Cannes à Bordeaux
Après des films cannois quasiment absents de l’édition 2014, les soirées d’ouverture et de clôture en consacrent deux en avant-premières. Le Prix du jury, « The Lobster » de Yorgos Lanthimos autour d’une thématique musique et cinéma au Rocher de Palmer le jeudi 8 octobre à 19h, projection suivie d’une soirée Djs. « Marguerite et Julien » de Valérie Donzelli en présence de la réalisatrice dans un nouveau lieu du festival, le théâtre Trianon, mardi 12 à 19h. Deux films qui sondent les affres de l’amour où l’on peut être aussi bien condamné à aimer qu’à ne pas aimer, sous peine de châtiment.
Filmer le monde
Comme chaque année, la compétition globe trotter du FIFIB nous emmène en voyage. Et nous prenons cette fois-ci la route en compagnie de femmes qui n’hésitent pas à se battre pour gagner leur indépendance. Contre la pression familiale, le machisme, les impératifs religieux, ces héroïnes malgré elles vont défendre le droit de vivre leur vie comme elles l’entendent.
« Paulina » de Santiago Mitre, remake d’un film des années 60, raconte le cheminement d’une future avocate qui décide d’abandonner ses études de droit pour aller enseigner dans une région défavorisée d’Argentine. Des épreuves personnelles vont faire vaciller puis renforcer ses convictions. Le réalisateur revient sur son thème cher de l’engagement politique et moral déjà exploré dans son premier long-métrage « El estudiante ou récit d’une jeunesse révoltée ».
Dans « Nahid », Ida Panahandeh décrit le combat d’une mère divorcée qui élève seule son fils de 10 ans et tente de reconstruire sa vie avec un nouvel homme. Seulement en Iran, une femme ne peut avoir la garde de son enfant qu’à condition de ne jamais se remarier. Mère ou amante, Nahid devra choisir. A travers ce portait, la réalisatrice n’hésite pas à égratigner l’hypocrisie de son pays en matière de moeurs et des failles du droit civil.
Plus près de nous en Tunisie, Farah, 18 ans, vient d’avoir son bac « mention très bien ». Alors que ses parents rêvent pour elle d’un avenir studieux en France, celle-ci s’imagine plutôt dans une carrière musicale avec son groupe de rock. Mais à l’aube des évènements du printemps arabe l’oppression du régime de Ben Ali se fait sentir à l’égard de cette jeunesse contestataire. « A peine j’ouvre les yeux » incite le peuple tunisien à ne pas oublier les années de dictature. Leyla Bouzid, la réalisatrice, sera présente pour revenir sur cette période charnière et l’exercice de mémoire indispensable pour construire une vraie démocratie.
Mention spéciale à « Ce sentiment de l’été » de Mikael Hers présenté en avant première mondiale qui nous avait ému aux larmes avec son délicat premier film « Mémory lane ». On ne doute pas que celui-ci nous fera aussi flancher, sur l’absence de l’être aimé et le douloureux temps du deuil.
Arnaud Desplechin, sans fard
De « La vie des morts » à « Un conte de Noël », Arnaud Desplechin n’en finit pas de sonder les secrets inavoués au cœur des familles. De son premier moyen métrage, récompensé du prix Jean Vigo, à l’un de ses derniers longs la même obsession du huis-clos. L’attente imminente et dramatique d’un décès permet à la tribu de se retrouver mais fait vaciller les habitudes.
L’importance du groupe, de la place de chaque individu dans ce groupe, des non-dits qui amènent insidieusement au règlement de compte. L’éternel « qui suis-je » qui trouve rarement de réponse. Les masques tombent, les nerfs, mis à rude épreuve, craquent, le passé resurgit et l’état de crise pointe son nez. On aime ou déteste aussi intensément, aussi férocement que dans les films d’Ingmar Bergman. Famille, je vous hai… me en sorte.
Entre temps, le réalisateur a exploré d’autres thèmes, les relations amoureuses (« Comment je me suis disputé… ma vie sexuelle »), l’enfance (« L’aimée »), la filiation (« Rois et reines »), l’ombre de la mort et esquissé des personnages mystérieux car l’autre est toujours un inconnu. Et quand il raconte ses souvenirs, ses névroses, ses bonheurs et ses blessures (surtout ses blessures), dans une introspection fil rouge de sa filmographie, c’est un peu de notre intimité à nous qu’il dévoile, nos secrets et cicatrices.
Arnaud Desplechin sera présent pour une Masterclass le dimanche 11 octobre à 16h au théâtre Le Trianon.
En vrac
Cette sélection hors compétition vous permettra aussi de découvrir trois films de Rainer Fassbinder (pour ceux qui avait raté l’hommage rendu par le Festival du film d’histoire de Pessac l’année dernière), un focus sur le cinéma roumain de Corneliu Porumboiu, une carte blanche Arte et Frac Aquitaine, partenaires du festival.
Et comme l’année dernière avec Abel Ferrara et Pier Paolo Pasolini, un jeu de miroir entre les œuvres de deux cinéastes Saverio Constanzi et David Lynch puisque dixit les mots de Leo Soesanto, directeur de la programmation, dans une interview :
« Il faut éditorialiser, avoir des angles d’approche précis car on ne peut pas diffuser toute une filmographie. »
Et après les films ?
Ou avant. C’est comme on le sent. Car le FIFIB est la fête du cinéma mais c’est aussi une fête tout court. Le poumon névralgique du festival se situe toujours dans la magistrale Cour Mably qui s’habille durant quelques jours de végétations et de fauteuils vintage, s’anime de conversations et de musiques, s’illumine des feux des projecteurs sur la pierre blanche.
Au programme, « Les nuits du FIFIB », projection gratuite de films en plein air puis concerts. Mais attention cette année, ils seront payants. 5 euros ce n’est certes pas grand chose, mais espérons que cela ne refroidisse pas les plus frileux. Soirée de préchauffe le mercredi 7 octobre à partir de 18h à la gare Saint-Jean avec blind test cinema, DJ set et des films courts sur la création à Bordeaux. A noter une soirée Odezenne à l’heure de son nouvel album le lundi 12.
Toute la compétition de longs et courts métrages est à retrouver au cinéma l’Utopia. Pour toutes informations pratiques, le site de FIFIB.
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