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Musicalarue : les rockers bordelais mouillent le maillot

Le 15 août, c’est le temps des pèlerinages. Pour les amateurs de musique et d’arts de rue, c’est à Luxey qu’il fallait être. La 26e édition de Musicalarue a donné un aperçu de la bonne santé du rock bordelais.

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Dätcha Mandala fait le show à l'Espace Pin (Photo : Dominique Clère)

The Hyenes (Photo : Dominique Clère)
The Hyènes (DC/Rue89 Bordeaux)

Depuis Bordeaux, il ne faut qu’une heure de route, pour se rendre dans le patelin landais. Pas étonnant que depuis les origines – rappelées dans le documentaire « Que ta volonté soit fête » – y descendent des foules de Gironde.

Et cette année, la scène bordelaise était présente en masse ! Jugez donc : The Hyènes, Dätcha Mandala, Sofian Mustang, Tample, Opsa Dehëli, l’orchestre du JOSEM et Metisolea’, pour un panorama de ce qui se fait de mieux près de la Garonne.

Émotion et éclectisme au rendez-vous

Les plus jeunes de ces groupes ont découvert Luxey avec les Plateaux Musicalarue de mai, où ils ont gagné le droit de jouer pendant le festival. Tous décrivent une expérience unique, et un festival atypique.

« T’es dans un authentique village, perdu dans les Landes, et tu le sens indique Alexandre de Sofian Mustang. Il y a du monde, des scènes partout… Tu déambules dans les rues, et tu imagines le même village au mois de janvier. C’est un sentiment cool, presque émouvant.

C’est un festival éclectique, voire bordélique (Ez3kiel et Fréro Delavega, tu crois qu’ils ont bu un coup ensemble en parlant compo dans les loges ?), mais une ambiance vraiment chouette.

Un moment qui résume bien tout ça : Gérard Baste faisant ses balances en chantant “Suce-moi la bite sur cet air funky”… Juste à côté, t’avais un petit vieux qui écoutait ça, planqué derrière la porte de sa petite baraque, cernée par tout ce bordel. Je ne sais pas trop ce qu’il en pensait, il était impassible. L’habitude sûrement ! »

Le rock bordelais est un petit village

Denis Barthe, le batteur de The Hyènes et ex de Noir Désir, vient en voisin – il vit à quelques kilomètres de Luxey. Que ce soit sur la scène pour la 4e fois cette année, où dans le public, le passage à Musicalarue est systématique depuis 20 ans.

« C’est une institution. Chaque année François (NDLR : François Garrain le directeur de l’association Musicalarue), nous propose de faire un truc. On est intégrés à l’histoire du festival. »

Denis Barthe toujours aux fûts avec The Hyènes (DC/Rue89 Bordeaux)

Les autres groupes bordelais, les Hyènes les connaissent tous. Depuis leurs 30 ans de vécu, ils jugent positivement la nouvelle scène, toujours rock mais plus variée :

« Il y a eu un moment où c’était un peu chiant, note Vincent Bosler le guitariste de The Hyènes. C’était très très pointu avec la musik polizei pour voir si t’allais faire un truc pas dans les clous. Y’avait rien qui dépassait. Maintenant c’est plus frais, avec des trucs sympas qui en ressortent. »

Des groupes qui mouillent le T-Shirt

Les Dätcha Mandala, par exemple, à propose desquels les autres groupes bordelais sont unanimes : ils mettent une bonne beigne à tout le monde.

Dätcha Mandala fait le show à l’Espace Pin (DC/Rue89 Bordeaux)

Programmés en intérieur à l’espace Pin, leur rock psychédélique résonne sur les vieilles poutres de l’enceinte. Ça sent la sueur dans le public. Sur la scène, les musiciens sautent dans tous les sens, et placent des accords qui hument les seventies : c’est bien la claque promise.

Et les autres groupes bordelais sont au diapason. Tample balance sa pop entraînante avec talent, quand Sofian Mustang se donne sur scène avec son folk mâtiné de sonorités cuivrées.

« Ce qui est intéressant, estime Denis Barthe, c’est la démarche des groupes : si on en entend parler, c’est qu’ils jouent bien. Mais c’est aussi qu’il y a un vrai projet, et qu’ils mouillent le T-Shirt. Ça nourrit vachement de voir d’autres groupes qui te talonnent. »

« Rien de plus intense, à part du foot avec des crevettes »

Ce que tous ces groupes partagent ? Leur amour de la scène qui donne à leur musique une sincérité et une efficacité diabolique. Sofian Mustang créé une ambiance, leur enthousiasme se communique au public :

« Faire vivre la musique qu’on a écrite, sur scène avec les copains, est un pur bonheur, assure Alexandre de Sofian Mustang. Je ne connais rien de plus intense en termes de sensations et d’émotions. À part mater un match de foot en mangeant des crevettes. Notre musique est faite pour être maltraitée et bordélisée sur scène. »

Même si elle « a la trouille avant chaque concert » et se demande « ce qu’elle fout là », Élodie, la chanteuse est du même avis :

« Sur scène, y a un truc se passe, qui ne peut se passer que là, à cette place. Je vis avec les copains des moments forts. Les gens devant nous qui me faisaient flipper juste avant, finissent par devenir des copains. Et puis après, au moment où on est tous des copains, nous on siffle, eux ils font “ouaiiiis”, et quand on a de la chance ils sifflent avec nous, et là on est transportés ! »

Alexandre de Sofian Mustang envoie du son (DC/Rue89 Bordeaux)

Même constat pour les Dätcha Mandala :

« La scène c’est là où ça vit, on essaye de s’éclater à chaque fois qu’on monte sur scène, alors que le studio c’est plus un travail de dépassement de soi. »

Cette scène bordelaise riche peut émerger grâce aux structures qui accueillent ces groupes, comme la Rock School Barbey, qui accompagne Tample, mais aussi tout simplement l’entraide. Olivier Mathios, le bassiste de The Hyènes a par exemple, accompagné Tample le temps d’une tournée.

Une scène devenue pop ?

C’est cependant une scène qui reste fragile. Au premier rang des menaces, celles qui pèsent sur la vie nocturne et les salles de concert sur Bordeaux : le Saint-Ex a fermé, le Bootleg et l’I-Boat ont du subir des fermetures administratives. Des problèmes qui surprennent toujours Denis Barthe :

« Quand tu viens t’installer à coté d’une poissonnerie, tu sais que ça sent le poisson. Il y a des volontés de faire fermer ces endroits. il y a nuisance oui, mais comme une usine, une poissonnerie… Je vais me fâcher avec tous les poissonniers avec tes histoires ! (rires) »

JB, de Dätcha Mandala, met aussi en question les choix faits par les SMAC (scènes de musiques actuelles) de l’agglomération bordelaise :

« La scène bordelaise est moins orientée rock qu’avant. Les décisionnaires des SMAC soutiennent principalement des groupes pop, considérés plus “in”, avec un son orienté commercial. »

La scène rock locale se tournerait-elle ainsi vers la pop ? Pas sûr… Les groupes bordelais présents à Luxey ont montré sur scène que l’esprit rock était bien là, et qu’il y avait encore des clients pour faire grincer les guitares !

Et il y reste encore sur Bordeaux suffisamment de structures de qualité pour accueillir les artistes. Le Bootleg qui « pue la sueur », comme l’indique Denis Barthe, est toujours là, et le Rocher qui « pue le béton ciré » est bien présent pour proposer une offre large et hétéroclite.

L’émulation entre les différents groupes, et les rencontres les enrichissent. Il reste aux nouveaux venus à construire leur histoire. Pour Olivier Mathios de The Hyènes, « ils ont les clés en main pour vivre une belle aventure… ». À Luxey ils ont su conquérir de nouveaux fans.


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