« Marathon pluvieux, marathon heureux ! ». C’est sur ce dicton revisité d’Alain Juppé, le maire de Bordeaux, que nous prenons le départ à 20h sous une pluie battante. 7000 personnes environ s’élancent sur l’épreuve reine de 42,195 km, 3000 pour le marathon en relais et en duo, et 8000 participent au semi-marathon, avec 69 % d’hommes et 31 % de femmes.
Jusqu’à présent aucun marathon de France n’avait jamais enregistré autant d’inscrits sur une première édition et le marathon de Bordeaux Métropole, par sa fréquentation, se classe d’emblée dans le Top 5 des épreuves similaires en France. Un succès qui illustre la montée en puissance de la course à pied, sport simple à pratiquer et accessible à tous.
La prédiction du maire de Bordeaux se confirme : tout au long du parcours, les spectateurs sont au rendez-vous malgré les intempéries pour encourager les coureurs.
« Papa, t’es le plus fort ! »
Sur le trottoir ou aux fenêtres, les Bordelais scandent, sous leur parapluie, des paroles encourageantes, parfois même au mégaphone ou à renfort de sifflets : les « Maman, on t’aime ! », « Papa t’es le plus fort », « Vous êtes magnifiques », « Bravo ! » fusent.
Certains ont même sorti la sono ou font tourner à plein régime l’auto-radio de leur voiture pour mettre de l’ambiance, tandis que des anciens secouent une cloche. D’autres sirotent tranquillement un verre de vin à notre santé. Vingt-cinq animations jalonnent aussi le parcours pour égayer la course – mais beaucoup doivent être annulées à cause des intempéries.
Ambiance bon enfant dans l’agglomération de Bordeaux
Certains coureurs contribuent à l’ambiance bon enfant en venant déguisés en clowns, Madonna aux fesses apparentes et autres accoutrements rigolos, comme c’est la tradition pour le marathon du Médoc qui se déroule à Pauillac (Gironde) chaque année en septembre.
A 20h, les concurrents des différents sas (déterminés par tranches de performances) se lancent. Partis du quai Louis XVIII au niveau de la place des Quinconces, nous franchissons le pont Chaban-Delmas. Dès les premiers kilomètres, on se lâche : les hommes se soulagent au premier virage, crachent, tout le monde hurle, y va de sa petite blague et joue des coudes…
Puis, au 5eme km, on se ravitaille : gobelets d’eau, quartiers d’oranges, morceaux de bananes, raisins secs… C’est qu’il va en falloir de l’énergie pour avaler les 42,195 km d’asphalte ! Heureusement, les ravitaillements sont multiples. Les 1800 bénévoles vont même avoir du travail pour ramasser tous les gobelets en plastique et peaux d’oranges qui jonchent la voirie après notre passage !
Seul bémol à ce niveau : les premiers relayeurs arrivés au bois du Burck après 14 km de course n’ont droit qu’à une bouteille d’eau, et rien à se mettre sous le dent.
Une fois le Pont de Pierre et une partie de la ville centre traversés, cap sur Pessac, Mérignac et Talence via de longues lignes de droites et quelques faux plats. Les encouragements des spectateurs, familles, amis et habitants des quartiers traversés ne faiblissent pas.
Un petit tour dans les vignes avant de se heurter au « mur »
Aux 14eme et 16eme km, moments magiques pour les coureurs : l’immersion dans les vignobles prestigieux du Château Picque Caillou (14,2 km) et du Château Pape Clément (à 16,8 km), illuminés pour l’occasion. Magique mais douloureux pour les moins aguerris au cross-country, car ils doivent courir quelques hectomètres dans la boue.
Enfin, nous parvenons au kilomètre 21, la moitié ! Mieux vaut en avoir encore sous la semelle pour la suite. Puis retour par le cœur historique de Bordeaux : barrière Saint-Genes, place de la Victoire… On tombe alors dans le flot des semi-marathoniens qui obligent à lever un peu le pied ou au contraire à doubler, selon sa forme.
C’est là que certains coureurs, les moins entraînés ou ceux qui ont mal géré les ravitaillements, se heurtent au fameux « mur » des 30-35 kilomètres : coup de mou, crampes nous obligent à ralentir voire à nous arrêter pour une petite séance d’étirements.
Des participants pestent aussi contre les organisateurs qui ont eu l’idée de faire côtoyer semi-marathoniens et marathoniens sur le même parcours dès le 29ème km, obligeant les marathoniens souhaitant maintenir leur cadence à doubler les nouveaux venus alors que leurs forces s’amenuisent.
Alors qu’il reste encore plus de 10 bornes à courir, le moral faiblit et le physique a du mal à suivre. Les meilleurs maintiennent toutefois l’allure. Les traits de nombreux coureurs sont tirés, les discussions se font plus rares, la respiration plus rapide et la souffrance se lit sur certains visages. Certains vomissent sous l’effet de l’intensité de l’effort. Les paroles d’encouragement et applaudissements n’en sont que plus précieux, les animations musicales (fanfare, jazz…) galvanisent.
Une arrivée qui se fait attendre
Les premiers coureurs ont fini depuis longtemps. A l’arrivée, on apprendra que le Bordelais Saïd Belharizi (équipe de Bordeaux Métropole), qui a longtemps mené la course, s’est finalement fait devancer de peu par le Polonais Jacek Cieluszeck, vainqueur en 2h32.
Les derniers kilomètres sont interminables. On se serait bien passé de l’ultime boucle de la place de la Comédie à la porte Cailhau alors que l’on croyait la ligne d’arrivée toute proche. Certains coureurs ont encore assez de « jus » pour se lancer dans un sprint final. Allons-y pour la dernière ligne droite. C’est acclamés par la foule que nous passons sous l’arche gonflable de l’arrivée, à deux pas du podium musical de la place de la Bourse.
Rincés, les coureurs récupèrent un à un leur médaille bleue et argent de « Finisher » avant de filer vers le ravitaillement où cape en plastique et vivres les attendent. Certains, perclus de douleurs, se dandinent, d’autres s’étirent pour faire passer une crampe et d’autres encore, livides, s’écroulent dans l’herbe mouillée.
Heureusement, 85 masseurs-kinésithérapeutes (professionnels et stagiaires) prennent en charge les participants aux muscles tétanisés de froid. Si certains coureurs expriment une déception par rapport à leur « chrono », tous sont fiers d’être arrivés au bout.
Plusieurs soulignent néanmoins le talon d’Achille de l’épreuve bordelaise : les transports. A l’arrivée ou aux points de passage des relais, ils déplorent avoir beaucoup marché et attendu pour accéder aux transports en commun, aux navettes ou retrouver leurs voitures. En tous cas pour des coureurs qui se sont farcis 42,195 kilomètres.
Seront-ils prêts à remettre ça, et passer outre le prix prohibitif du dossard ? La prochaine édition nous le dira.
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