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Mobilité : comment faire bouger Bordeaux Métropole ?

Depuis mercredi, c’est la semaine européenne de la mobilité, qui promeut les alternatives à l’ « autosolisme ». Mais peu d’actions se déroulent à Bordeaux, malgré une place de la voiture toujours prépondérante dans les transports. Ce ne sont pourtant pas les idées qui manquent.

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Mobilité : comment faire bouger Bordeaux Métropole ?

A la porte de Bourgogne (SB/Rue89 Bordeaux)
A la porte de Bourgogne (SB/Rue89 Bordeaux)

C’est Bordeaux Métropole elle même qui le reconnaît :

« En dépit des investissements structurants réalisés [par la collectivité] (tramway, bus, pistes cyclables…), la voiture continue de se tailler la part du lion dans l’organisation des déplacements : 59 % contre 11 % pour les transports en commun, 4 % pour le vélo, 24 % pour la marche à pied (source enquête ménage 2009). »

Corollaires habituels : des embouteillages monstres dans une agglo parmi les plus motorisées de France (1,25 voiture par ménage, contre 1,06 à Lyon ou 1,02 à Lille), un impact sur la qualité de l’air et la convivialité, et surtout une place prépondérante des transports (derrière le bâtiment) dans la contribution du territoire au changement climatique : le secteur représente 26% des émissions de gaz à effet de serre de la métropole, dont 61% dues aux véhicules particuliers.

Si le tramway a toutefois permis de « réduire de 30 % la circulation automobile dans le centre de Bordeaux, entre 2002 et 2012 », l’extension du réseau a pour l’instant peu d’effet sur le trafic dans l’agglo. Comment agir désormais ? Plusieurs responsables politiques, entreprises et associations d’usagers des transports lancent des initiatives ou font des propositions. Inventaire.

1 – L’ « appli culture » mobile bordelaise

Tout un symbole : les nouveautés annoncées lundi dernier par les vice-présidents de Bordeaux Métropole en charge des transports sont conçues avec (ou par) des start-up privées, et s’appuient sur le numérique. Trois applications mobiles sont ainsi lancées sur l’agglo.

Destinée à favoriser les réseaux locaux de covoiturage, Ecoweego se veut une sorte de BlablaCar des trajets quotidiens. Objectif : lutter contre l’ « autosolisme » – le commissariat général au développement durable (CGDD) constate qu’au moins 90% des aller-retours domicile-travail sont réalisés par « un individu voyageant seul ».

Fait piquant : la cofondatrice est Caroline Guerin-Pigeon, dirigeante du concessionnaire automobile de Bruges au nom de volatile… Contradictoire ? Non, répond-elle, complémentaire :

« Le covoiturage, c’est le sens de l’histoire : il y aura moins de gens propriétaires de leur véhicule car leur pouvoir d’achat baisse, et ils quantifient encore très mal le coût réel d’une voiture. Entre les problèmes de trafic et de stationnement, le coût est aussi énorme pour la collectivité. Mais qu’on le veuille ou non, nous aurons toujours besoin de voitures car les transports en commun ne peuvent pas aller partout. La question est d’inventer des outils qui permettent d’en optimiser l’usage. »

Actuellement expérimenté par une centaine de partenaires du Cercle des entreprises de Bordeaux, ainsi qu’à la Caisse des dépôts et consignation, Ecoweego veut mettre en relation des salariés qui souhaitent covoiturer. Grâce à un système de géolocalisation, les personnes inscrites peuvent visualiser en temps réel tous les passagers et conducteurs inscrits sur l’application ou dans leur communauté de confiance (réseaux de voisinage, d’entreprises…). L’échange de service peut ou non donner lieu à une rétribution.

Caroline Guerin-Pigeon et son partenaire de la start up Ecoweego (SB/Rue89 Bordeaux)

Bordeaux Métropole compte encourager le déploiement de cette application auprès des entreprises impliquées dans les démarches PDE (Plan de Déplacements d’Entreprises), qui concernent actuellement 40000 salariés dans la métropole.

Sans ma voiture

La collectivité est aussi partenaire d’une autre application mobile, Zaleo. Celle-ci est portée par un consortium d’entreprises (dont les assurances MAIF et le site d’autopartage Koolicar) réunies au sein du projet AUDACE (accélérer et unir les offres de déplacements en autopartage, covoiturage et véhicules électriques), piloté par l’Ademe, et financé par les Investissements d’avenir.

Ce nouvel outil numérique vise à élaborer des itinéraires d’un point A à un point B en ayant exclusivement recours à des transports alternatifs comme l’autopartage, le covoiturage, les transports en commun, ou encore le vélo…

Pour la tester dans des conditions réelles, une expérience inédite va se dérouler à Bordeaux et à Niort, Sans ma voiture : 70 volontaires sont invités à se priver de leur voiture pendant deux mois, en échange de la gratuité des transports publics, de l’abonnement offert à Bluecub, et de 50 euros de crédit chez Citiz et Koolicar.

Pour ne pas tourner en rond en voiture

Pour ceux qui ne peuvent se passer de leur voiture, l’entreprise Qcit, à l’origine de l’appli Vcub Predict, vient de sortir une autre application prédictive, disponible sur Androïd et iOS, « Citypark ». Son objectif, « fluidifier le trafic auto » :

« 20 à 30% du temps passé à voiture est consacré à rechercher une place de stationnement explique Raphaël Cherrier, fondateur de Qcit. Grâce à des données contextuelles sur le calendrier, la météo, le remplissage des parkings en ouvrage et le partage des données de géolocalisation par les utilisateurs, Citypark permet de savoir le temps réellement nécessaire pour aller d’un point A à un point B, et s’y garer. L’appli permettra bientôt de connaitre le coût réel d’un tel déplacement. »

Ces infos doivent prouver à l’automobiliste qu’il vaut mieux aller directement à un parking payant que de tourner en rond, voire opter pour les transports en commun, le vélo ou la marche, sur tout ou partie du parcours.

Bientôt une agence des temps

Tbc a aussi développé sa nouvelle application mobile, tandis que « Bordeaux Métro Vélo », conçue par les services de Bordeaux Métropole, sera disponible sur Iphone et mobiles android, le 14 octobre prochain.

Pour agir sur les comportements, Brigitte Terraza, vice-présidente de la métropole en charge de la mobilité alternative, annonce la création prochaine d’une agence des temps. Afin de limiter les encombrements aux heures de pointe ou les déplacements inutiles, il s’agira pour la future structure d’inciter les entreprises et services publics à décaler les horaires d’embauche ou de débauche des salariés, ou de recourir aux tiers lieux et au télétravail.

2 – Reprendre du terrain aux voitures

La Fnaut Aquitaine (fédération nationale des usagers des transports) a annoncé ce mercredi la création d’une nouvelle association, Bordeaux Métropole Déplacement, fédérant plusieurs experts de la mobilité (vélo, marche…). Elle déplore le peu d’actions engagées à Bordeaux – et ailleurs – pour cette semaine de la mobilité, ou alors sur des points « cosmétiques », selon son président, Christian Boucaret.

« On sait très bien que les collectivités manquent d’argent et qu’il va falloir faire mieux avec moins. Mais des choses pourraient être corrigées sans y mettre de gros moyens. »

Miroir aux Alouettes

Plutôt que de dépenser de l’argent pour un bus sur la rocade entre l’aéroport et la gare de Pessac Alouettte, qui génèrera selon la Fnaut un déficit annuel d’un million d’euros (la rupture de charge et les 500 mètres entre les quais du train et l’arrêt du bus à Pessac Alouette sont dissuasifs, juge-t-elle), l’association préconise de faire passer un maximum de lignes dans des couloirs dédiés.

« Le futur transport en commun à haut niveau de service (TCHNS) qui doit relier Bordeaux à Saint Aubin ne sera en fait en site propre que sur 50% du trac, et ne prendra donc pas de place à l’automobile. Cela risque de ne pas être un grand succès, mais nous notons le courage de la ville de Bordeaux qui dans ce projet réserve la voirie au TCHNS dans le quartier Croix Blanche. Nous pensons que le cours de la Marne, entre la gare et la place de la Victoire, devrait aussi être dédié aux transports en commun. »

Pour la Fnaut, il faudra « avoir le courage de prendre de la place aux voitures », en particulier sur les boulevards, où ni les bus ni les vélos n’ont de voies réservées. Des aménagements qui, même limités à des pistes cyclables protégées, ne couteraient pas très cher, dans l’attente de la requalification très attendue des boulevards.

Le franchissement de la rocade est un autre point clé : l’association souhaite par exemple que la future ligne de tram entre Talence et Gradignan emprunte le même pont que les voitures, au niveau de l’échangeur 16, afin de contraindre un peu plus les automobilistes en provenance de Cestas ou Léognan.

Elle estime d’ailleurs qu’il serait légitime que ces communes non adhérentes à la métropole fassent partie d’un syndicat commun des transports, et contribuent ainsi au développement du réseau que leurs habitants travaillant à Bordeaux empruntent.

Zone à circulation restreinte

Bref, à défaut de plaider pour un véritable péage urbain, la Fnaut souhaite limiter au maximum la présence des voitures en ville. C’est aussi ce que demandent les conseillers municipaux écologistes de Bordeaux, qui plaident pour une multiplication des zones à circulation restreinte au delà du centre ville, par exemple autour des écoles.

« On peut avoir un peu plus d’ambition pour protéger la ville des modes de transport les plus polluants, souligne l’élue EELV Delphine Jamet. Cela apaise la circulation, protège les gamins et permet aux gens de se réapproprier l’espace public. Aujourd’hui, Bordeaux est loin d’être une ville “cool” de ce point de vue. »

Décarboner Bordeaux

Rappelant qu’Alain Juppé a initié l’appel de Bordeaux, signé par des collectivités locales s’engageant à lutter contre le changement climatique, Pierre Hurmic estime que, à deux mois de la COP21, la conférence internationale sur le climat de Paris, il « est temps de rappeler au maire ses engagements pour décarboner les activités sur le territoire ». Par exemple le passage en zone 30 de toute la zone intra-boulevards, promis pendant la campagne municipale par Alain Juppé :

« A l’image de ce que fait l’agglomération grenobloise, la limitation de la vitesse à 30 km/h doit devenir la norme, et celle à 50 km/h, sur les boulevards et les grosses artères, l’exception », juge Pierre Hurmic.

Les écologistes dénoncent enfin le peu de cas fait à la bicyclette par la métropole : le budget du Plan Vélo a diminué de 30%, et représente 30 millions d’euros sur 8 ans (2012-2020).

« Et le projet éducatif de territoire (PEDT) de la ville ne comprend aucun volet mobilité, par exemple pour apprendre aux enfants à faire du vélo, alors que la dangerosité est le premier obstacle pour venir à l’école à vélo. »

L’initiative comme celle de Bègles, où l’association Cycles et Manivelles inaugure ce samedi sa Maison du vélo et mobilités, est encore trop isolée.


#Bordeaux métropole

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