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Tiken Jah Fakoly : la voix de l’Afrique résonne à Darwin

Accueilli sur la grande scène de l’Ocean Climax Festival, Tiken Jah Fakoly s’est fait le porte-parole de l’Afrique opprimée avec un répertoire engagé et militant.

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Tiken Jah Fakoly : la voix de l’Afrique résonne à Darwin

Tiken Jah Fakoly (Photo : DC)
Tiken Jah Fakoly à Darwin (DC/Rue89 Bordeaux)

L’Ocean Climax Festival a promis une programmation d’artistes impliqués dans les nobles causes et il a tenu parole. Parmi eux, Tiken Jah Fakoly. Connu pour ses engagements humanitaires et politiques en Afrique, le chanteur ivoirien n’est pas insensible aux considérations climatiques et à la protection des océans comme il le précise dans cet entretien accordé à Rue89 Bordeaux.

Vous venez d’arriver sur le site de Darwin, comment trouvez vous ce festival ?

Ça a l’air « roots » (rires) ! On m’a dit que c’est un ancien camp militaire réapproprié, et ça me va bien. Le thème choisi (la défense des océans, NDLR) me tient à cœur, et je pense que chacun devrait le respecter.

On a le devoir de laisser une planète propre à nos enfants et nos petits enfants. Si on goute encore aujourd’hui au plaisir de la mer et de pleins d’autres choses, c’est parce que les parents et les ancêtres ont fait des efforts. Et c’est à nous aussi d’en faire pour que les nôtres puissent retrouver une planète propre.

Quelle est la place que représente l’écologie dans votre propre engagement ?

Je n’ai pas franchement de chanson qui l’évoque, mais je mène des actions à ce sujet. Dans mon pays, mon dernier combat, c’était pour protéger deux arbres centenaires qui apportaient beaucoup à mon petit village. Je me suis engagé dans une lutte face aux politiques, qui eux, ne voyaient que le développement.

Autour de l’endroit où je vis, je fais tout pour que la nature soit respectée.

Il est difficile de mobiliser des politiques sur l’écologie, avec beaucoup de déclarations d’intention et peu d’actions. Au niveau africain, est-ce plus difficile encore ?

Nos politiques vont faire les choses en fonction de leur électorat, de la création d’emploi… Ils ont leur vision. Tant qu’on les laissera faire, ils feront en fonction des décisions de leur parti politique, et de leur volonté de rester au pouvoir.

On voit bien que dans les réunions qui ont eu lieu dans les autres pays, par le passé, les décisions n’ont pas été appliquées. Il faut que partout il y ait une réaction des populations, que ce soit en Amérique, en Europe ou en Afrique.

Quelle genre de réactions ?

Il faut une mobilisation des populations. Les populations devraient descendre dans les rues très prochainement, j’espère, pour que la nature soit respectée et pousser les politiques à prendre une décision.

Il faut obliger les gouvernements à appliquer leurs décisions. Le peuple a ce pouvoir-là. Quand l’emploi est touché, le peuple descend dans la rue, quand la santé est touchée, le peuple descend dans la rue. Le peuple doit descendre dans la rue aujourd’hui pour pousser les politiques à respecter les engagements climatiques.

Tant qu’il n’y aura pas de manifestations un peu partout dans le monde, pour que ces politiciens respectent ces engagements, il n’y aura pas de décision ferme.

Ces enjeux ne sont pas dérisoires pour les populations africaines, au regard des enjeux migratoires ?

Ce sont des populations qui partent de chez eux parce que c’est la guerre. Certains à cause de la dictature, d’autres partent aussi parce qu’ils cherchent de meilleures conditions de vie…

Si vous regardez en profondeur, vous trouverez que ces guerres sont provoquées par le système occidental, la politique occidentale par rapport au pillage des richesses, ou par rapport au maintien de tel ou tel président au pouvoir contre la volonté de son peuple…

Aujourd’hui l’Europe a pris une bonne décision en acceptant d’accueillir ces migrants. Le fait que l’Europe commence par ouvrir ses bras pour accueillir ces migrants, est un signe d’humanité qui mérite d’être salué.

D’ailleurs nous l’avons chanté il y a quelques années avec le titre « Ouvrez les frontières ». Ça a mis du temps, la Méditerranée est devenue le plus grand cimetière du monde. Il y a eu des milliers et des milliers de jeunes africains qui sont morts cette année.

Aujourd’hui c’est les Syriens. Demain, j’espère qu’on fera attention aussi aux Somaliens, qu’on accueillera aussi les Soudanais, parce qu’il y a la guerre aussi dans tous ces pays, comme en Syrie.

Dans vos chansons, vous incitez pourtant aussi les jeunes à rester en Afrique ?

C’est une bonne chose d’ouvrir les frontière pour que ces gens puissent venir. Une fois qu’ils sont ici, il faut les accueillir. Mais moi mon message à ces jeunes là, c’est de leur dire de rester sur place et d’affronter les difficultés. En tout cas, en ce qui concerne l’Afrique.

L’Afrique, c’est le continent de l’avenir. Si tous les bras valides partent parce qu’il y a des difficultés, cela n’arrangera pas les choses. Des difficultés il y en a eu au temps de nos ancêtres, il y en a eu au temps de nos parents. Mais ils sont restés et ils ont affronté la situation. Ils ont pu abolir l’esclavage, ils ont pu stopper la colonisation pour amener l’indépendance.

Votre dernier album « Dernier Appel » vous met en scène avec un mégaphone. Vous qui êtes une voix africaine qui porte, n’êtes vous pas résigné parfois ?

Vouloir baisser les bras ? Non, pas du tout ! Je garde espoir. Il y a eu des gens qui ont milité dans le passé, et c’est grâce à eux que nous existons. Tant qu’on mènera des combats contre tous ces maux qui minent la société, il y aura des changements.

Moi, je n’ai même pas le droit d’être pessimiste parce que beaucoup de jeunes comptent sur moi. Il ne m’est jamais arrivé de dire, « voilà je suis fatigué ».

Vous aimez toujours autant monter sur scène ?

Toujours. C’est un endroit où l’on peut faire passer un message à des gens qui n’achèteront jamais l’album, et qui ne l’ont jamais écouté d’ailleurs. Un festival c’est toujours la conquête d’un nouveau public. Le public ne vient pas pour moi seul, et c’est l’occasion pour moi de leur faire connaître ma musique, et mon combat.


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Photo : Crédit : La Brigade

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