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Loi travail : blocage des entrepôts d’Auchan, « porte-monnaie du patronat »

[Mise à jour 13h30] Une centaine de personnes a marqué ce week-end de l’Ascension par une action coup de poing. Depuis ce vendredi 23h, elle bloque un entrepôt frigorifique d’Auchan Sud Ouest. L’idée ? Bloquer le porte-monnaie du patronat pour stopper la loi Travail. Récit de cette nuit debout.

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Loi travail : blocage des entrepôts d’Auchan, « porte-monnaie du patronat »

Une centaine de personnes dont beaucoup de jeunes ont permis ce blocage (XR/Rue89 Bordeaux)
Une centaine de personnes dont beaucoup de jeunes ont permis ce blocage (XR/Rue89 Bordeaux)

Un drôle de défilé quitte les quais de la Garonne vers 22h30 ce vendredi. En file indienne depuis la petite maison des syndicats de Bassens, plusieurs dizaines de voitures se dirigent vers l’A89. Prenant la direction de Libourne, le cortège nocturne bifurque à la sortie de Beychac-et-Caillau et se gare au bout du parc économique Bos Plan, devant la dernière entrée de la zone, celle de Kuehne et Nagel.

400000 euros de perdus ?

Ici, se trouve 12000 m² qui alimentent à travers le Sud Ouest, les produits frais de 14 hypermarchés et 13 drives Auchan et 49 supermarchés Simply Market ainsi que 12 Chronodrive. Alors l’idée est simple : empêcher toute sortie de camions. En tenant jusqu’à ce samedi midi, un manque à gagner de 200 000 à 400 000 euros pourrait être causé à la société.

Pacifiquement, les manifestants se sont installés à l’entrée de l’entrepôt (XR/Rue89 Bordeaux)

Le motif de ce blocage reste l’opposition franche à la loi Travail, car le collectif de lutte de rive droite y voit un lien clair :

« Nous restons convaincu.e.s que c’est en ciblant le porte monnaie du patronat, et donc en menant des actions de blocage de l’économie, que nous les ferons plier.« 

Aucun syndicat n’est à l’origine de cette action. Si certains manifestants sont issus de la CNT, de la CGT, de FO, de Sud, du squat bordelais la Chaufferie, de la CIP, de Nuit Debout Bordeaux, personne n’affiche sa couleur (voir encadré). Il n’y a donc pas de responsable, pas de porte-parole, juste des « citoyens avec leur responsabilité individuelle » assure-t-on.

Penseurs routiers

Tout au plus, il y a ceux qui se disent les « penseurs » de cette action  – tous chauffeurs routiers – dont Pascal qui veut faire bouger les lignes :

« On pourrait être 10 millions à tenir des pancartes, mais si les Français continuent de bosser, ça ne va pas les inquiéter. »

Ce membre de la CGT Transport dénonce une loi qui servirait avant tout les intérêts des grands groupes via notamment le lissage des heures supplémentaires sur trois ans au risque, assure-t-il, de faire perdre 400 à 700 euros par mois aux chauffeurs routiers qui travaillent 50 heures par semaine. Et ce qui vaut pour lui vaut pour les autres :

« Les hospitaliers, c’est pareil que nous ! Combien ils ont d’heures sup’ ? La police aussi ne va pas être d’accord non plus. Dans les services pénitenciers, ils sont en sous-effectif et passent plus de temps entre leurs quatre murs qu’en dehors. Je suis sûr que le gouvernement pense déjà à faire des statuts particuliers. Un régime spécial pour les routiers ? Moi, c’est non. je ne suis pas d’accord. »

« Ils vont camper là ? »

Présent également, le candidat NPA à la présidentielle 2017, Philippe Poutou, est sur la même ligne :

« On est tous de boutiques différentes, mais ces barrières tombent pour une action de blocage. Le mouvement anti-loi El Khomry permet une convergence jamais autant affirmée, jamais autant prise au sérieux. Le “Tous ensemble !” on l’entend depuis 1995 mais ça fait 20 ans qu’on ne le pratique pas vraiment. Là c’est l’occasion, comme quand Martinez [secrétaire national de la CGT] intervient à Nuit Debout. »

Pendant qu’il parle, quelques camions rentrent en sachant qu’ils ne pourront pas ressortir. D’autres – la majorité – se garent les uns derrière les autres. Une vingtaine sont à l’arrêt passé 2h du matin. Les chauffeurs-routiers se retrouvent et discutent. L’un d’eux reste à l’écart. Avant de téléphoner à son patron, il s’interroge et s’esclaffe :

« Ils vont camper là ? Parce que s’ils restent un quart d’heure je reste, sinon je rentre chez moi. Moi, je m’en fous, je serais payé autant. »

Une partie des mobilisés part reprendre des forces, mais la majorité échange en tapant le carton autour d’un verre. Des gendarmes se sont approchés, fendant la foule restée pacifique. Routiers et étudiantes en école d’infirmières font connaissance. Bernard expliquant ses harcèlements et coups reçus au boulot, quand Perla se désespère des cours reçus où les futures infirmières apprennent qu’il faut être « flexibles et adaptables, des gamines de 18 ans écoutent et croient que la vie n’est que ça ».

« Arrêter de se plaindre »

Pour elle, la loi El Khomry est « une étincelle » qui allume la mèche de la contestation. Nuit Debout ? Ça a ouvert la parole, mais reste frustrant. Les manifs ? « c’est la base, le minimum syndical ! » Ce blocage ? Elle l’attendait. Sa camarade de promo, Camille, opine et ajoute : « C’est un moyen d’arrêter de se plaindre ».

Seulement, le temps presse. La loi est entrée en débat parlementaire. Et ce type d’action est isolée, mais pour Carl Pivet, d’AC Chômage, « ça préfigure d’autres mobilisations à venir ». Reste à tenir celle-ci au moins jusqu’à ce samedi midi. Vers 5h30, le blocage tenait toujours. A 6h25, un SMS est expédié pour du renfort :

« La fatigue se fait sentir. On a besoin de toi au petit matin pour tenir jusqu’à midi. On t’attend dans la zone économique Bos Plan, sortie 6 Caillau, sur la RN 89 axe Bordeaux/Libourne. »

Une relève est espérée. En attendant, au cœur de la nuit, une autre banderole apparaît : « En mai, bloque ce qu’il te plaît. »


#auchan

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