Malgré la pluie qui a couvert de boue la seconde journée, les spectateurs étaient au rendez-vous, pour une programmation plus serrée, budget oblige, mais de qualité. Entre vétérans de la scène reggae et groupes émergents, la programmation a conquis les festivaliers, jusqu’au dimanche, et à la fougue de Jimmy Cliff, encore fringuant à 67 balais.
Vendredi soir jouait Sinsémilia, groupe historique de la scène ska reggae française, 25 ans de carrière déjà. Avec leur nouvel album « Un autre monde est possible », ils sont venus porter l’espoir au Reggae Sun Ska. Rencontre avec Mike, le chanteur du groupe, auteur de la majorité des textes.
Mike, vous êtes de retour au Reggae Sun Ska, c’est un plaisir de jouer ici ?
C’est la 3e fois qu’on vient et c’est toujours un plaisir. On aime beaucoup l’équipe du Reggae Sun Ska. On avait joué pour la première édition, il y a 18 ans. À l’époque c’était un tout petit festival, trois groupes dans une petite salle, on y était !
Un festival comme le Sun Ska, ça veut dire qu’on va se faire plaisir musicalement à aller voir les autres groupes et croiser plein de potes… Ici on se sent bien, on connait tout le monde.
Vous montez encore sur scène avec plaisir ?
Grave ! Chez Sinsé, le seul vrai moteur c’est le plaisir. Plus que quand on était jeune. On a fait le tour de tellement de chose qu’on est encore là parce qu’on a plaisir à le faire.
Plaisir en studio, immense plaisir à être sur scène, à monter dans le bus entre deux dates. On ressent du plaisir à vivre ensemble.
Cette 18e édition est la seconde sur le campus bordelais. L’an passé il y avait eu beaucoup de réticences de la part des spectateurs, à changer d’implantation…
C’est différent évidemment de la scène dans le Médoc. Il y a une telle difficulté à créer des événements aujourd’hui, surtout de faire un festival reggae en France qui tienne la route, que je n’ai pas envie de voir les mauvais aspects. Ça me fait de la peine de voir des gens qui se plaignent que le festival ne soit plus dans le Médoc.
Quand je vois au Reggae Sun Ska l’équipe de passionnés, j’ai envie de leur dire qu’ils se battent pour que le festival continue d’exister.
Vous faites un effort pour venir ?
On fait toujours en fonction des moyens des festivals, de ce qui est possible pour eux, ce qui est cohérent pour nous. Ça coulait de source de venir.
C’est pas pour rien que ça fait 25 ans qu’on fait de la musique, on a le respect des gens qui nous permettent de jouer. On est en partenariat avec ces gens là, on doit pas venir gratter, mais faire en sorte que ça se passe bien pour tous.
Quand t’as un artiste qui est là pour deux ans, tu vas avoir un producteur qui va avoir tendance à vouloir gratter. Nous on n’en a pas, on s’autoproduit.
25 ans d’existence pour Sinsémilia, vous faites partie des références de la scène reggae française. Quelles relations entretenez-vous avec la nouvelle scène ?
On entretient de très bonnes relations avec beaucoup d’artistes. Ils nous appellent les grands frères quand ils veulent être sympa… et les papys quand ils ont envie de nous chambrer, mais ça va, c’est des potes !
Sur le dernier album de Sinsé, on a eu plaisir à réunir sur le même morceau Naâman, Balik de Danakil, Yaniss Odua. On se sent proches d’eux humainement. On voit pas mal de groupes qui construisent leur histoire comme nous, par la scène.
Vous avez conscience de représenter une référence pour les groupes actuels ?
On l’est plus pour la génération après nous, comme Danakil qui ont commencé grâce à Sinsé. La nouvelle génération nous a connu avec « Tout le bonheur du monde« , ce n’est pas ça qui leur a donné le déclic pour le reggae.
C’est le genre de choses auxquelles j’essaie de ne pas trop penser, ça me rappelle qu’on vieillit (rire) !
En 1998, vous sortiez l’album « Résistances ». Cette année « Un autre monde est possible ». Le message est plus positif en 2015 alors que la situation semble plus dure. N’y a-t-il pas une contradiction ?
Ce n’est pas une contradiction, c’est une volonté. J’aime bien la comparaison avec « Résistances », on replonge dans l’esprit de cet album sur beaucoup de points.
On trouve la période beaucoup plus sombre qu’en 1998, où on était jeune, et on avait senti cette envie de résistance. Sans nier ce qui se passe, on a voulu mettre en valeur les quelques lueurs d’espoir. Ce qu’on vit aujourd’hui n’est pas une fatalité, les changements sont possibles, c’est ce qu’on voulait célébrer, l’espoir.
On a le droit d’être inquiets… Désespérés, on refuse de l’être !
Des mouvements de résistances se développent en France et dans le monde, est-ce quelque chose qui vous rassure ?
Je ne sais pas si je peux dire « rassurer », mais ça nous conforte dans l’espoir que les générations à venir feront ce que l’on n’a pas su faire. J’ai le droit d’y croire, et je vois de petits signes qui me donnent de l’espoir au quotidien. J’en vois plein qui donnent de l’inquiétude, mais je vois aussi les autres. Il faut regarder avec lucidité des deux côtés.
Chaque initiative qui va dans le bon sens, m’encourage. On est aussi pères de famille, on a envie que nos gamins grandissent dans un monde pas trop pourri.
Sinsémilia ne s’est pas résigné ?
Bizarrement, j’étais plus résigné à l’époque de « Résistances ». La dernière phrase de l’album, c’était « pour dire vrai et pour conclure, j’ai vraiment peur pour notre futur ». C’était le cas, et j’avais raison d’avoir peur.
Dans les petits rôles qu’on a à jouer, il y a celui de souligner les raisons d’y croire. C’est un rôle qu’on veut tenir. Pas de façon béate, car on voit bien le merdier dans lequel on est. Mais on se doit de continuer à résister, combattre la sinistrose, et de dire qu’on peut améliorer les choses.
On a gardé un côté contestataire, on sait pas faire autrement. C’est ce qu’on est !
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