Média local avec zéro milliardaire dedans

Alerte rouge à France Bleu Gironde et Fip Bordeaux

Après 15 jours de grève, le personnel de Radio France manifeste ce jeudi à Paris. Une délégation girondine y sera. Les salariés de France Bleu Gironde dénoncent la mutualisation de l’antenne avec les locales du Sud-Ouest. Ceux de Fip Bordeaux redoutent leur disparition pure et simple.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

Alerte rouge à France Bleu Gironde et Fip Bordeaux

La grève à France Bleu Gironde entre ce jeudi dans son 14è jour. (DR)
La grève à France Bleu Gironde entre ce jeudi dans son 15e jour. (DR)

Le mouvement de grève à Radio France continue alors que le président directeur général, Mathieu Gallet, vient de rendre un nouveau rapport au ministère de la Culture. Parallèlement, « Mathieu Galère », comme le surnomme le Canard Enchaîné, a été éclaboussé par de nouvelles révélations de l’hebdomadaire satirique sur ses dépenses de communication et de rénovation de bureaux, à l’Ina puis à la Maison ronde. La colère des personnels – Radio France compte 4500 salariés – s’exprimera ce jeudi dans la rue à Paris où une délégation de France Bleu Gironde et Fip Bordeaux se rendra, lors de ce 15e jour de grève.

« C’est le plus dur conflit à Radio France depuis bien longtemps », commente Ezequiel Fernandez journaliste syndiqué chez Sud, lors d’un entretien donné à la radio la Clé des Ondes.

Il faut dire que le déficit de 21 millions d’euros est lui aussi historique.

Une antenne très mobilisée

Toutes les antennes nationales et locales sont touchées. Au lendemain du second tour des élections départementales, 19 locales du réseau France Bleu sur les 44 existantes n’ont pas produit de matinales. France Bleu Gironde, tout comme Fip Bordeaux, fait partie des premières radios engagées dans le mouvement. Et c’est l’une des locales « les plus touchées », indique Gabriel Valdisserri, directeur de France Bleu Gironde et délégué de la région Grand Ouest (qui regroupe également les locales de Toulouse, Pau, Bayonne, Mont-de-Marsan et Périgueux).

« Après un début de grève calme, elle s’est durcie avec deux dimanches sans soirée électorale, et les deux derniers jours presque sans antenne. Nous n’avions pourtant que 3 techniciens et un animateur en grève, sur un planning de 20 personnes (pour 32 salariés à France Bleu Gironde). Mais cela suffit pour bloquer l’antenne. Et le système avec quatre préavis permet aux salariés de rentrer dans le mouvement et d’en sortir, ce qui fait une sorte de grève perlée. »

Les auditeurs de France Bleu Gironde ont donc seulement pu écouter ce mercredi les journaux et une heure d’antenne. Pour le reste, dont la matinale, c’est silence radio.

« Ceux qui se mobilisent sont des gens qui sont passionnés, qui aiment Radio France et qui tiennent à préserver cette institution, assure Julien Collin, technicien Sud et secrétaire du comité d’entreprise Radio France Sud Ouest. Il n’y a pas que des syndiqués. Pour certains, c’est leur première grève. Ils sentent que nous sommes à un tournant. Certains sont aussi non-grévistes mais solidaires et donnent à notre caisse de grève ou viennent en assemblée générale. »

France Bleu Gironde amputée de 2h30 ?

Si les mots d’ordre nationaux sont relativement connus, notamment le rejet d’un plan d’économie prévoyant 200 à 300 suppressions de postes, les grévistes ont aussi des revendications locales. Le principal point d’achoppement pour le personnel de France Bleu Gironde, c’est la syndication, c’est-à-dire des mutualisations entre plusieurs antennes locales, à l’échelon régional. Ainsi, l’antenne girondine pourrait être amputée de 2h30 de programmes à la rentrée prochaine, soit un quart du temps d’antenne environ.

« C’est ce que nous faisons déjà tous les étés, plaide Gabriel Valdisserri. Cela consiste à offrir une seule même émission régionale pour les 5 ou 6 antennes du Sud-Ouest, celle-ci alimentant à tour de rôle la programmation. On confierait aux animateurs d’autres tranches, ce qui permettrait de limiter le recours aux CDD. Mais il n’est pas question de virer des gens. Le plan de départ volontaire ne concerne chez nous que deux ou trois personnes ayant dépassé les 60 ans et qui auraient envie de s’arrêter. »

Selon le directeur de Bleu Gironde, rien n’est encore formalisé :

« Nous n’avons pas d’oukase de Paris nous imposant cette syndication. Mais mieux vaut prévenir que guérir et nous nous en sommes saisis. Il va falloir à terme gérer notre argent, or la masse salariale représente 60% du budget de fonctionnement. »

Plan Bleu contre zones blanches

Autre sujet sensible dans le Sud-Ouest : le « refus du plan Bleu qui programme la création de nouvelles locales sans moyens supplémentaires » explique Julien Collin. « C’est déshabiller Pierre pour habiller Paul », résume Ezequiel Fernandez.

Carte de la diffusion de France Bleu sur le territoire métropolitain (Cour des Comptes / source Radio France)

Dans son rapport sur Radio France publié ce mercredi, la Cour des Comptes approuve cette stratégie de la direction et du ministère de la Culture, soulignant que « d’importantes zones blanches demeurent, notamment dans le Sud-Ouest ». La cour préconise à maintes reprises de « définir pour France Bleu un schéma cible d’implantation, permettant une couverture renforcée du territoire à moyens constants ». Mais les grévistes ont de surprenants alliés : les ministères des finances, de l’économie et le secrétaire d’état chargé du budget répondent en chœur :

« Il nous semble que la couverture renforcée du territoire ne constitue pas un objectif en soi et qu’elle ne passe pas nécessairement par la création de nouvelles stations, la diffusion des antennes actuelles pouvant être étendue. »

Fip Bordeaux, « vestige d’une réforme inaboutie »

La Cour des Comptes n’est pas tendre envers les antennes locales de Fip (Bordeaux, Nantes  et Strasbourg) qu’elle juge être « des structures à l’utilité incertaine (…) vestiges d’une réforme inaboutie (…) dont le coût annuel représente un million d’euros ». Les auditeurs sont mobilisés pour défendre les trois dernières antennes de cette radio musicale éclectique, et leurs animatrices aux voix suaves. 16 700 personnes ont ainsi récemment signé la pétition Fip Toujours. A Bordeaux, Fip emploie 5 titulaires et deux remplaçantes. Pour Ezequiel Fernandez, les missions du service public de proximité sont ainsi en jeu dans cette mobilisation :

« Nous, le réseau France Bleu, sommes des enfants de la décentralisation et de son autonomie éditoriale. Or, aujourd’hui la ligne éditoriale est décidée à Paris et déclinée en région. On inverse la proposition originelle de notre mission de service public de proximité. Ce mouvement de grève est aussi là pour dire à la direction de Radio France qu’elle est en train de démolir un édifice qui s’est construit depuis 30 ans. »

Ce mercredi, seuls les journaux ont été diffusés sur l’antenne de France Bleu Gironde. (DR)

Centralisme démocratique

La Cour des Comptes demande d’aller plus avant dans cette démarche puisqu’elle estime même que l’organisation doit être « simplifiée » et par conséquent centralisée : »La structure du réseau visait à répondre à des principes simples : des stations locales, une direction nationale pour la cohérence éditoriale et des délégations régionales qui évitent une organisation horizontale difficilement pilotable. Cette organisation n’est qu’imparfaitement mise en place. » L’autogestion ou l’autonomie rédactionnelle ne sont pas à l’ordre du jour pour les locales de France Bleu. D’autant moins que l’audience semble valider cette stratégie, selon la Cour des Comptes :

« Le nombre d’auditeurs de Radio Bleu (sic) a été stable entre 2004 et 2009, puis a crû de 17 % entre 2009 et 2013 (de 3 420 000 à 4 011 000 auditeurs). La durée d’écoute est passée de 124 minutes à 130 minutes. »

Le rapport préconise une fusion des rédactions de Radio France que Mathieu Gallet dit refuser et qui pourrait ainsi produire des flashs d’informations pour toutes les chaines dont les journaux nationaux de France Bleu.

Penser avec un marteau

Pour autant, elle semble déplorer qu’entre « 2004 et 2013, la croissance des effectifs du réseau aura été supérieure aux créations de postes dans les nouvelles stations » et demande une nouvelle évaluation pour connaitre l’utilité des 28 postes de « reporters en résidence » dont celui d’Arcachon créé en octobre 2012 et lié à la rédaction de France Bleu Gironde. Enfin, faisant fi des contenus, la Cour des Comptes a aussi calculé le « coût de l’heure produite et diffusée » où Fip et France Bleu font partie de la fourchette basse. A force de penser avec un marteau, la Cour des Comptes voit tous les problèmes en forme de clou. A Paris, la société des producteurs associés de Radio France (Sparf) s’est constituée et a créé et diffusé une émission pirate « Vive la radio ». En Gironde, les grévistes ont adressé une lettre ouverte aux élus. Les députés socialistes Sandrine Doucet et Florent Boudié devaient ainsi interpeller la ministre Fleur Pellerin qui recevra ce jeudi matin Mathieu Gallet.

 


#Fip Bordeaux

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile