9h30, place Pey Berland. La cafetière de Pôle Emploi tourne à plein régime pour accueillir les quelques dizaines de recruteurs présents pour ce forum de l’emploi.
Tentes individuelles, tables, chaises, petites bouteilles d’eau ; la panoplie complète du recruteur est prête. C’est parti ! Sous mon auvent, je reçois les candidats à la chaine, sans réelle présélection. Mon questionnaire initial se voit raccourci tant la file d’attente grossit :
« Bonjour. Merci pour votre patience… Vous avez votre CV ? »
Je repère un visage au hasard au bout de la queue ; il mettra une heure et vingt minutes avant de s’assoir face à moi. Entre temps, j’ai vu des personnes défiler, avec leurs cortèges de misère parfois, de vies cabossées souvent, et d’espoir… tout le temps.
La journée va être longue pour ceux qui veulent postuler à plusieurs stands.
Mes phrases s’enchainent, mécaniques. Ritournelle bien rodée à force de répétitions. Les heures défilent et pas mal d’a priori volent en éclats.
L’indécence politique
Milieu d’après midi, un peu de brouhaha : un petit groupe passe entre les tentes et les files suivi de quelques photographes sous le nez des postulants. Un politicien tout sourire vient se montrer.
Indécent.
« Prends ma place 5 minutes Guignol, et viens écouter ces gamins qui galèrent et viennent parfois jusqu’à quêter un job à 25 heures par semaines avec des bacs +2 ou +4.
Viens écouter ces femmes qui se retrouvent seules sans rien avec des gosses et vendent avec beaucoup de dignité leur maigres expériences pour “un emploi, n’importe lequel mais du travail”.
Viens écouter ces jeunes qui arrêtent leurs études, parce qu’ils n’ont plus les moyens de les continuer.
Viens patienter une heure dans une file en espérant que le mec au bout de la ligne te trouve bien et te donne ta chance…
Je verrai alors si tu continues à sourire ! »
Les chiffres du chômage tombent
17h30. On informe les candidats de que c’est fini. Certains patientaient depuis un bon moment juste pour ces quelques minutes face à moi… On me donnera leurs CV. Dommage.
Hier, j’ai croisé avec trop peu de temps, beaucoup de belles personnes. Toutes différentes, avec des parcours inégaux certes, mais animées par la même envie d’avancer. Bien loin les convictions sur les gens qui ne veulent rien foutre et vivre d’assistanat, j’ai vu des gens debout, malgré leurs difficultés.
Je pense à ma journée de demain. 4 personnes recevront un appel téléphonique pour un deuxième entretien. 49 autres recevront un mail pour une autre file d’attente.
20h. Le journal annonce les chiffres du chômage pour le mois d’août. 20 000 chômeurs de plus. Les files n’ont pas fini de s’allonger.
Franck Neuvillers
Chef d’entreprise et propriétaire de franchises de grandes enseignes
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