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Portes ouvertes : les architectes défendent leurs règles de l’art

La troisième édition de l’opération « Les architectes ouvrent leurs portes » a lieu le 12 et 13 juin. Cette profession en difficulté dans le contexte économique actuel, souffre, malgré arc-en-rêve et Agora, d’un manque de visibilité et de relais politique et culturel à Bordeaux.

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Portes ouvertes : les architectes défendent leurs règles de l’art

Mareva Lequertier et Camille Pauron de l'agence Archireva (WS/Rue89 Bordeaux)
Mareva Lequertier et Camille Pauron de l’agence Archireva (WS/Rue89 Bordeaux)

Au lendemain de la création du Conseil culturel consultatif de la ville de Bordeaux, des voix se sont élevées dans le milieu bordelais de l’architecture pour exprimer leurs regrets de constater l’absence d’une représentation de leur profession :

« Et pas d’architecte ? », avait commenté Renaudie un article de Rue89 Bordeaux.

Eric Wirth (DR)

Cette question n’était pas anodine. Eric Wirth, président du Conseil aquitain de l’ordre des architectes, revendique l’architecture comme une expression de la culture comme un écho à l’article 1er de la loi de 1977. Mais au-delà de cette loi, qui a été consolidée le 15 avril, il ajoute :

« Avec une ville qui a arc-en-rêve centre d’architecture et Agora, la biennale de l’architecture et du design, il aurait été légitime que l’architecture soit considérée comme une culture. Notre métier perd du terrain, les limites reculent et nous allons nous retrouver à l’étroit. »

« L’architecture pose la question de la question »

Quel peut être l’apport de l’architecture dans la réflexion sur la culture d’une ville ? Comment peut-elle contribuer à l’amélioration de la proposition culturelle et sa production ? Eric Wirth répond :

« Les liens entre l’architecture et la culture, toutes les cultures, sont très forts. Notre métier traduit une époque, une société et ses modes de vie. Il a une vision globale, à comparer avec celle d’un cinéaste qui veut raconter une histoire. On instaure une méthodologie dans la réflexion. Combien de fois nous avons eu des retours comme “je ne savais pas ce que je voulais, mais c’est exactement ça.” ? L’architecture pose la question de la question. »

Francine Fort, à la tête d’arc en rêve centre d’architecture, s’étonne également de l’absence de sa structure du Conseil culturelle de la ville. La directrice est cependant membre de la Commission d’aide à la création dont la présidence a été confiée par la Ville à José Manuel Gonçalvès, directeur du Cent Quatre à Paris. Elle déclare :

« L’architecture se doit d’être en avance, visionnaire. Les réalisations sont faites pour plusieurs générations. C’est le propre de l’art ! »

Francine Fort, arc-en-rêve centre d’architecture (WS/Rue89 Bordeaux)

Les liens de l’architecture avec l’art

Traditionnellement intégrée aux métiers liés à la mise en œuvre et l’édification de construction, l’architecture en France avait connu une scission avec le génie civil au XIXe siècle pour devenir l’une des quatre disciplines des beaux-arts, avec la gravure, la sculpture et la peinture. A Bordeaux, l’enseignement de l’architecture était assuré par l’École des beaux-arts jusqu’en 1968, comme à Paris, Lille ou Marseille :

« L’architecture est un territoire à part, elle n’est pas sous la tutelle de la culture à Bordeaux, précise Francine Fort. D’ailleurs, au niveau national, on a jamais vraiment su dans quel ministère la caser : celui de la culture ou celui de l’aménagement et l’équipement ? Dans les années 1970, il y a eu l’effet Beaubourg : un acte fort qui a marié architecture et art contemporain. »

Fabien Robert, adjoint au maire de Bordeaux en charge de la culture et du patrimoine, confirme que l’architecture n’est pas sous sa responsabilité. Bien qu’aucune réaction officielle de l’ordre ne lui soit parvenue – Eric Wirth dit en avoir parlé avec Alain Juppé et Virginie Calmels, adjointe au maire en charge de l’économie, de l’emploi et de la croissance durable –, l’absence de la discipline dans le Conseil culturel n’a rien de définitif assure-t-il :

« Nous sommes convaincus que les architectes sont utiles à la réflexion sur la culture, c’est un conseil évolutif et on va intégrer des nouveaux champs. Je suis personnellement certain qu’architecture et patrimoine sont les points forts de Bordeaux. La biennale d’Agora est emmenée à se développer, preuve de l’intérêt de la Ville pour ce métier. »

Agora, « Avignon de l’architecture » ?

Mais les acteurs de l’architecture à Bordeaux ne s’y retrouvent pas complètement dans cet événement censé devenir, pour emprunter le qualificatif à Libération, « l’Avignon de l’architecture ». Cette biennale qui dépend de la direction de l’aménagement et dont la programmation est confiée à Michèle Laruë-Charlus, la directrice générale, est considérée par la profession comme le « Mipim bordelais » où se retrouvent les grosses écuries : promoteurs, entreprises, architectes…

« C’est un vecteur médiatique et politique, précise Eric Wirth. Inviter un grand nom de l’architecture attire forcément les projecteurs sur la ville. Agora a des objectifs qui ne sont pas les nôtres, mais ils ne sont pas antinomiques avec les nôtres. »

En effet, de l’avis du président de l’ordre comme de la patronne d’arc-en-rêve, « c’est très bien qu’Agora existe à Bordeaux, il faut saluer toutes les initiatives qui mettent en avant l’architecture ». Mais pour Francine Fort, « Agora n’est pas un événement culturel » :

« C’est un événement professionnel de la ville autour de l’aménagement, la construction, la mutation de la ville elle-même. En cela, Agora ne concerne personne d’autres que les Bordelais, ils viennent voir ce que sera leur ville en ayant accès à des maquettes et des projets. Mais le public ne viendra pas de Nantes, Lyon ou ailleurs. »

En réponse, Fabien Robert rappelle les perspectives pour 2017 où Bordeaux sera à deux heures de Paris :

« Comme c’est précisé dans le Document d’orientation culturelle, il y a la volonté de renforcer le volet culture d’Agora et il y a beaucoup de possibilités pour le faire. Une commission Grands événements réfléchit sur un projet qui englobe les opérateurs culturels. »

Fabien Robert lors de la présentation du DOC à la presse (WS/Rue89 Bordeaux)

Bordeaux livré aux grands noms ?

Dans le constat fait par Eric Wirth, il n’est pas difficile de lire les difficultés économiques de la profession. Celle-ci assiste impuissante à la disparition des marchés de particuliers alléchés par les propositions des promoteurs.

« L’architecture connait un constat paradoxal, relève Francine Fort. Le citoyen la côtoie tous les jours mais ne l’intègre comme pas une nécessité. La culture de l’architecture disparaît avec la dévalorisation de celle-ci. Avec l’arrivée des promoteurs et du prêt-à-habiter, on a vendu à des politiques et des élus le fonctionnel, le produit. La culture de l’architecture s’est petit à petit diluée. On peut trouver ça beau ailleurs, mais devant notre porte, on en a encore peur. »

Pour revaloriser l’image de la profession, les agences usent de toutes les communications possibles. Mareva Lequertier et Camille Pauron, de la jeune agence Archireva installée dans le vieux Bordeaux, ont édité une plaquette à l’attention du particulier pour redorer les blasons de l’architecte en rappelant le prestige de sa fonction à travers l’importance de ses conseils et l’intérêt de son expérience.

Ces initiatives se multiplient, tout comme les journées portes ouvertes, pour reconquérir les petits marchés sur lesquels les jeunes architectes misent en voyant d’un mauvais œil l’attribution des chantiers les plus importants de Bordeaux à des grands noms.

« On parle que des grands projets, mais parlons de nos quartiers, des gymnases, des crèches, des écoles… réplique Fabien Robert. Tous ces chantiers de rénovation ou de construction sont confiés à des architectes locaux. »

A-t-on perdu à la fois la culture de l’architecture et l’architecture dans la culture ? Eric Wirth souligne que « toutes les mutations de la ville émanent de l’architecture » et reconnaît « qu’il n’y a pas beaucoup de villes en France qui mettent autant en avant l’architecture que Bordeaux ».


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