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Monnaies locales : une vague de Miel sur Bordeaux

Des monnaies locales existent depuis quelques années en Gironde, mais étonnement aucune ne circulait à Bordeaux. Deux d’entre elles débarquent, à commencer par le Miel, à Darwin le 18 mai. Une autre, l’Ostréa, se crée sur le bassin d’Arcachon.

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Monnaies locales : une vague de Miel sur Bordeaux

Darwin lance sa monnaie locale maison le 18 mai (DR)
Darwin lance sa monnaie locale maison le 18 mai (DR)

« Se réapproprier la monnaie est une manière de créer des valeurs de forces de vie par rapport aux valeurs mortifères de la spéculation », a expliqué le philosophe Patrick Viveret, également président du mouvement Sol (expérimentations de monnaies sociales) lors d’une conférence donnée récemment à la caserne Niel, à Bordeaux.

Autrement dit, une monnaie locale crée des richesses humaines et matérielles là où la spéculation entraine des dérèglements préjudiciables à la société.

Si une monnaie complémentaire ne joue pas dans la cour des « grandes » tels l’euro et n’a pas vocation à les remplacer, elle joue un rôle de résistance à l’échelle d’un territoire.

Au Brésil, dans la favela de Conjunto Palmereiras où est née la monnaie locale Palmas, « on a coutume de dire que la monnaie est un bulletin de vote », a rappelé ainsi Philipe Labansat, coordinateur à l’association Trans’lib à l’origine de la monnaie d’intérêt économique locale (Miel), lors de cette même conférence.

Ce type de monnaie dite complémentaire est utilisée, comme l’exige la loi, dans un circuit fermé où prestataires et utilisateurs adhérent à une même association. C’est donc un acte volontaire de la part du consommateur qui choisit ainsi de favoriser le commerce local.

Perle locale

Sur le bassin d’Arcachon, un groupe d’une quinzaine de personnes s’inscrivant dans le mouvement des villes en transition veux créer sa propre monnaie : l’Ostréa. « Bassin en transition », c’est son nom, a préféré ne pas recourir à une monnaie complémentaire déjà existante, et créé sa propre monnaie pour favoriser l’adhésion des habitants.

Stéphane Basso, membre de l’association qui porte le projet, en explique les raisons:

« Nous avons choisi un nom qui fait directement référence à l’identité du territoire pour que les gens se l’approprient plus facilement. »

Stéphane Basso (DR)

Le collectif poursuit plusieurs objectifs :

« Resserrer les liens humains et préserver le bassin d’Arcachon qui reste très fragile. »

Et surtout accompagner la transition en faisant travailler des prestataires soucieux d’écologie et d’éthique. La création d’une charte est d’ailleurs la première tâche que s’est donnée l’association, une étape incontournable pour créer une monnaie locale. Elle préconise la traçabilité des produits comme une attitude respectueuse des employeurs vis-à-vis ses salariés.

Pas sectaire pour autant, le collectif, via un système de comité d’agrément crée au sein de l’équipe, pourra « laisser entrer des prestataires qui sans être totalement bio et éthiques, ont clairement la volonté d’améliorer leurs pratiques ».

L’équipe de l’Ostréa est déjà en contact avec une maraîchère de Biganos. D’autres producteurs de Bazas, déjà utilisateurs d’une autre monnaie locale, la Miel, sont également intéressés par le projet.

Plus près du Bassin, Géraldine Raymond, gérante du  Bon coing, un primeur fruits et légumes plutôt écolo d’Andernos, a entendu parler du projet de l’Ostréa par des clients. Dans la convention qu’elle a signé avec Bassin en transition, elle s’engage à respecter la charte de la monnaie, qui selon elle correspond bien à sa démarche :

« Nous privilégions déjà les producteurs locaux d’Eysines,  de Bègles du Lot-et-Garonne et des Landes.Une grande partie de nos produits sont bio et on prend tout ce qui pousse dans le coin si c’est de saison. »

L’intérêt pour la commerçante est aussi « qu’il y ait un échange avec les  producteurs et les commerçants locaux et qu’ils adoptent eux aussi cette monnaie car si j’ai trop d’Ostréa je veux pouvoir les échanger contre des euros ».

Gouvernance démocratique

Du côté de Bordeaux en transition qui porte aussi un projet de monnaie locale, le travail sur la charte est également important, comme l’explique Tristan Hoffman, référent du groupe :

« On fonctionne sur le modèle du forum ouvert (une méthode de réunion où les solutions sont cocréées par les participants, NDLR) basé sur le consentement. On fonctionne en cercle, chaque personne amende une décision jusqu’à parvenir à une décision qui convient à tout le monde. Ça apaise les tensions car à la fin on a pas besoin de trancher. »

Le processus peut être lent mais permettra au groupe de baser sa charte sur des valeurs communes. L’ancien auditeur financier en Suisse les énumère de manière non exhaustive :

« La consommation responsable, la réparation et l’enrichissement du lien social, rendre le bio accessible aux personnes défavorisées, la transmission et l’échange de savoirs sur la monnaie ou encore la gouvernance démocratique. »

Le groupe monnaie locale est déjà en contact avec quelques enseignes qui pourraient devenir prestataires, le cinéma Utopia, la Biocoop du cours Pasteur, la librairie la Machine à Lire à Bordeaux et un maraîcher bio à Bègles. Des prestataires variés car « l’idée est d’aller voir tous le monde, pas seulement ceux qui sont déjà dans une démarche alternative ».

Ces deux projets s’inscrivent dans la lignée du mouvement des Villes en transition qui a vu le jour en 2006 à Totnes en Angleterre et dont le but est de préparer l’après pétrole tout en prenant en compte le dérèglement climatique.

Effet boule de niel ?

Si le projet de Bordeaux en transition en est encore au stade de discussion, une monnaie locale va débarquer dès le 18 mai à la caserne Niel, un des lieux battant pavillon « vert » à Bordeaux. Jean-Marc Gancille explique pourquoi le choix s’est porté sur une monnaie déjà existante :

« Depuis le début, on considère d’un bon œil les initiatives liées à la transition écologique. On s’est beaucoup interrogés sur le type de monnaie qu’on allait adopter. Je savais par le biais d’un ami de Captieux que la Miel y fonctionnait bien. Son assise nous a intéressé parce que nous pouvons nous appuyer sur un réseau déjà existant et que nous voulions aller vite. »

Conférence de Pierre Viveret le 8 mars à Darwin (MO/Rue89 Bordeaux)

Le directeur du développement durable du groupe Evolution compte aussi sur le rayonnement de Darwin pour élargir l’audience de la monnaie :

« On a une vingtaine d’associations, 180 entreprises qui représentent environ 15000 personnes soit autant de potentialités pour faire connaître la Miel. »

Que la monnaie existe ou pas déjà sur un autre territoire, il faut également gérer les aspects techniques. En pratique choisir les lieux où seront installés les comptoirs d’échanges ou déterminer le nombre de coupure par exemple.

Le projet commencera par être mis en place au Magasin général, au Comptoir, à la conciergerie, et passera progressivement de 20 000 à 50 000 Miels en circulation.

« On va mettre ça en place petit à petit, poursuit Jean-Marc Gancille, le temps que le personnel soit formé et familiarisé avec la monnaie pour par exemple bien reconnaitre les billets. »

Par ailleurs Enercoop, coopérative de distribution d’électricité basée à Darwin, a déjà décidé que ses parts sociales pouvaient être payées en Miel. Le groupe Evolution compter verser l’indemnité kilométrique vélo en monnaie locale.

A Niel, une coupure de 33 miels, équivalente donc à 33 euros dans le réseau des commerçants qui ont adopté la monnaie, sera donc lancée le 18 mai. Un montant inhabituel pour rappeler le caractère conventionnel de la monnaie et la possibilité pour les citoyens de se la réapproprier.

Des ponts entre monnaies et territoires

Et en faire un outil capable de fédérer des circuits courts. Quand une monnaie est créé sur un territoire, elle permet de tisser des liens à différents niveaux. A l’Ostréa, commente ainsi Stéphane Basso, « on est plutôt proches de l’équipe de l’Abeille, la monnaie locale de Villeneuve-sur-Lot. Ils nous ont aidés en nous conseillant et en partageant leur expérience sur la gestion des comptoirs d’échanges, la gestion des caisses ou la gestion des tournées pour les remettre à  la banque ».

Suivant la même logique, il ajoute que l’Ostréa pourrait être utilisé à la Caserne Niel selon certaines modalités qui restent à discuter. Pour fonctionner, le système doit être facile à appliquer. Phillipe Labansat se souvient :

« Il y a déjà eu par le passé un projet de monnaie locale à Bordeaux. L’association “Oublions le AAA” s’était rapprochée de Trans’lib et voulait créer en 2010, une monnaie bordelaise, l’Hermès mais le système conçu était trop était compliqué à mettre en œuvre et n’a pas vu le jour. »

Aux oubliettes également le Carrelet, une monnaie locale qui devait circuler à Cadillac mais n’a jamais existé faute de bénévoles en nombre suffisant. S’ils se coordonnent, les deux projets bordelais pourraient atteindre cette masse critique.


#Bordeaux en transition

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