Lors de la première manifestation la grêle s’était invitée. Ce jeudi ce sont des trombes d’eau qui accompagnent le cortège sans toutefois décourager les militants des syndicats de salariés (CGT, FSU, Solidaires), étudiants (Unef) et lycéens (Unl, Fidl). La jeunesse se fait à nouveau remarquer derrière la banderole fédératrice « On vaut mieux que ça ». Le mouvement citoyen dont Rue89 Bordeaux brossait le portrait ne faiblit pas.
Même retravaillé, le projet de loi ne passe pas, juge Jean-Pierre Gausset de la CGT Banque :
« Ce texte, c’est une dégradation à tous niveaux : pour les conventions collectives, avec l’extension des referendums d’entreprise, ou sur les licenciements économiques. »
Dans les slogans scandés, « Hollande, Medef, CFDT » rime avec « assez d’austérité ». Pourtant quelques drapeaux et casquettes orange fluo du syndicat réformiste dénotent au milieu des chiffons rouges de la CGT et de Force Ouvrière.
Patrick André, de la CFDT Métallurgie, joue les dissidents. Lui qui a voté François Hollande en 2012, qui a rejoint le syndicat de Laurent Berger au début des années 2000, ne s’attendait pas à manifester contre eux, et contre un projet qu’il ne renie toutefois pas entièrement :
« Il y a des avancées mais elles sont noyées. Il faut qu’on reprenne tout à la base car là ça a été fait sans concertation. Je regrette d’entendre un premier ministre dire que dans tous les cas ça passera. »
Lui parle de « réenchanter le travail », vante le passage aux 32h par semaines et souhaite une primaire à gauche pour 2017.
Touristes asiatiques
Dans le cortège, il croise certains autres syndiqués CFDT qui sont là « incognito ». D’une tape dans le dos, la majorité des cégétistes le dit courageux. Un autre de la CGT-Mines se montre moins enthousiaste : « Il ne faut pas interroger la CFDT ! »
Pendant ce temps, un car de touristes asiatiques passe sur les quais. A l’intérieur, on se rue aux fenêtres pour prendre des photos et saluer la foule qui sourit et s’en amuse.
Certains salariés n’étaient pas venus depuis longtemps – « quand le commerce est là, c’est qu’il y a vraiment du monde » nous confie-t-on – mais n’ont pas que la loi Travail en tête. Les salariés de Lidl, par exemple, l’ont mauvaise : alors que la marque a augmenté son chiffre d’affaire de 10% en 2015 et a perçu 30 millions d’euros grâce au CICE, les salariés ont eu une revalorisation de 0,2% soit 2 euros par mois pour une caissière.
« La pluie, on s’en fout ! »
C’est finalement une pluie battante qui accueille les milliers de manifestants sur la place de la Victoire. Pour se donner du courage, les lycéens chantent l’Internationale, le camion de Solidaires hurle : « La pluie, on s’en fout ! » Pas tant que ça, tout le monde se disperse rapidement.
Une toute petite fraction se retrouve à la Bourse du Travail pour envisager la convergence des luttes et préparer les manifestations des 5 et 9 avril prochains. Une autre se poste sur la place Saint-Michel surveillée par plusieurs camions de CRS. La quarantaine de jeunes militants se rend alors place de la Victoire et affronte la pluie répondant ainsi à l’appel à une Nuit Rouge, proposant l’occupation d’une place pour prolonger le débat.
« Manif pluvieuse, manif heureuse », préfère dire l’un d’eux habitué aux mouvements des zones à défendre.
Mais ça ne dure pas. La Nuit Rouge s’achève au crépuscule, faute de monde, et surtout grâce au concours des forces de l’ordre intervenues vers 19h30 après avoir demandé la dispersion. Un témoin raconte à Rue89 Bordeaux :
« Les manifestants avaient commencé à faire un feu de palette au milieu de la place, comme c’est souvent le cas dans les manifs. La police et la Bac ont jugé que c’était une très bonne raison pour intervenir et les repousser rue Gintrac. Il y en avait partout. »
Des gaz lacrymogènes auraient été lancés. Cette nuit, appelée aussi Nuit Debout, a remporté un tout autre succès à Marseille, Lyon et surtout Paris où plusieurs milliers de personnes se sont retrouvées place de la République.
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