1 – Elle défend son média bec et ongle
Savoir ce que ressent une personne allergique aux chats, admirer 21 looks repérés au festival Afropunks Paris ou faire la chasse aux fakes (fausses infos) qui circulent sur la Toile… Voici quelques-uns des sujets proposés ce mardi sur la home-page de BuzzFeed France. Beaucoup de lol, de people, de WTF (what the fuck). Mais pas seulement, plaide Marie Telling, qui a contribué en 2013 au lancement en France du site américain et travaille à son développement dans d’autres pays.
Selon cette Bordelaise de 26 ans, BuzzFeed se fait d’abord connaître par ses sujets légers et très relayés sur les réseaux sociaux, avant d’embrayer sur du news, et de l’investigation. Elle cite l’exemple aux Etats-Unis d’une enquête sur les femmes battues et condamnées par la justice, signée d’un prix Pulitzer, vue un million de fois, et qui a contribué à faire évoluer la législation.
En France, le site, qui vient de passer de 3 à 6 journalistes, a récemment révélé les liens entre l’extrême droite et l’association SOS Chrétiens d’Orient. Oui oui, à côté des lol cats et autres « faits époustouflants sur le pénis ». Marie Telling défend le mélange des genres :
« Quand vous allumez la télé, vous n’allez pas remettre en cause la légitimité d’Envoyé Spécial parce qu’une heure avant Nagui fait chanter les gens. Sur le même média, de l’info sérieuse peut cohabiter avec du divertissement. »
Et comme 75% du trafic sur le site transite par les réseaux sociaux, les lecteurs sont aussi bien des ados fans des Kardashian que des politiques de Wahsington DC, pouvant ignorer totalement le reste du contenu du site.
2 – Une certaine vision du journalisme
Gare aux journalistes de BuzzFeed qui n’assumeraient pas de travailler pour leur site ! Car pour Marie Telling, l’internaute en apprendra autant sur Valérie Trierweiler en jouant à son quizz « ces phrases viennent-elles de “Merci pour ce moment” ou de “Cinquante nuances de Grey” ? » qu’en lisant son œuvre. Et on ne peut pas lui donner tort.
Si BuzzFeed n’a pas l’intention de marcher sur les pieds de Mediapart, il défend à sa façon une forme d’engagement, et se démarque en cela d’autres sites plus trash, affirme Marie Telling :
« On se bat contre le sexisme, on n’humiliera jamais des femmes par rapport à leur physique, par exemple. Je comprends que la confusion puisse encore exister, mais la différence va se faire sentir dans années à venir. »
La jeune femme évoque également le succès d’un article de l’équipe française sur les « 26 phrases que les noirs ne veulent plus entendre ». Preuve que BuzzFeed, en jouant avec les clichés pour mieux les déjouer, répond à une vraie demande.
3 – Une self-made woman
Marie Telling est rentrée à l’IEP Bordeaux en visant l’année de master aux Etats-Unis. D’origine danoise, la Bordelaise voulait voyager. Depuis l’Etat de Washington, sur la Côte Ouest, elle cherche alors à décrocher un stage dans un média français. Seul Rue89 lui répond favorablement, à condition de lui présenter un article de bonne facture. Son reportage sur le congrès des Tea Party à Spokane fait mouche.
Pour Rue89, Marie Telling s’occupe aussi d’un blog sur une de ses passions, les séries, alors que la mode Mad Men déferle en France.
Elle intègre ensuite l’école de journalisme de Sciences Po Paris, qui lui permet de repartir passer un an aux States, dans la prestigieuses Columbia University, son « rêve ». L’extension de son visa étudiant lui permet de travailler. Après quelques mois de galère, elle trouve des piges, couvrant les faits divers new-yorkais pour le site DNAinfo.
Son profil frenchy amateur de culture pop lui ouvre ensuite les portes de BuzzFeed, qui veut alors lancer son édition française. Malgré son jeune âge, elle occupe ainsi un poste important dans cette startup devenue une machine de 900 salariés, qui a encore levé l’an dernier 50 millions de dollars pour son développement. Financée par la publicité, l’affaire est hautement rentable, et valorisée à près d’un milliard de dollars.
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