« Il faut prendre conscience qui si on n’anticipe pas collectivement la multiplication des canicules, les gens vont s’adapter : ils se baigneront dans les fontaines et pataugeront dans le miroir d’eau ou, de façon plus gênante, ils vont climatiser leur logement ou leur voiture. Le problème, c’est que ces ilots de fraicheur dans l’espace privé rejettent de la chaleur dans l’espace public, et contribuent à augmenter davantage encore la température en ville. »
1 – Bannir l’urbanisme minéral
« Des projets urbanistiques très intéressants tiennent compte de la question des ilots de chaleur, en adoptant une approche bioclimatique. Malheureusement, on voit encore dans la métropole bordelaise sortir de terre des espaces très minéraux, sans arbre ni protection solaire.
Les zones d’activité, qu’elle soit commerciale ou industrielle, sont ainsi les points chauds des villes : les parkings pas ombragés peuvent monter rapidement à une température de plus de 60°, et presque 70° sur les vastes toitures plates des bâtiments, généralement bitumées, donc pourvues d’un matériau foncé qui fait monter la température. La réglementation évolue, avec l’obligation de végétaliser les toitures de zones commerciales neuves.
En revanche, et c’est ce qui m’interpelle le plus, on continue à choisir la couleur des bâtiments sans souci d’adéquation avec le climat : à Bordeaux, on sait qu’on peut atteindre 41° Celsius, et pourtant on voit construire à Ginko ou aux Bassins à flot des immeubles noirs… Cela me surprend un peu. De même, on sait faire du BBC, mais on oublie les protections solaires sur les bâtiments orientés plein sud. »
2 – Verdir la ville
« On n’a heureusement plus tendance comme il y a 10 ou 15 ans à abattre les arbres en ville, et nous devons nous assurer que les places arborées soient maintenues et étoffées. Une rue ou une place ombragée, comme les Quinconces, offrent plusieurs degrés de moins que les alentours.
On peut imaginer diverses façons de faire de l’ombre, avec des voiles blanches amovibles sur des mats, par exemple. Mais si cela coute de l’argent de planter, d’arroser et d’entretenir un arbre, c’est l’outil contre les ilots de chaleur le moins cher et le plus rentable. Au Québec où des travaux on été réalisé sur le sujet, on estime que pour 1 dollar investi, un arbre en rend 5 à 6 de services rendus : il dépollue l’air, apporte de l’ombre, stocke le carbone…
Les services de la métropole et de la ville de bordeaux ont conscience que c’est ce vers quoi il faut tendre. En revanche, les citoyens n’ont pas toujours envie d’avoir des feuilles ou de la résine sur leurs voitures. On doit parfois mener un travail pédagogique d’acceptation de l’arbre et de ses nuisances.
Inversement, on voit des initiatives spontanées de citoyens, comme les habitants de la rue Montfaucon qui ont installé des jardinières dans leurs rues, ou plus encadrées, comme dans la rue Kléber (NDLR : la mairie a édité une charte à l’attention des Bordelais qui voudraient se lancer dans ce projet, et peut fournir des plantes adéquates).
Les jardins partagés sont aussi dans cette envie de retour de la nature en ville. Il faut toutefois veiller à ne pas faire n’importe quoi pour que ça ne provoque pas de rejet. »
3 – Sortir les esteys des canalisations
« Il faut s’appuyer sur les ilots de fraicheur urbains qui fonctionnent : les berges de Garonne, les coteaux, le miroir d’eau… Celui-ci n’a pas été conçu comme un îlot de fraîcheur mais il en est devenu un (l’architecte des quais, Michel Corajoud, l’avait créé pour sublimer la place de la Bourse, et voyant que son usage était détourné, avait demandé que son accès soit interdit, NDLR).
Les équipements comme les fontaines, les brumisateurs, et pourquoi pas d’autres miroirs d’eau pourraient être multipliés. On pourrait aussi envisager débuser certains cours d’eau qui traversent la métropole. Cela a été fait récemment au centre commercial des Rives d’Arcins, à Bègles, où un estey de l’Eau Bourde a été remis à l’air libre.
On gagne à plusieurs niveaux : en retrouvant de l’eau en ville on recrée un ilot de fraicheur, mais aussi un corridor écologique, un espace de biodiversité. 5 ou 6 cours d’eau traversent ainsi Bordeaux, comme la Devèze ou le Peugue. Cela améliore le confort de la ville : le fait d’avoir récupéré l’accès au fleuve a apporté de la fraîcheur dans les vieux quartiers. »
4 – Créer des plages sur le lac et la Garonne
« Paris vient de communiquer sur son plan piscines, et l’idée d’installer une piscine flottante sur la Garonne revient régulièrement chez nous. Mais moi je crois beaucoup à Bègles plage ou à Bordeaux lac. Beaucoup de Bordelais ne mesurent pas le confort énorme par rapport à d’autres villes qui n’ont pas accès à un lieu de baignade comme leur lac, à portée de tram. Il permet à des populations qui ont pas les moyens de se déplacer de profiter d’un super espace de rafraichissement sans se taper deux heures de bouchon le dimanche soir.
Le coût d’aménagement des berges et de la surveillance limite l’extension de la plage, mais nul doute que la question va se poser si l’affluence explose. Et puis il n’est pas utopique de dire qu’on se baignera un jour dans la Garonne. Certes, elle est trouble et ses courants sont dangereux. Mais après tout on se baigne bien dans l’estuaire à Royan, certains surfent sur le mascaret, d’autres traversent le fleuve à la nage pour une course, et ils ont survécu ! »
Chargement des commentaires…