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Tourisme fluvial : Bourg et Blaye attendent la vague

Alors que Bordeaux s’apprête à fêter le fleuve, le tourisme fluvial se développe grâce à un œnotourisme en plein boom. En Haute Gironde, de plus en plus de bateaux de croisières s’arrêtent mais les touristes repartent presque aussitôt en excursion dans d’autres villes et les petits commerçants qui les voient passer perdent espoir.

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Tourisme fluvial : Bourg et Blaye attendent la vague

Sara Jane gérante du bar le Bourg-Joie (MO/Rue89 Bordeaux)
Sara-Jane, gérante du bar le Bourg-Joie, attend les retombées du tourisme fluvial (MO/Rue89 Bordeaux)

Plan de la ville en main, Michel et Christina Greenwood, un couple de touristes anglais, descendent d’un bateau de croisière de la compagnie américano-norvégienne Viking Forseti en escale au port de Bourg-sur-Gironde.

Contrairement aux autres passagers qui sont partis en bus pour une visite de Cognac, ils ont choisi de passer l’après-midi dans cette petite commune située en bord de Dordogne.

« Hier, nous étions à Saint-Emilion et aujourd’hui il y avait une excursion facultative, mais nous avons déjà dépensé 2200 euros pour la croisière et nous ne voulions pas dépenser encore 149 euros pour cette visite », déclare Mickael Greenwood.

Une clientèle nouvelle et aisée difficile à capter

Dans leur grande majorité, les croisiéristes sautent en effet du bateau au bus au grand dam des commerçants qui aimeraient bien que cette clientèle venue du fleuve et à fort pouvoir d’achat s’arrête chez eux.

Au Bar le Bourg-Joie qui a ouvert en mars dernier, Sara-Jane, la gérante croit au potentiel de sa ville mais pour l’instant :

« Les quelques touristes qui viennent disent qu’il n’y a pas grand-chose à faire donc ils repartent. La ville n’est pas suffisamment mise en valeur et c’est dommage. »

Quelques mètres plus haut le gérant d’Emmanuel création, une boutique de tissu ouverte depuis janvier, a son avis sur la question :

« C’est une ville qui ne demande qu’à exploser mais certains commerçants ne savent peut-être pas suffisamment mettre en avant leur commerce. Il faut que la devanture du magasin donne envie d’entrer. »

Avec de nombreux locaux commerciaux vides et et de rares présentoir en extérieur, la belle inconnue – le slogan de la ville – paraît en effet endormie même un samedi après-midi.

Et pourtant, à quelques kilomètres de Blaye et de sa belle et grande citadelle, la ville a pourtant des atouts ; un beau panorama, des petites rues pittoresques qui descendent vers le fleuve, une petite citadelle et un musée hippomobile qui en font une petite ville charmante et donc avec un vrai potentiel touristique.

Pour Pierre Joly, le maire de Bourg, il faut certes accompagner les commerces qui le souhaitent mais sans pour autant se substituer à eux. Qui plus est  :

« Créer une image de marque pour ancrer le tourisme dans la ville, ça ne se fait pas du jour au lendemain, c’est un travail de longue haleine. »

La citadelle de Bourg-sur-Gironde, plus petite que la citadelle de Blaye, offre un beau panorama sur le fleuve (MO/Rue89 Bordeaux)

Les touristes ne font que passer à Blaye

A Blaye, qui a également connu un développement rapide du tourisme fluvial depuis 2011, on retrouve en partie les mêmes problématiques. Certains commerçants aimeraient que les touristes s’arrêtent chez eux comme le gérant du Bastion, un restaurant de la citadelle :

« L’office de tourisme ne gère pas bien leur arrivée. Quand les touristes arrivent, ils n’ont pas le temps de s’arrêter, ils prennent soit la calèche, le petit train ou le bus et vont visiter autre chose. »

Hors citadelle, tous les commerçants ne comptent pas vraiment sur cette clientèle venue du fleuve. La gérante d’une supérette située sur les quais est même bonne joueuse vis-à-vis de Saint-Emilion où sont envoyés les touristes qui ont accosté à Blaye ou Bourg :

« On n’est pas vraiment dans la même catégorie, ici ce sont plutôt des propriétés, à Saint-Emilion, ce sont des châteaux. »

Eric Crozet, artisan du cuir (MO/Rue89 Bordeaux)

Pour Eric Crozet, artisan du cuir, la situation est différente. Il est lui aussi situé au sein de la citadelle mais son constat est totalement différent :

« Par rapport à l’an dernier, j’ai 20 à 25% de clientèle en plus et qui vient en période creuse en plus, donc on ouvre quasiment tous les jours. »

Un succès qui s’explique aussi par le fait que les touristes prennent leur repas à bord des bateaux et sont donc plus enclins à dépenser leurs argents dans une boutique de création artisanale ou une boutique de souvenirs  que dans  un restaurant.

Un tourisme fluvial en plein essor

Dans le sillage de Bordeaux, Pauillac, Cadillac, Libourne, Cussac, Callonges et bientôt Cissac-Fort-Médoc, Bourg et Blaye sont entrées dans cette boucle fluviale sur laquelle s’appuient les compagnies pour composer leurs programmes.

A Bourg, c’est Croisieurope, une compagnie Alsacienne qui a ouvert le bal des croisières en 2014. Et depuis, cinq compagnies de croisières appontent à Bourg sans compter les quatre compagnies locales, des daycruiser comme Bordeaux River Cruise (anciennement Gens d’Estuaire) ou encore la compagnie des Deux-rives qui  proposent des croisières à la journée .

En 2015, la ville de Bourg va accueillir 114 escales de paquebots fluviaux ainsi que 35 escales de daycruise (croisière à la journée) soit environ 12400 touristes qui vont arriver au port de la ville, autant dire une pêche miraculeuse si les touristes ouvraient leur porte-monnaie.

Idem à Blaye, où Nicolas Monseigne, le directeur de l’office de tourisme constate que le tourisme fluvial est en plein essor :

« La première compagnie est arrivée en 2011 mais c’est surtout depuis l’an dernier que les touristes sont de plus en plus nombreux. En 2014, un tiers des visites de groupe, dans la citadelle, soit 10 000 personnes, étaient composée de croisiéristes. »

Axel Araczkiewicz  responsable des relations extérieurs à Croisieurope revient sur cette arrivée en Haute Gironde:

« Notre stratégie est de quadriller la France. On a vu qu’il n’y avait pas encore en Gironde d’offres de croisières comme les nôtres. Surtout, Bordeaux est une marque internationale très forte avec un label Unesco (comme Blaye et Saint-Emilion, NDLR) qui est un gage de qualité pour les touristes ».

Les offices de tourisme essaient de prendre le train en route

Pour transformer cet afflux en espèce sonnante et trébuchante, les offices de tourisme travaillent à diversifier leurs offre. Bourg vient par exemple d’étoffer son offre avec une balade en calèche le long de la pittoresque route de la Corniche qui relie Bourg à Blaye. L’office de tourisme a également pour projet de s’installer directement sur le port pour être au plus près des croisiéristes.

Stéphanie Ballot, la directrice de l’office de tourisme de Bourg explique :

« On travaille à développer le tourisme à Bourg pour proposer des excursions mais il faut deux à trois ans pour être sur les catalogues des compagnies. »

A Blaye, l’office de tourisme planche sur différents produits pour développer l’offre touristique : visites patrimoniales en ville, journée chez l’habitant ou apéritifs vignerons par exemple. Xavier Loriaud, adjoint en charge du tourismes et du patrimoine Unesco à la mairie explique :

« On savait que les croisières allaient se développer car lorsqu’une compagnie arrive, les autres ne tardent pas à suivre mais il faut du temps pour adapter l’offre, les infrastructures et organiser l’accueil des bateaux qui avec souvent 150 passagers à bord et leurs équipages sont de véritables petites villes flottantes. »

Il complète :

« C’est un travail à l’échelle d’un territoire. Par exemple, nous avons cessé momentanément d’accueillir les bateaux de 135 mètres qui sont envoyés à Bourg le temps que nous réglions un problème d’étanchéité sur un caisson du ponton. C’est un travail de concertation qui se fait avec tous les acteurs pour gérer au mieux l’arrivée des bateaux. »

A Bourg, on essaie de jouer la carte du vin. La maison des vins des Côtes de Bourg réalise actuellement des travaux d’agrandissement dont l’achèvement est prévu pour avril 2016. Avec la création d’un espace de réception ainsi qu’un bar à vin et d’une terrasse, l’objectif est de capter une clientèle touristique et une clientèle d’entreprise, pour des dégustations de vins avec la Dordogne en toile de fond.

Didier Gontier, le directeur du syndicat :

« Depuis l’année dernière, le tourisme fluvial se développe, l’œnotourisme aussi et avec l’ouverture de la Cité des civilisations des vins prévu pour 2016, nous espérons bénéficier de cette dynamique de développement. »

Chantier d’agrandissement de la Maison des vins des Côtes-de-Bourg (DR)

Des pontons indispensables pour développer le tourisme fluvial

La possibilité d’apponter au port et donc l’existence d’infrastructures pour l’accueil des bateaux est un facteur important si une ville espère inciter un jour les touristes à dépenser leur argent mais les contraintes techniques liées à la loi ainsi que le financement pèsent dans la balance.

A Bourg, la communauté de communes qui a la compétence du tourisme a fait rénover un ponton remis en service en mars dernier. Sur le port, des Bourquais croient savoir que le projet de construction d’un second ponton est annulé. Mais de son côté, le maire, Pierre Joly assure que ce projet initialement prévu pour septembre n’est pas tombé à l’eau :

« Seulement, c’est un projet qui est soumis au code de l’environnement, au code du transport et au code du littoral. Et aujourd’hui la commission nautique locale achoppe sur la proximité de plusieurs installations dans un espace réduit qui pourrait être dangereuse dans le projet tel qu’il est actuellement. »

Des embouteillages sur les pontons ?

A Blaye, le ponton existant a été construit en 2005 pour accueillir une activité de plaisance et des daycruisers. En 2011, il a été rénové pour pouvoir accueillir les bateaux de croisières mais ne peux accueillir jusqu’à nouvel ordre que les bateaux de 110 mètres de long. Ceux de 135 mètres sont envoyés à Bourg.

D’après Xavier Loriaud, il n’y a pas de projet de construction d’un second embarcadère à l’heure actuelle et l’hypothèse, un temps avancée d’accueillir les touristes au ponton 610 situé en pleine domaine portuaire et céréalier n’a pas été retenue. Aujourd’hui les compagnies de croisières et les compagnies locales continuent à se mettre d’accord sur le planning d’arrivée dans les différents ports mais les premiers avec leur gros bateaux sont prioritaires.

Les  compagnies locales comme Croisières Burdigala dont Philippe Canel est le patron, et dans laquelle il est aussi capitaine, doivent donc s’adapter :

« Les paquebots qui arrivent à Blaye et à Bourg ont la priorité pour amarrer, on nous prend peut-être un peu moins au sérieux maintenant. Cependant on ne travaille pas moins parce qu’on n’est pas dans la même catégorie. »

Jusqu’à présent les compagnies arrivent à trouver un terrain d’entente mais qu’arrivera-t-il si la demande augmentait trop ? Des embouteillages sur la Garonne et la Dordogne ?


#Blaye

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Photo : SB/Rue89 Bordeaux

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