. Et ce lien entre les différents quartiers, grâce au tram, la mairie y croit. On peut la comprendre au vu des 500 000 € investis chaque année depuis cinq ans pour rénover le mobilier urbain et aménager les alentours…

« C’est un gros effort, ce n’est pas comme pour la première phase à Bordeaux où tout avait été financé par la communauté urbaine », raille Isabelle Boudineau, la première adjointe.

Et si les habitants de Bègles étaient tentés d’ignorer leurs Terres Neuves, la mairie rappelle que sans ce quartier et sa densité, le tramway n’aurait jamais traversé la ville.


#Alain Juppé

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile