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Le squat du pont Saint-Jean évacué et rasé

Une centaine de demandeurs d’asile du Sahara occidental, installés depuis plusieurs mois sous le pont Saint-Jean, ont été expulsés ce lundi par les forces de l’ordre. La préfecture a proposé des solutions d’hébergement, mais hors de Bordeaux et uniquement pour quatre jours.

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Le squat du pont Saint-Jean évacué et rasé

Les bulldozers ont rasé le squat des réfugiés Sahraouis tôt ce matin. (ML/Rue89 Bordeaux)
Les bulldozers ont rasé le squat des réfugiés Sahraouis tôt ce matin. (ML/Rue89 Bordeaux)

Le squat du pont Saint-Jean, côté Bastide, a été réveillé de bonne heure ce lundi. Une vingtaine de fourgons de la police a été dépêché sur les lieux pour encadrer l’évacuation de la zone. Les Sahraouis ont dû se hâter de plier bagages, mais sans heurts.

« L’évacuation du squat s’est faite dans le cadre de l’urgence liée, d’une part, aux conditions d’insalubrité et de sécurité des lieux (zone inondable et risque important d’incendies), et d’autre part, aux impératifs de progression du chantier LGV », justifie la préfecture dans un communiqué.

La vingtaine d’abris de fortune construits avec des matériaux récupérés a été rasée. Sans eau, ni électricité, les 102 membres du campement, menacés d’expulsion, vivaient au jour le jour. Beaucoup sont arrivés en octobre 2014 du camp de réfugiés de Tindouf en Algérie, certains disent être à Bordeaux depuis deux ans.

« Solution de bricolage »

La préfecture a proposé de reloger les demandeurs d’asiles pour quelques jours dans des villes de la région. L’après-midi même, les personnes ayant refusé de quitter les lieux ont trouvé refuge à quelques mètres de leur ancien squat.

Vingt-deux personnes ont accepté d’être relogées pendant quatre jours. Elles ont été emmenées dans des bus affrétés par la préfecture, dans le nord du Médoc, à Naujac-sur-mer. A peine arrivés sur les lieux, et malgré des mobile-homes mis à leur disposition dans un camping, de nombreux réfugiés ont demandé à revenir à Bordeaux. Ils ne s’attendaient pas à être transportés si loin.

« L’intégralité du suivi des demandeurs d’asile se fait à Bordeaux, il faut donc qu’ils puissent y rester pendant toute la durée de leurs démarches. D’autant plus qu’après quatre jours, ils doivent se débrouiller. On est dans une solution de bricolage », fustige Jean-Claude Guicheney, président de la Ligue des droits de l’Homme Gironde.

Quatre personnes à la santé fragile ont fait l’objet d’un traitement plus approprié et ont été relogées dans des appartements. Lors d’un point presse lundi après-midi, le préfet Pierre Dartout s’est par ailleurs engagé à ce que les familles soient prioritaires dans l’attribution d’hébergement plus pérennes :

« Je m’engage à ce qu’il n’y ait pas d’enfant qui passe la nuit dehors et que des dispositions soient prises pour les accueillir. »

Plus de 80 Sahraouis ont décidé de rester à proximité de leur camp détruit, sous le pont Saint-Jean. (ML/Rue89 Bordeaux)

Toujours pas de solution pérenne

Jean-Claude Guicheney a été reçu en fin de matinée par le secrétaire général de la préfecture. L’association regrette de longue date que malgré l’afflux de demandeurs d’asile qui dure depuis plusieurs mois, la préfecture ne soit pas en mesure de proposer davantage de solutions pérennes.

« Nous demandons la mise en place de solutions alternatives au placement temporaire en hôtels. Il faut une stabilisation physique et psychologique pour ces personnes, qui doivent gérer leur situation administrative à Bordeaux sans se demander tous les jours s’ils seront là demain. »

En mars dernier, les Sahraouis avaient été abrités, temporairement, dans le gymnase Tiers car le bidonville risquait d’être inondé.

Sur la centaine de personnes, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a reconnu le statut de réfugiés à douze Sahraouis. Les autres sont soit en attente de réponse, soit ont introduit un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) car leur demande n’a pas abouti.

Les habitants se mobilisent

« On est réfugiés, on n’embête personne. On ne comprend pas pourquoi la population bordelaise se mobilise mais pas les autorités », regrette Najim, qui vient d’obtenir une carte de résident.

Siham, une jeune habitante du quartier a créé un groupe sur Facebook avec une amie pour coordonner l’aide aux réfugiés. Les habitants de l’agglomération donnent boissons, denrées alimentaires et des produits d’hygiène.

« De mon côté, je récolte les choses des gens qui ne sont pas véhiculés, sinon les gens apportent ce qu’ils veulent sur place. Grâce à ça, on arrive à faire manger une centaine de personnes tous les jours », explique Siham.

Pour ce qui est de l’hygiène, les réfugiés vont prendre des douches chez les habitants du quartier. La ligue des Droits de l’Homme parle d’une « véritable défaillance de l’État » :

« L’État est tenu d’assurer l’accueil des demandeurs d’asile. C’est scandaleux que ce soit aux citoyens de prendre le relais. »

« La France, c’est un enfer »

Mohamed Fadel, mécanicien de métier, a fait ses études en Algérie. Originaire de Laâyoune, grande ville du Sahara occidental administrée par le Maroc, il a quitté le campement de réfugiés El Aaiún, qui regroupe les personnes venant de sa ville à Tindouf, en Algérie.

« Ma terre est occupée, j’ai voulu partir pour trouver du travail. Dans les campements de réfugiés d’où on vient, la France est vue comme un paradis, mais finalement quand on arrive ici, c’est un enfer », réalise-t-il.

Pour les associations, l’urgence est à la prise en charge des réfugiés restés à proximité de leur ancien camp du pont Saint-Jean. Bien que la préfecture affirme que « les occupants ont pu récupérer leurs affaires personnelles avant de quitter les lieux », beaucoup disent avoir laissé leurs habits, matelas, vélos, couvertures ou encore bouteilles de gaz.

« On va faire jouer la solidarité, il devrait y avoir une réimplantation du camp d’ici ce soir », espère Jean-Claude Guicheney.

Morgan Garcia, coordinateur de la « Mission squats » pour Médecins du monde à Bordeaux, dit également avoir acheté des tentes. La chaleur attendue ces prochains jours risque de compliquer encore un peu plus les conditions de vie sous le pont Saint-Jean.


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