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Quand les psys crèvent l’écran

Les psys de tout poil sortent du bois ce vendredi et jusqu’à dimanche pour rappeler au public que la psychothérapie, ça s’apprend et qu’il n’est pas bon de mettre sa santé – et sa tête, en l’occurrence – entre les mains de n’importe qui.

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Quand les psys crèvent l’écran

A travers les films, les psy du festival Cinopsy vont tenter d'expliquer en quoi la psychothérapie pourrait aider les intervenants. Ici, Pio Marmaï dans Un heureux événement.
A travers les films, les psy du festival Cinopsy vont tenter d’expliquer en quoi la psychothérapie pourrait aider les personnages. Ici, Pio Marmaï dans « Un heureux événement » (DR).

Comme le message n’est pas d’une transparence totale et qu’il pourrait laisser le public indifférent, la Fédération française de psychothérapie et de psychanalyse (FF2P) passe par le cinéma pour évoquer les psychothérapies et leurs objectifs.

Cinopsy’s est le premier événement du genre en France. A travers cinq films qui illustrent « La traversée du temps » – thème du festival – de la naissance au décès, la FF2P souhaite mettre en lumière ces différents moments de la vie, leurs questionnements, leurs crises, leurs obstacles… Surtout, un débat à l’issue de chaque séance permettra aux professionnels d’expliquer en quoi les personnages auraient pu être aidés grâce à la psychothérapie. Un bon moyen de divertir tout en informant le public. Des petits-déj avec des psychopraticiens sont prévus samedi et dimanche pour rencontrer les professionnels et échanger sur leurs pratiques.

« Il y a encore le sentiment que la psychothérapie est réservée aux malades », regrette Jean-Luc Colia, président du festival.

Ou qu’il faut forcément s’allonger sur le divan… « La psychothérapie, ce n’est pas que la psychanalyse », ajoute-t-il.

« Il y a d’autres méthodes, surenchérit Pierre Canouï, président de la FF2P : la thérapie humaniste et existentielle basée sur le dialogue, psychocorporelle (sophrologie…), systémique et familiale (pour les groupes), la thérapie cognitivo-comportementale et les thérapies transculturelles. »

Pour le public, le message n’a cependant jamais été aussi embrouillé. La seule question qui intéresse le patient reste « à qui me fier ? »

Pour la reconnaissance des psychopraticiens

« Nous voulons faire connaître le métier de psychopraticien », tente d’expliquer Jean-Luc Colia. Un terme qui suppose formation, thérapie personnelle et supervision par un confrère. Dans le souci de protéger le patient d’un suivi peu qualitatif, voire de dérives. Si en 2004, le médecin et député Bernard Accoyer a voulu légiférer le titre de psychothérapeute – réservé aux psychologues, psychiatres et à certains psychanalystes – il n’a rien dit sur la formation et a donc autorisé des professionnels qui n’ont jamais étudié ou pratiqué la psychothérapie à en réaliser. Surprenant. En effet, la psychothérapie n’est pas étudiée à l’université, les apprentissages n’y sont que théoriques. Aussi étonnant que cela puisse paraître, Marie-Thérèse Fourgeaud, représentante régionale du collectif psychologues de l’Ufmict-CGT, est d’accord.

« Ce ne sont pas les six ans d’étude qui forment à la psychothérapie et nous déconseillons à nos jeunes collègues qui veulent se lancer tôt dans la vie active en raison du contexte économique de démarrer leur activité sans formation complémentaire en psychothérapie. C’est un exercice du métier, il faut 10-15 ans de travail personnel avant de se lancer. »

C’est pour cela que la FF2P grince des dents car elle a dans ses rangs des professionnels de la psychothérapie qui ne sont pas reconnus psychothérapeutes. Ce flou juridique donne parfois lieu à des situations ubuesques.

Par exemple, le titre officiel de Marjorie Charles, installée à Bègles, est psychanalyste, terme qui n’impose aucune formation, ni compétence particulière et qui pourrait être utilisée par un ancien gendarme ou une employée de bureau.  Marjorie a été formée en psychothérapie analytique et existentielle durant quatre ans, en école privée, et elle a encore trois ans de formation pour prétendre au statut de psychopraticien certifié. Un titre reconnu par l’Europe, mais pas par la France et pour lequel la FF2P se bat. Elle pourrait dire qu’elle est psychopraticienne, ce qui a plus de sens et donne plus de garanties que psychanalyste, mais « je ne veux pas l’utiliser car ce n’est absolument pas connu ».

Psychologue, psychanalyste, psychothérapeute, psychopraticien… Qui êtes-vous ? (photo Adobe Stock)

C’est tout l’enjeu du combat de la FF2P : la reconnaissance d’un titre qui doit avoir un sens pour le patient. Et qui le protège. La supervision par la loi est essentielle, selon Marjorie, mais elle n’a rien d’obligatoire pour les psychothérapeutes.

« Une fois, j’ai eu une enfant en consultation qui n’a pas décroché un mot de toute la séance, j’ai tout de même fait ma séance, je lui ai lu un livre… Elle n’a pas réagi. J’étais déçue, j’en ai parlé à mon superviseur, il m’a expliqué ce que j’aurais dû faire et là où j’ai commis des erreurs. »

Ainsi, les psys supervisés ne sont pas livrés à eux-mêmes et ils connaissent leurs limites.

Si Marie-Thérèse Fourgeaud comprend le combat de la FF2P, elle s’étonne de les voir créer un nouveau titre qui n’a pas vraiment de sens.

« Nous défendons l’idée du titre unique, avance-t-elle, mais avec un véritable contenu. »

Le problème de la psychothérapie est de n’être enseignée que dans des écoles privées. Les syndicats explorent des pistes  comme la création d’un doctorat universitaire d’un an après les études de psychologue.

Dérapeutes

Et le patient là-dedans ? Marie, une Mérignacaise de 31 ans est suivie depuis plusieurs mois par un thérapeute, qu’elle a toujours appelé « mon psy ». Elle a appris, il y a quelques semaines, que son psy n’en était pas un, mais un thérapeute qui a suivi une formation spécialisée en école privée. Perturbée sur le coup, elle reconnaît tout de même que c’est le « feeling » avec lui qui compte.

« Je me sens bien avec lui, il m’aide à aller mieux, à réfléchir autrement, savoir quelle école il a fait ne m’intéresse pas. »

Pourtant, en savoir plus sur son psy minimise le risque de tomber sur des « dérapeutes ». Ces psys qui dérapent et qui abusent de la relation qu’ils ont avec leurs patients. Le documentaire Emprise mentale, diffusé sur France 5 en avril dernier décrit très bien ces dérapages. Un phénomène qui, selon l’Ufmict-CGT reste très rare à Bordeaux.

« On a plus de psy qui ne servent à rien que nocifs », lâche Marie-Thérèse Fourgeaud.

En France, la Mivilude qui lutte contre les dérives sectaires a recensé 400 pratiques – parfois discutables – appelées psychothérapie. Elle enregistre tout de même 2500 plaintes de patients chaque année.

Enquêtez sur votre psy

Pour Véronique Slitinsky, thérapeute conjugale et familiale à Latresne, ce débat sur les appellations n’a rien d’essentiel. Elle reconnaît quand même qu’en tant que conseillère conjugale et familiale, elle aurait légalement pu s’installer en tant que thérapeute, sans formation supplémentaire. Mais c’est cette formation suivie à l’institut Michel Montaigne à Cenon qui lui a permis d’acquérir des outils spécifiques « pour mieux aider la personne. »  Elle incite le patient à réagir en retour :

« Les patients ont le choix, ils doivent poser des questions à leur thérapeute, sur sa formation, son école, sa supervision… Moi ça ne me pose aucun problème de parler de mon parcours et de dire que je ne suis pas psychologue. J’ai une formation spécifique pour recevoir les couples et les familles. Et cela ne s’improvise pas. »

Marjorie acquiesce : « Au premier entretien, j’explique comment je travaille, je parle de ma formation… »

N’avoir aucune information sur son thérapeute doit alarmer le patient. « Il faut à tout prix éviter les Pages Jaunes lorsque l’on cherche un psy ! », ajoute Marjorie. Les annuaires des fédérations reconnues par l’état, comme la FF2P, le syndicat SNP Psy, celui de Psychologies Magazine  ou des écoles listent les professionnels certifiés. Elle recommande également de contacter l’Agence régionale de santé pour s’assurer que son psychothérapeute y est bien inscrit et en cas de doute sur ses pratiques – l’ARS dispose d’une cellule de veille chargée de vérifier la qualité des professionnels.

« Dès qu’il y a un sentiment de discordance entre ce qu’il attendait et ce qu’il reçoit ou qu’il perçoit un décalage, le patient doit s’interroger. »

Avec ou sans psy, on n’a pas fini de se faire des films et de se prendre la tête.

Tout le programme de Cinopsy’s sur la page Facebook de l’événement


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