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Visite surprise (4) : à Lormont, un musée national au chevet de la Sécu

Née en 1945, la sécurité sociale fête cette année ses 70 ans, l’occasion de visiter le Musée national de l’assurance maladie. Situé sur les hauteurs de Lormont, celui-ci retrace depuis 25 ans l’histoire de la jeune septuagénaire.

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Visite surprise (4) : à Lormont, un musée national au chevet de la Sécu

Château des Lauriers (Photo du musée)
Château des Lauriers (Photo du musée)

C’est au 1er étage du château des Lauriers, bâti au XIXe siècle, que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie a installé son musée, géré par le comité aquitain d’histoire de la sécurité sociale. En effet, après s’être portée acquéreur du château en 1948 pour y installer une maison de repos et de convalescence pour femmes, la caisse primaire centrale de la sécurité sociale le juge finalement inadapté à la dispense des soins et le réaménage en musée en 1989.

Un nom trompeur

Les 9 salles reconstituent l’histoire de la protection sociale depuis l’Antiquité avec en début de visite une stèle funéraire du Ier siècle témoignant de l’entraide de compagnons d’esclavages qui ont payé les funérailles de l’un d’entre eux à Rome. Des mannequins en plastique portant les tenues d’époque des hôtesses d’accueil de la sécurité sociale ainsi que de nombreuses photos ornent les couloirs. L’exposé du guide se fait sur les 4 premières salles, le reste étant en visite libre.

La première salle présente les prémices de la Sécu, l’entraide communautaire dans les foyers de solidarité, et la philanthropie. On s’arrête sur un acteur bordelais de l’action sociale, Daniel Iffla-Osiris, considéré comme le fondateur de l’ancêtre des restaurants du coeur avec son « bateau-soupe », ou encore les sociétés de secours mutuel dont des bannières sont exposées. Tout ceci est illustré par des lettres, des ordonnances royales, des médailles d’époque…

« Le nom du musée est trompeur car en réalité il retrace l’histoire de la sécurité sociale dans toute sa globalité, celle-ci s’est créée en 1945 dans un certain contexte mais la solidarité existait déjà bien avant », relève Emmanuelle Saujeon-Roque, sa directrice.

Sur les modèles allemand et anglais

Les autres salles reviennent sur les premières législations dans le contexte de la révolution industrielle. Les entreprises apparaissent comme responsables de la multiplication des accidents du travail, c’est donc aux employeurs d’en assumer les conséquences.

Vient alors l’exemple allemand avec le chancelier Bismarck qui, pour couper l’herbe sous le pied du mouvement socialiste, développe des politiques sociales : il crée l’assurance professionnelle obligatoire, alimentée par des cotisations sur les revenus de travail et gérée par des caisses privées.

Le modèle est alors vite imité en Europe. En Angleterre, dans les années 1940, Churchill commande un rapport sur les conditions sociales du pays investigué par Beveridge, un économiste, il donnera lieu a un plan homonyme avec 3 principes phares, l’universalité des bénéficiaires, l’unicité de gestion et l’uniformité des prestations.

La France, en retard, s’inspire de ces deux modèles à l’initiative de Pierre Laroque. Ce haut fonctionnaire chargé du dossier par le conseil national de la Résistance, il est considéré comme le « père de la sécurité sociale ». On voit ensuite l’évolution de cette nouvelle institution jusqu’à ses actions actuelles, notamment de prévention avec les affiches telles que « pas d’hésitation, vaccination ! » que l’on a l’habitude de retrouver dans les salles d’attente des médecins. Une visite riche d’une heure et demie.

Salle 3 : reconstitution d’un centre de paiement (Photo du musée)

Téléphone à cadran et machines à écrire

Mais c’est la 3e salle que préfèrent les visiteurs : elle reconstitue un centre de paiement des années 1950 avec le matériel d’époque, l’occasion pour les plus jeunes de découvrir de quasi antiquités telles que le téléphone à cadran et autres machines à écrire. La directrice a même pour habitude de proposer un jeu de rôle et en profite pour faire un focus sur les conditions de travail des agents d’hier et d’aujourd’hui.

La salle 6 a un goût de nostalgie pour les anciens travailleurs du secteur puisqu’elle expose les différents matériels utilisés au cours de l’histoire de la Sécurité sociale et leurs évolutions avec l’arrivée de l’informatique.

La majorité des archives ont été et sont recueillies grâce aux dons, mais la directrice continue la prospection notamment sur Ebay, ces archives constituent un support essentiel car elles illustrent le discours du guide et parlent ainsi aux visiteurs. Paradoxe, c’est sur la période la plus récente que le musée est en manque.

« Il y a certaines périodes pour lesquelles j’arrête les recherches, par exemple des médailles des unions et sociétés des XVIIIe et XIXe siècles j’en ai plein, c’est sur la période de 1945 que j’ai du mal à trouver des documents. »

Une bibliothèque est aussi à disposition, fréquentée surtout par chercheurs et étudiants. En avril, le colloque « Penser la protection sociale : perspectives historiques et contemporaines » a été organisé en partenariat avec l’Université de Bordeaux, permettant à la directrice de renouer avec ses premiers amours, le monde universitaire.

Transmettre des valeurs

Emmanuelle Saujeon-Roque s’est donné pour mission de transmettre les valeurs de la sécurité sociale et de se montrer optimiste :

« Surtout je donne les chiffres, les gens ont les informations de manière incomplète, ils confondent le déficit annuel avec le fameux trou de la sécurité sociale, j’essaie de finir sur une note positive. »

En effet si ce déficit annuel affiche son plus mauvais score en 2010, celui-ci a tendance à s’améliorer depuis, des graphiques ludiques sont affichés dans la salle 5 non sans une note d’humour, des caricatures sur le « trou de la sécu » y étant juxtaposées. L’idée est en effet de se battre contre les idées reçues.

« J’essaie de remettre les choses à leur place, de parler de conjoncture, de vieillissement de la population, du coût élevé des soins, je rappelle que les Français sont de gros consommateurs de médicaments, que ce système n’a pas vocation à faire des bénéfices, que la couverture maladie universelle (CMU) est le principe par excellence de la solidarité. »

Pas évident de se battre contre un pessimisme et une méfiance ambiante alors même que ce système nous est beaucoup envié dans d’autres pays, pour elle il faut donc soutenir ce système d’assurance et d’assistance :

« Il est fragilisé par les abus mais aussi par ce qu’on en dit. »

Ceci passe alors par une sensibilisation des jeunes à ses valeurs, la directrice rappelle les mots initiateurs de Pierre Laroque :

« Supprimer la hantise du lendemain. »

70 ans : une occasion de renouer avec la jeune génération.

Un système qui s’apprête justement à fêter ses 70 ans en octobre prochain, le musée sera au centre des animations de la région et un web documentaire est en cours de préparation pour septembre. Le ministère a laissé pour recommandation de se tourner vers la jeunesse, un jeu-concours de niveau national a donc été organisé pour ces derniers durant l’année scolaire.

La directrice cherche également à développer les visites pour les plus jeunes, la solidarité figurant dans les programmes des classes de CM2 et 5e, des visites contées sont développées en partenariat avec une troupe de théâtre.  Enfin, une équipe de la sécurité sociale sera présente à la Bordelaise, cette course féminine dans les rues de Bordeaux, mais Emmanuelle Saujeon-Roque ne pourra en être, journée du patrimoine oblige !

Un musée atypique, souvent qualifié de « militant » dans la presse, porté seulement par sa directrice et sa secrétaire, on comprendra donc que le musée soit fermé du 27 juillet au 21 août.

Infos pratiques

  • Musée national de l’Assurance maladie : 10, Route de Carbon Blanc 33310 Lormont- Site internet
  • Ouvert du lundi au vendredi de 9h à 18h
  • Entrée libre – Durée de la visite environ 1h30
  • Visite guidée pour minimum 5 personnes sinon mise à disposition de guides papiers et audioguides

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