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Les Chartrons, quartier étudiant pas trépidant

Les Chartrons voient s’installer de plus en plus d’écoles privées, et les étudiants qui vont avec. Mais faute de logements abordables, ceux-ci habitent et sortent peu dans le quartier.

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Les Chartrons, quartier étudiant pas trépidant

Rue du Faubourg-des-Arts, l'architecture des Chartrons a été rafraîchie pour accueillir les écoles.
Rue du Faubourg-des-Arts, l’architecture a été rafraîchie pour accueillir les écoles (EFJ/Rue89 Bordeaux).

Quartier emblématique de Bordeaux, historiquement lié au commerce du vin depuis le XIVe siècle, mais aussi, plus tard, à la traite négrière, les Chartrons ont entamé leur mutation après le départ des maisons de négoce, survenu au milieu des années 1920. Les espaces laissés vacants ont alors changé de vocation, avec pour dernier évènement détonateur la rénovation des quais, conclue en 2009 par la Ville de Bordeaux.

Certains bâtiments ont été aménagés en lieux d’habitation. D’autres ont accueilli des entreprises ou des établissements scolaires. Grâce à ces derniers, essentiellement privés, plutôt orientés commerce, management ou informatique, le quartier voit depuis plusieurs années son nombre d’étudiants en constante augmentation.

Mais ce quartier réputé calme est-il vraiment apprêté pour ces quelques 9 000 étudiants, répartis entre 32 écoles (dont certaines établies depuis peu plutôt aux Bassins à flot) ? Pour Jean-Sébastien Gonthier, président de l’association chartronnaise Esprit de quartier, la réponse est plutôt oui. Il estime que c’est « une chance, car cela crée la vie d’un quartier ».

Cependant, la plupart des étudiants continuent à habiter dans les secteurs plus traditionnels de la vie étudiante bordelaise : la Victoire et la proche banlieue. Cette situation a engendré quelques problèmes, notamment au niveau du stationnement.

« Quand le stationnement était gratuit, les étudiants laissaient leur voiture au même endroit pendant des jours, précise Anne-Marie Cazalet, maire adjointe du quartier Chartrons-Grand Parc-Jardin Public. Les habitants se plaignaient car il leur était devenu pratiquement impossible de se garer. Depuis que nous avons basculé vers un stationnement payant avec une possibilité d’abonnement pour les riverains, le problème se pose beaucoup moins. »

Quand la mairie joue les intermédiaires

Seulement 10% des étudiants du quartier habiteraient aux Chartrons, d’après Guillaume Petit, vice-président de Campus Chartrons, association regroupant les écoles installées des Quinconces jusqu’aux Bassins à flot.

L’initiative de la création de Campus Chartrons date de 2008, afin de donner une voix unique à tous ces établissements et servir d’intermédiaire avec les pouvoirs publics. Ces discussions avec la ville de Bordeaux ont essentiellement permis d’installer des bornes VCub là où le flux d’étudiants est le plus important, et surtout l’ouverture d’un restaurant universitaire situé quai des Chartrons. Ce resto U sert environ 400 repas par jour.

Si le resto U n’a pas été financé par la Mairie, c’était en revanche une volonté municipale d’en mettre un en place aux Chartrons. « Au départ, le Crous ne voulait pas vraiment venir, car c’est un organisme universitaire public », explique Anne-Marie Cazalet. La Mairie a donc joué un rôle d’intermédiaire, et le Crous Bordeaux-Aquitaine est aujourd’hui propriétaire du lieu après en avoir été le maître d’ouvrage.

De nombreux étudiants considèrent cela comme un bon début, mais ne souhaitent pas que les choses en restent là, comme l’explique Estelle, étudiante à l’Inseec :

« On pourrait faire mieux pour les logements et pour le resto U, qui est souvent plein. Cela vaudrait le coup de faire ces améliorations car le quartier est sympa et le mérite. »

Les antiquaires ne sont plus l’attraction n°1 du quartier (DR).

Une vie économique autour des étudiants

La question du logement est primordiale, et une première résidence étudiante a été ouverte aux Bassins à flot par Campuséa, filiale du promoteur Gécina destinée au logement étudiant, en septembre 2015.

Le Crous n’a pas encore ouvert de résidence dans le secteur, mais il y songe. Cependant, « rien pour le moment n’a été établi sur ce projet. C’est simplement une possibilité », précise l’organisme.

D’après la Mairie, 150 nouveaux appartements destinés aux étudiants pourraient être ouverts dans les deux ans à venir dans le secteur. Ce serait là aussi un pas important en raison des loyers élevés pratiqués dans le quartier. Il est en effet difficile de trouver un loyer à moins de 450€ aux Chartrons.

« Certains propriétaires ont profité du besoin de logement des étudiants pour faire augmenter les loyers, déplore Guillaume Petit. Mais depuis quatre ou cinq ans, les prix sont stables. »

Malgré le millier d’étudiant habitant dans ce quartier résidentiel, Jean-Sébastien Gonthier estime que la cohabitation « n’est pas une menace, au contraire elle amène de l’activité ». De nombreux établissements que l’on n’aurait pas imaginé aux Chartrons il y a 10 ans voient le jour.

Les sandwicheries et autres snacks répondent aux besoins des étudiants qui n’ont pas tous les moyens de déjeuner au restaurant. Ces commerces, qui n’avaient pas leur place avant l’arrivée de ces 9 000 clients potentiels, voisinent désormais avec les antiquaires, symboles du quartier dans l’imaginaire bordelais.

La vie nocturne reste à l’écart

Cette cohabitation entre vie étudiante et quartier résidentiel et familial est peu courante à Bordeaux. Pour les étudiants, le changement est radical.

« Le quartier est super agréable, très calme, presque trop, s’amuse Jonathan, étudiant à l’Iseg. On vient ici le matin et on repart dès que les cours sont finis parce qu’il n’y a pas vraiment d’activités pour nous les étudiants. Mais c’est sûr qu’on est mieux ici qu’à Pessac. Je préfère des salles de cours avec vue sur la Garonne que sur les bâtiments de Bordeaux Montaigne. »

Si les terrasses des cafés sur les quais sont très prisés des étudiants, qui viennent s’y détendre après une journée de travail, le quartier des Chartrons n’en conserve pas moins le calme qu’on lui connaissait. Malgré l’implantation des écoles, la vie nocturne des étudiants bordelais continue de tourner autour de la Victoire et du quai de Paludate. Les Chartrons restent un quartier de « début de soirée », avec quelques bars qui ferment leurs portes suffisamment tôt pour assurer la tranquillité des nuits des habitants.

Les grues qui continuent de s’affairer autour des Bassins à flot montrent bien que la mue n’est pas achevée, et que l’un des quartiers les plus emblématiques de la Belle endormie est lui aussi en train de s’éveiller.

Anthony Ricarte et Tom Vergez


#Bassins à flot

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