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Au Capc, LaToya Ruby Frazier, working class heroine

Durant dix-huit ans, l’artiste américaine LaToya Ruby Frazier a photographié sa famille, sa ville natale et ses habitants. Le Capc lui consacre une exposition, « Performing Social Landscapes », où se lit la violence de la crise économique sur une classe ouvrière abandonnée à son sort.

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Au Capc, LaToya Ruby Frazier, working class heroine

LaToya Ruby Frazier Hopper Cars and Railroads along the Monogahela River, 2013 A Despoliation of Water: From the Housatonic to Monongahela River (1930-2013) Impression jet d'encre sur papier Hahnemühle Courtesy the artist and Michel Rein, Paris/Brussels
LaToya Ruby Frazier, « Hopper Cars and Railroads along the Monogahela River », 2013 (Courtesy the artist and Michel Rein, Paris/Brussels)

LaToya Ruby Frazier a 16 ans en 1998 quand elle a commencé à prendre en photo son entourage : sa famille, sa mère, l’ami de sa mère, sa grand-mère, mais aussi son quartier et sa ville natale, Braddock.

Cette banlieue ouvrière située à quelques kilomètres de Pittsburgh est alors sur le déclin. Après avoir été un important centre sidérurgique, elle n’est plus qu’une ville-fantôme aux commerces fermés, maisons délabrées et terrains vagues. La délocalisation de ses usines vers des pays où la main-d’œuvre est moins chère y sème le chômage, la pollution et les maladies. Sous les années Reagan, la ville décroche le funeste titre de « municipalité en détresse ».

« Ce sont les heures sombres des États-Unis, confie la photographe, les conséquences néfastes d’une révolution industrielle sur plusieurs générations aujourd’hui oubliées. Les Américains étaient fiers de leur pays en tant que puissance industrielle, mais personne ne s’est posé la question de l’après. »

LaToya Ruby Frazier assiste alors à l’effritement d’une société acculée par une crise économique dévastatrice. La ville, « devenue toxique » selon elle, se vide de ses habitants et le prix de l’immobilier chute de moitié. Conséquence inhérente et coup de grâce, le dernier hôpital local déménage à Pittsburg. Non seulement le dernier employeur principal de la ville ferme ainsi ses portes, mais la jeune afro-américaine souffre par ailleurs d’un lupus causé par l’exposition prolongée aux métaux atomisés, sa mère est atteinte d’un cancer, et sa grand-mère est en fin de vie.

LaToya Ruby Frazier Self Portrait (Lupus Attack) , 2005 Notion of Family tirage gélatino-argentique, monté sur carton, cadre bois Courtesy the artist and Michel Rein, Paris/Brussels
LaToya Ruby Frazier, « Self Portrait (Lupus Attack) », 2005 (Courtesy the artist and Michel Rein, Paris/Brussels)

« L’art pour l’art ne m’intéresse pas »

Inexorablement, l’histoire de Braddock s’immisce dans celle de la famille de LaToya Ruby Frazier. A travers trois générations de femmes, son travail s’obstine à dénoncer les injustices sociales, jusqu’à la mort. Dans une série de photographies, elle dénonce la fermeture de l’hôpital. A travers une performance vidéo (en collaboration avec l’artiste Liz Magique Laser), elle s’attaque au cynisme de la marque Levi’s, qui a réalisé dans sa ville une publicité vantant le mérite du travail…

« C’est de la responsabilité d’un artiste de s’engager pour sa communauté, assure-t-elle. C’est mon devoir de questionner les consciences politiques, c’est mon métier de poser des questions. »

Ainsi, la working class heroine d’une Amérique rongée par le chômage, nous invite à occuper la place inconfortable de témoins de la misère sociale, spectateurs d’un « lieu oublié, resté à l’abri du développement ». A travers les clichés de son histoire personnelle, ses autoportraits, les images de sa famille, et celles de sa communauté, à la fois documentaires et mis en scène, on assiste à la longue attente des jours meilleurs.

« L’art pour l’art ne m’intéresse pas, affirme LaToya Ruby Frazier. Mes images sont avant tout un appel à la justice sociale. »

Dont acte. Alors même que nombreux s’accordent à ne jamais juger l’art en fonction de son message ou de ses vertus sociales, celui de Latoya Ruby Frazier, engagé, militant et activiste, a clairement des comptes à rendre, et des comptes à régler.

Infos pratiques

« Performing Social Landscapes », exposition du 21 mai au 13 novembre 2016 au Capc, musée d’art contemporain de Bordeaux

Site internet du musée


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