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Apologie du terrorisme : 6 mois de prison ferme requis à Bordeaux

Quatre jeunes Angoumoisins comparaissaient mercredi à Bordeaux, accusés de s’être publiquement réjoui de l’attentat contre Charlie Hebdo. Un procès symptomatique « de l’emballement de la justice » selon leurs avocats, alors que les parquets de Libourne et Bordeaux ont reçu des consignes de sévérité.

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Apologie du terrorisme : 6 mois de prison ferme requis à Bordeaux

Une photo de Charb, le patron de la rédaction de Charlie Hebdo, projetée pendant la manifestation hommage du 7 janvier (SB/Rue89 Bordeaux)
Une photo de Charb, le patron de la rédaction de Charlie Hebdo, projetée pendant la manifestation hommage du 7 janvier (SB/Rue89 Bordeaux)

Question timing, les évènements du 13 novembre dernier auraient pu très mal tomber pour Kader, Slimane, Karim et son frère Yazid. C’est ce que pensait Maître Jean-François Changeur, avocat des deux derniers, qui a souligné le contexte dans lequel se tenait ce mercredi après-midi à Bordeaux le procès en appel pour apologie du terrorisme de ses clients.

Car selon Ophélie Tardieux, défenseur de Karim, seul le contexte – « les effets médiatiques » de la loi du 13 novembre 2014 sur la comparution immédiate pour apologie du terrorisme – peuvent expliquer la présence, dans la salle d’audience surchauffée de la cour d’appel de Bordeaux, des jeunes habitants d’Angoulême, tous âgés de 27 à 33 ans.

« Depuis, les procédures d’urgence bâclées et les erreurs judiciaires se multiplient, constate l’avocate. Il faut aller vite : il n’y a eu aucune confrontation entre les protagonistes de cette affaire. Trente policiers sont tombés sur le dos de ces jeunes, au bar le Rush. Il fallait une réponse immédiate, montrer aux Angoumoisins que justice et police agissent. »

Courrier d’une lectrice de Charlie

Les faits qui ont valu à Kader, Slimane, Karim et Yazid de se retrouver devant les magistrats bordelais remontent au lendemain de la tuerie de Charlie. Le 8 janvier dernier, une lectrice de l’hebdomadaire satirique, cliente du Rush – un petit bar-PMU d’Angoulême – envoie un courrier au procureur de la République, dénonçant « l’attitude déplacée de quatre individus ».

Son accusation se fonde sur les confidences d’une des serveuses du bar. Le 9 janvier la lettre parvient sur le bureau du procureur mais celui-ci attend le 15 janvier pour saisir le SRPJ de Limoges. Les trois serveurs du Rush sont entendus et, sur la foi de leurs témoignages recoupés, Kader, Slimane, Karim et Yazid sont interpellés, dans les conditions décrites plus haut…

Relaxe à Angoulême

Les jeunes gens ont leurs habitudes au Rush, où ils viennent boire un coup et jouer au PMU. Mais voilà que, selon les témoins, le jour des attentats à Charlie, ils se lâchent, se félicitent de la mort des collaborateurs du journal et demandent une tournée générale.

Le tribunal correctionnel d’Angoulême finit par les relaxer, faute de preuve tangible : les bandes des caméras de vidéosurveillance du bar n’étayent pas les témoignages. On y voit les quatre jeunes payer leurs tickets de PMU, se dire bonjour, sortir fumer un clope.

Et puis on voit Kader prendre la télécommande de la télé, la pointer sur l’écran, regarder ce dernier, et se diriger guilleret vers la caisse du bar. Mais aucune effusion de joie, aucune excentricité. D’autant que sur les bandes, on a l’image mais pas le son. Toutefois, le parquet d’Angoulême fait appel.

« Les bandes ne prouvent rien »

L’affaire atterrit donc à Bordeaux. Une heure durant, la présidente de la cour, Michelle Essarte, met sur le gril les quatre jeunes, aux profils similaires : Français d’origine maghrébine, passé de petits délinquants rangés des voitures pour deux d’entre eux, RSA, petits boulots, chômage.

La cour veut savoir si, le 7 janvier dernier, Kader a, comme le rapporte les serveuses, pris sur le coup de 13h45 la télécommande de la télé du bar pour passer sur une chaîne d’info, et crié en levant le poing devant les reportages sur les attentats de Charlie : « 14 blancs de moins, c’est bien fait, ils n’avaient qu’à pas insulter notre prophète ». Est-ce bien lui qui a crié ? Les trois autres en ont-ils rajouté dans les « propos déplacés » mentionnés par les deux serveuses ?

Les quatre nient en bloc. Les bandes de vidéosurveillance, de nouveau visionnées, ne montrent rien.

Pourtant, l’avocat général Xavier Chavigné va écarter ces bandes, « qui doivent obligatoirement rapporter la preuve du délit », ce qui ici n’est pas le cas. Au contraire des témoignages, qui se recoupent – « quatre témoins, c’est rare », se félicite même le magistrat, et ils « ont tous reconnus les prévenus sur photos ».

Délit ou bêtise ?

« Le délit d’apologie du terrorisme est établi » pour l’avocat général, qui requiert 6 mois de prison ferme pour Kader, six mois dont trois avec sursis pour Slimane, six avec sursis pour les deux autres. Et 1000 euros d’amende pour chacun.

Le réquisitoire indigne Me Changeur : « Je n’attendais pas de vous une tribune ». Comme à Angoulême, la défense a tenté de démontrer les imprécisions des témoignages et le peu de fiabilité, selon elle, de la lectrice de Charlie Hebdo.

« S’ils ont éventuellement tenu de tels propos, ce ne serait que de la bêtise, pas de l’apologie de terrorisme » conclut Me Tardieux.

L’avocate demande la relaxe pour tous. Le jugement est mis en délibéré au 16 décembre.

L’affaire illustre la sévérité avec laquelle sont désormais sanctionnés tous propos déplacés. Les condamnations tombent actuellement comme à Gravelotte, à l’image de cette jeune chômeuse niçoise qui a écopé de deux mois de prison ferme. Après 5 whisky-coca, elle a déclaré à des policiers qu’elle allait « faire péter des bombes ». Voila comment, un peu gris, on se retrouve avec un casier à vie.


#Angoulême

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