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Bois de Thouars à Talence : l’accrobranche de la discorde

En trois semaines, un accrobranche a poussé dans les arbres du bois de Thouars à Talence, pourtant « espace boisé classé ». Il ne ravit pas les Verts ni plusieurs habitants de la commune qui ont organisé ce lundi une manifestation contre une opération illégale dans l’unique poumon vert de la ville.

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Bois de Thouars à Talence : l’accrobranche de la discorde

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Les habitants et élus verts mobilisés ont été accueillis par la police lors de leur opération coup de poing (FH/Rue89 Bordeaux)

Une quarantaine de personnes se sont rassemblées ce lundi en fin de matinée dans le bois de Thouars, à Talence, pour protester contre l’installation d’un accrobranche dans une zone classée en « EBC » (espace boisé classé). A l’initiative d’Europe Ecologie Les Verts Talence, cette action devait se concrétiser par un « démontage de l’installation illégale ». Accueillis par les forces de polices (quatre voitures pleines), les protestataires n’ont finalement rien démonté.

« Nous ne sommes pas de dangereux délinquants, précise Monique de Marco, chef de file des écologistes à la municipalité. Nous sommes simplement là pour faire respecter la loi. »

Initiée il y a un mois environ sans sécurisation du site – pourtant fréquenté par de nombreux promeneurs, joggeurs et familles – ni affichage particulier, la construction du parcours acrobatique en hauteur par la SARL Acro-Trampoline, créée par Dorian Aloy, fait polémique :

« L’installation ne respecte pas la réglementation, souligne Monique de Marco. Des arbres (NDLR : au moins trois dont un au moins parfaitement sain) ont été coupés, le chantier ne comporte aucun affichage et le permis d’aménager ne semble pas avoir été délivré. »

« 30 000 ans de biotope à la poubelle »

D’autres troncs, en bonne santé, ont été entaillés par des trous de perceuses pour y enfoncer les tirefonds de 14 mm de diamètre et 30 cm de longueur.

« Cette zone se situe dans un EBC, c’est-à-dire un espace sanctuarisé avec des arbres protégés. Il y a très peu d’EBC à Talence, c’est notre poumon vert et on est en train de le saccager !, tempête la porte-parole des Verts. En outre, il s’agit du domaine public. Or le maire a donné un accord d’exploitation à une société privée, ce qui n’est pas légal ! Je dénonce cette privatisation de l’espace public. »

Elus verts et habitants constatent l’étendue de l’installation (FH/Rue89 Bordeaux)

« Il n’y a plus beaucoup d’espaces verts autour de Bordeaux, ajoute Olivier Cazaux, porte-parole des Verts à Bordeaux. Il faut les préserver pour nous et les générations futures ! Cet accrobranche, c’est 30 000 ans de biotope mis à la poubelle ! »

Une Talençaise participant à la manifestation raconte avoir « appris incidemment cette installation il y a trois semaines » :

« Du coup, j’ai interpellé deux élues municipales. Je leur ai demandé si c’était vrai, si on pouvait toujours circuler dans le bois et si l’accrobranche allait être payant. Réponses positives. »

Une forte demande des habitants

Également présent, le maire de Talence, Alain Cazabonne, accompagné d’Aurélien Sebton, ancien adjoint au maire devenu directeur du cabinet de l’édile, se défend de ces accusations :

« Nous avions une forte demande des habitants pour une telle structure. Chaque été, nous envoyons les enfants des centres de loisirs de la commune aux accrobranches de Biscarosse ou de Mérignac. Ils prennent un bus à l’aller et au retour, cela pollue et ne répond pas à nos exigences de développement durable. Par ailleurs, il n’y a eu aucune dissimulation, nous n’avons pas procédé en catimini : cela fait dix ans qu’on en parle et c’était dans notre programme électoral il y a deux ans. Il n’est pas non plus question de privatiser le bois. Avec l’accord du service juridique de la ville, sur lequel je m’appuie et qui nous a garanti que nous pouvions faire cela, nous avons délivré une Autorisation d’occupation temporaire (AOT) à M. Dorian pour qu’il exploite son installation. Par ailleurs, nous avons fait appel à Alain Valette, expert forestier et judiciaire à Montpellier. Il nous a certifié par écrit que le fait de percer les arbres avec des tirefonds ne nuisait pas à l’arbre et que le végétal cicatrise. »

Le maire Alain Cazabonne et son directeur de cabinet, Aurélien Sebton, sont venus défendre le projet. (FH/Rue89 Bordeaux)

En revanche, aucune étude sur l’impact de l’aire de loisirs sur la faune n’a été commandée pour l’heure. Or le bois de Thouars recèle pas moins de 188 espèces animales en plus des 297 espèces végétales.

Quant à la sécurité des usagers du bois pendant et après les travaux, de jour comme de nuit, le maire la garantit :

« Nous avons coupé des arbres et dégagé une partie du bois pour sécuriser les promeneurs et joggeurs, et des policiers patrouilleront la nuit », explique-t-il lors de son discours aux manifestants. En outre, il sera impossible de grimper sur les plateformes en dehors des horaires d’ouverture car une partie des installations sera démontée pour empêcher leur usage. D’autre part, c’est à l’exploitant que revient d’assurer la sécurité des usagers de la structure. Une société de contrôle viendra vérifier les installations. »

Une ouverture mi-mai ?

Selon Alain Cazabonne, l’accrobranche devrait ouvrir mi-mai, sauf recours au tribunal administratif, pour une exploitation d’au minimum sept ans.

« L’entrepreneur a dû investir 150 000 euros et devra aussi verser 6000 euros par an à la mairie pour pouvoir occuper le terrain. Le parcours couvrira 1,9 hectares au total, soit moins que 2 hectares qui auraient nécessité un permis d’aménagement », précise le maire.

La situation en rappelle un peu une autre, qui avait fait grand bruit : l’aménagement en 2011 d’un parc aventure avec via ferrata et tyrolienne géante au mont Fenouillet, à la Crau, dans le département du Var, sur un site classé Natura 2000. Deux procès verbaux avaient alors été dressés à l’encontre de ces installations par les services de l’Etat pour « perturbations volontaires, dégradations et destructions volontaires d’habitats et d’espèces protégées… » et « infraction au code de l’urbanisme, construction sans permis, non-respect des espaces boisés classés, etc. ».

Echelles, câbles, plateformes… L’accrobranche est déjà bien avancé (FH/Rue89 Bordeaux)

Soutenue par le groupe créé récemment « Les Amis du bois de Thouars », Monique de Marco a envoyé un courrier au maire le 13 avril dernier pour demander le démontage de l’installation. Dans l’après-midi de lundi, l’élue a aussi déposé une plainte au commissariat de police et compte recourir au Tribunal administratif pour contester cette installation.

« Lors d’une réunion publique organisée par Les Amis du Bois de Thouars lundi à 18h30 à l’espace Robespierre à Talence, nous discuterons et déciderons de ce que nous ferons ensuite. »

L’arbre qui cache la forêt ?

Les Amis du Bois de Thouars, fondé par une poignée de Talençais, sont très mobilisés : en mars, ils ont lancé une pétition relayée sur Change.org, qui a recueilli près de 2000 signatures, pour dénoncer certaines révisions du Plan local d’urbanisme (PLU 3.1.), notamment : le détachement d’une zone boisée, la construction d’une voirie entre l’Institut Régional du travail social Aquitaine (IRTS) et le lycée d’hôtellerie et de tourisme de Gascogne et une zonage en « Ne » qui autorise de multiples constructions – commerces, restaurants, bars, cafés, hôtels, établissements administratifs, hospitaliers, sanitaires, sociaux, culturels, pépinières d’entreprises, etc.

Les élus d’Europe Ecologie-Les Verts au Conseil municipal avaient jugé que le PLU n’était « pas assez ambitieux au vu des enjeux environnementaux et climatiques auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui », et avaient émis un avis défavorable.

Le parcours prend forme et de la hauteur (FH/Rue89 Bordeaux)

Pour faire taire les « plus folles rumeurs sur le devenir du bois de Thouars », la municipalité a apporté des précisions dans un communiqué :

« Annoncée comme réservée pour un important projet d’urbanisation du site, la zone minéralisée est en réalité prévue pour reconstruire le Club House et créer un espace couvert pour les activités multisports et notamment un nouveau Dojo pour les arts martiaux. La hauteur maximale autorisée initialement prévue à 35 m a été rabaissée à 12 mètres. Par ailleurs, nous avons demandé à déclasser l’EBC en “espace paysager à protéger” (EPP) pour permettre le passage d’une future ligne de tramway, dont le tracé n’est pas défini à ce jour. En outre, la voirie demandée ne sera pas imposante, mais doit permettre la création d’une liaison piétons-vélos le long de l’IRTS et du lycée hôtelier. »

Bref, du béton durable.


#Alain Cazabonne

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