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LGV, autoroute ferroviaire : l’Etat ne laisse pas béton

Le ministre Alain Vidalies a justifié ce mercredi le feu vert à la déclaration d’utilité publique pour les LGV du Sud-Ouest, malgré l’avis négatif de la commission d’enquête. Il a aussi annoncé la relance de l’autoroute ferroviaire Atlantique.

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LGV, autoroute ferroviaire : l’Etat ne laisse pas béton

Viaduc de la LGV à Nersac, en Poitou-Charentes (Patrick Janicek/flickr/CC)
Viaduc de la LGV à Nersac, en Poitou-Charentes (Patrick Janicek/flickr/CC)

Non, ce n’est pas par « opportunisme » politique, à deux mois des élections régionales, que le gouvernement a annoncé sa volonté de signer la déclaration d’utilité publique (DUP) pour les lignes à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax. C’est ce qu’a indiqué le secrétaire d’État en charge des transports ce mercredi à Bordeaux, lors de la signature d’une convention de financement de quatre projets ferroviaires, avec l’Espagne et l’Union européenne (lire l’encadré).

« La vraie échéance, c’est début juin 2016, date butoir pour prendre l’arrêté de DUP, a rappelé Alain Vidalies. Or celui-ci ne peut être pris qu’après avis du Conseil d’Etat. Et pour pouvoir le saisir, il faut avoir modifié les plans d’occupation des sols des communes concernées, des procédures qui demandent 5 ou 6 mois. Nous avions ainsi en réalité comme échéance interne le 1er octobre. »

Voila pour le timing d’une décision certes « glissée à l’oreille d’Alain Rousset » dans les Landes il y a un mois, mais aussi, a cru bon de préciser le ministre, à celle d’Alain Juppé, mentor de la rivale du président du conseil régional, Virginie Calmels.

« Des arguments juridiques peuvent faire capoter une infrastructure, a renchéri le président de la région Aquitaine. Si le gouvernement n’avait pas pris cette décision à temps, tout s’effondrait, et on était repartis pour 30 ou 60 ans car il fallait recommencer à zéro. On verra bien ce qu’en disent les électeurs. »

Démocratie

Alain Vidalies a aussi balayé les critiques sur le passage en force. Si la décision du gouvernement est en effet contraire à l’avis négatif de la commission d’enquête publique, lui même rendu à l’issue d’une large consultation du public et des experts, le secrétaire d’État estime qu’il n’y a « qu’une seule expression démocratique, le vote ». Or 80% des élus (on ne sait à quoi ce chiffre réfère) sont selon lui favorables au GPSO.

Admettant ainsi que ces enquêtes publiques ne servent à rien, puisque ce sont à l’arrivée, et quoi qu’il en retourne, les élus qui décident, le ministre landais qualifie même de « dangereuse » l’opinion selon laquelle la démocratie pourrait passer ailleurs que par les urnes. Les manifestants, grévistes ou autres conseillers de quartier apprécieront.

Sur le fond du dossier, Alain Vidalies s’est étonné qu’aucun média n’ait relayé les réponses de SNCF Réseau à la commission d’enquête, et sur lesquelles le gouvernement assure avoir fondé sa volonté de passer outre l’avis négatif. Il est vrai que le mémoire du maître d’ouvrage, assorti de plusieurs études complémentaires, a été discrètement mis en ligne sur le site internet du projet, courant octobre.

SNCF Réseau contre-attaque

Que disent des documents ? Il serait ici fastidieux de résumer les réponses de SNCF Réseau, qui répond point par point aux nombreuses critiques de la commission d’enquête sur le projet, des analyses socio-économiques jugées biaisées aux impacts du projet sur l’environnement, en passant par l’indemnisation des viticulteurs touchés par la LGV.

Plus instructives sont les études complémentaires sur les sujets les plus controversés commandées par l’entreprise suite au rapport de la commission d’enquête. Ainsi, l’école polytechnique de Lausanne (EPFL), spécialiste des questions ferroviaires, a planché sur les propositions alternatives à la grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse.

Ses auteurs concluent notamment que le « prix de la minute gagnée » est plus élevé dans le scénario d’une requalification de la ligne actuelle (investir quelques 3,5 milliards d’euros pour des gains de temps de l’ordre de 20 minutes) que dans l’option LGV (investir 5,7 milliards pour des gains de temps de 49 à 56 minutes). Ils écartent aussi l’hypothèse de trains pendulaires, qui ne permettraient de gagner que 17 minutes sur la ligne actuelle.

Alain Rousset et Alain Vidalies, mercredi 28 octobre à l’Hôtel de Région (SB/Rue89 Bordeaux)

Microclimats

Un point clé du débat portait sur le coût de la suppression des passages à niveau dans l’hypothèse d’une requalification de la ligne. Le projet alternatif, visant à faire passer la vitesse commerciale de la ligne actuelle à 220 km/h, supposerait la suppression d’une centaine de passage à niveaux. Les anti LGV estimaient que les coûts engendrés ne pouvaient être imputés à la requalification de la ligne, jugeant que la SNCF s’est engagé à supprimer ces passages à niveau sur l’ensemble du réseau. « Illusoire », tranche l’expertise de l’EPFL, selon laquelle il n’y a pas de « politique systématique » en ce sens.

Autre sujet sensible, l’impact des lignes nouvelles sur les appellations d’origine contrôlée Sauternes et Barsac a fait l’objet d’une étude agroclimatique, menée par trois bureaux d’études spécialisés. Le rapport de TerraClima montre par exemple « que la localisation de la LGV à environ une dizaine de kilomètres de ces appellations n’aura pas d’impact décelable sur les microclimats de ces terroirs. En effet, l’influence océanique caractérise les grandes lignes du climat du département de la Gironde et ne peut être en aucun cas modifiée par la construction d’une LGV au sol ».

Mais, nuance l’expertise, « la réalisation de la LGV représente une emprise d’une centaine de mètres de large en moyenne dans le massif forestier, avec disparition du couvert végétal. Cette nouvelle trouée pourrait modifier l’aérologie locale et engendrer la présence de vent ». Si ce « risque d’incidence sur les appellations parait très limité », TerraClima préconise « pour lever tout doute concernant ces circulations d’air » des études complémentaires. Les expertises sur le régime d’écoulement des eaux du Ciron préconisent également d’approfondir la question.

Hypothèque

Cependant, ces études complémentaires « ne remettent pas en cause l’existence du projet, mais portent sur le dimensionnement des ouvrages », a répondu Alain Vidalies. SNCF Réseau précise que ces recommandations « seront prises en compte dans la  phase d’études détaillées du GPSO (post DUP) ». Le président de la région Aquitaine a pour sa part déclaré qu’il recevrait prochainement les viticulteurs du Sauternais.

A ce stade, la plus grosse hypothèque à lever sur les LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, c’est leur financement. Mercredi, le secrétaire d’Etat au transport a indiqué que la France ne devrait pas recourir à nouveau à un partenariat public-privé, comme pour la ligne Tours-Bordeaux. Mais l’infrastructure pourrait bénéficier de l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs en Europe, prévue en 2020 pour le rail.

Alain Rousset a quant à lui affiché son optimisme sur des fonds pouvant venir soit d’une taxe carbone, inéluctable à ses yeux, soit du grand emprunt, si ce dernier est élargi aux grandes structures de transport.

Donner corps à l’Europe

Et l’Europe ? La convention de financement des projets du Corridor Atlantique, signée ce mercredi à l’Hôtel de Région, accorde 52,45 millions d’euros pour la poursuite des études post-DUP. C’est pour les responsables français un bon premier pas vers un financement abondant de la liaison France-Espagne. Sachant que l’étude et les travaux de la section Bergara-San Sebastian-Bayonne a obtenu 459,3 millions d’euros de l’UE, dont une partie ira au Y Basque, la LGV locale.

Mettre Bordeaux à 3 heures de Bilbao et à 4h40 de Madrid est aujourd’hui l’argument le plus fréquemment utilisé par les tenants du GPSO. « Les transports peuvent donner corps à l’idée européenne, animée par ceux qui pensent que l’avenir des hommes et des femmes c’est de se rencontrer », a déclaré, lyrique, Alain Vidalies.


#Alain Rousset

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