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Qui sont ces supporters des quatre coins de l’Europe ?

Depuis quelques semaines, les rues de Bordeaux ont pris les couleurs des drapeaux belge, irlandais, gallois, croate, espagnol ou encore hongrois. Des passionnés de football ont souvent fait plusieurs centaines de kilomètres pour supporter leur équipe, avec ou sans billet pour le stade, en famille ou entre amis. Rencontres.

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Qui sont ces supporters des quatre coins de l’Europe ?

Hongrie : « Un comeback plus énorme que Schwarzenegger »

Adam, Csaba, Norbi et Tatiana ont parcouru 2 000 kilomètres pour la fan zone bordelaise (AP/Rue89 Bordeaux)

Nous sommes à quelques minutes de la fin du match Hongrie-Autriche disputé ce mardi 14 juin. A 1-0 pour leur équipe, les supporters Hongrois retiennent leur souffle et prient pour que leur concurrent n’égalise pas. C’est alors que les Hongrois marquent un deuxième but. Ivres de joie, ils se sautent dans les bras ou tombent au sol, la tête dans les mains. Csaba, les genoux à terre, brandit son drapeau vers le ciel. Avec ses quatre amis, il a parcouru 2 000 kilomètres en voiture pour se rendre à Bordeaux ce soir. Un voyage de trois jours, avec une nuit passée à Budapest et une autre près de Milan. Peu importe s’ils ne sont que dans la fan zone, ils devaient être présents.

« La Hongrie n’a pas été qualifiée pour l’Euro depuis 44 ans, explique Adam, nous n’étions même pas nés la dernière fois que c’est arrivé ! »

« C’est un moment incroyable pour la Hongrie, un come-back encore plus énorme que celui de Schwarzenegger dans Terminator », rit Norbi, une énième pinte de bière à la main.

Alors pour les 26 ans de Csaba, ils décident avec Adam et Tatiana, sa copine, de faire le voyage jusqu’en France.

Pour se rendre jusqu’à la fan zone bordelaise, les quatre amis font aussi un périple.

« On loge dans un AirBnb en périphérie de Bordeaux, du coup on doit faire du stop pour aller jusqu’à la fan zone », explique Adam.

« C’est un Bordelais, Florian, qui nous a pris. Il nous a sauvé la vie, on était sur le point de rater le match », raconte Csaba.

S’il a une « impression très positive de Bordeaux », Adam trouve tout de même que la ville s’endort tôt.

« Hier, tout a fermé à deux heures. C’est un lundi, okay, même il faut penser aux touristes : on veut aller danser toute la nuit et rencontrer des Françaises ! », lance dans un rire le jeune développeur informatique.

Aucune importance : déjà bien éméchés, ils se rattraperont ce soir, pour « fêter dignement [leur] victoire ». Le lendemain, ils seront de nouveau sur la route. Pas de retour en Hongrie, mais direction Marseille, où leur équipe disputera un deuxième match contre l’Islande le 18 juin.

Pays de Galles : « La première fois depuis 56 ans »

Charlie et Anna sont venus de Cardiff pour supporter le Pays de Galles depuis la fan zone de Bordeaux (AP/Rue89 Bordeaux)

Son maillot rouge et blanc contraste avec sa robe à fleurs, mais le couple gallois reste collé l’un à l’autre. Sur leur visage, des lunettes de soleil, et dans leur main, une pinte de bière chacun. Ce samedi 11 juin, les gallois Anna et Charlie Taylor sont venus jusqu’à la fan zone de des Quinconces pour supporter leur équipe. À quelques kilomètres de là, le Pays de Galles affronte la Slovaquie dans le stade Matmut-Atlantique de Bordeaux pour en match de poule.

« C’est la première fois depuis 56 ans qu’on est qualifiés pour l’Euro, explique le sapeur pompier de 46 ans avec un accent de Cardiff. ça valait le coup de faire le voyage ! »

« On est venus avec trois autres couples d’amis, tous dans le même hôtel », détaille Anna Taylor, maître de conférences à l’Université de Cardiff.

Mais le couple est seul devant l’écran géant qui occupe la place des Quinconces, malgré la horde de maillots rouges.

« Nos amis ont réussi à avoir des places au stade et nous avons laissé les enfants à la maison », justifie-t-elle avant de siroter sa bière.

Depuis les attentats du 13 novembre 2015, Charlie et Anna avaient hésité à abandonner le voyage, mais leur passion pour le football a prévalu.

« On était inquiets et notre famille l’est toujours d’ailleurs, d’où notre décision de ne pas ramener nos enfants », raconte Anna.

Pour le couple, habitué des grandes compétitions outre-Manche, la sécurité en France est « un peu laxiste et pourrait être bien meilleure », surtout dans le climat « tendu » qui règne actuellement.

A quelques minutes de la fin du match, les deux équipes sont à égalité (1-1). Charlie, carrure de sportif et cheveux grisonnants, ne cache pas sa joie entre deux gorgées de bière.

« Franchement, si ça se finit en match nul, je serai déjà super content », lâche-t-il. Et si le pays de Galles gagne ? « Dans ce cas-là, je vais me mettre sous un tonneau de bière et boire jusqu’à ne plus en pouvoir ! »

C’est alors que son équipe marque un deuxième but. Une horde de chemises rouges saute et jette de la bière partout dans la fan zone. Le maillot rouge et la robe fleurie partent alors en vitesse se fournir en bière, se préparer à la nuit festive qui s’annonce.

« On va le fêter, parce que, franchement, je ne pense pas qu’on gagnera une deuxième fois », crient-ils.

Erreur : victorieux de son troisième match, après une défaite contre l’Angleterre, l’équipe de Gareth Bale termine même première de son groupe.

Belgique : « Si l’équipe va en finale, je la suis jusqu’au bout ! »

Serge Rochart, au centre, a déjà réservé ses places pour tous les matchs de l’équipe Belge (AP/Rue89 Bordeaux)

« Ma passion, c’est la gastronomie, la bière et le foot ! », plaisante Serge Rochart, une pinte à la main.

Le supporter des « Diables rouges » est venu en voiture de Mons, pour un tour de France sportif et culinaire.

« Ça fait trois ans que je mets 100 euros de côté tous les mois pour ce voyage », raconte l’ancien ingénieur agronome.

Après Lyon et Bordeaux, direction Nice et Toulouse.

« J’ai réservé un hôtel dans toutes les villes qui accueillent notre équipe. Si elle perd, j’annule la nuit. Mais si elle va en finale, je la suis jusqu’au bout ! », assure-t-il entre deux gorgées de bière.

Cette excursion, c’est aussi l’occasion de visiter la France. Et surtout, de bien manger. Serge a tout organisé :

« On va faire une petite escale à Marseille avant de rejoindre Nice. J’ai réservé un super resto de bouillabaisse dans les calanques. »

Et avant Toulouse, le groupe d’amis fera un petit détour par Carcassonne pour déguster un cassoulet. A Bordeaux, c’est à Saint-Émilion que les supporters ont découvert les spécialités locales avant de se diriger vers le stade Matmut-Atlantique.

« L’organisation est géniale ici, surtout les transports, et le stade magnifique », se réjouissent les supporters, qui gardent un mauvais souvenir des transports lyonnais. Un bémol cependant… « La pinte est chère ! », rit Serge, qui a déboursé 750 euros pour assister aux matchs.

Peut importe, pour Serge ce sport est bien plus qu’une passion.

« Le foot, c’est aussi devenu mon métier, raconte Serge. A 53 ans, je me suis dit que la plus belle façon de finir ma carrière serait le foot. Alors j’ai lâché mon boulot d’ingénieur pour rentrer à l’Union Belge. » Depuis quatre ans, il s’occupe du foot amateur pour la fédération.

« Je ne suis pas payé comme nos joueurs, mais j’adore ce que je fais ! », confit-il dans un sourire.

Irlande : Un voyage à 800 euros

Fair play, les supporters Irlandais brandissent les drapeaux belges et Irlandais après une défaite 3-0 au stade de Bordeaux (AP/Rue89 Bordeaux)

Il est à peine 18 heures, mais Brian, Daniel, Adam, Diclan, Mike, John et Christopher ont déjà bien entamé leur soirée. Ils reviennent en chantant de la fan zone, malgré leur défaite 3-0 contre la Belgique.

« On les aime ces Belges, regardez, ils nous ont même offert un drapeau », lance Adam, 20 ans.

Avec ses six amis, il est allé de Dublin à Paris pour supporter leur équipe, qui jouait le 13 juin contre la Suède.

« On avait nos places au Stade de France », se délecte encore le jeune homme.

Même s’ils n’ont pas réussi à avoir de places dans le stade bordelais, les supporters ont sauté dans le TGV direction la fan zone des Quinconces.

« C’est très important pour nous de supporter l’équipe nationale, et puis on adore la France, les gens sont si sympas ! »

Leur objectif est désormais d’aller à Lille pour la rencontre Irlande-Italie du 23 juin. Mais leur coûteux rêve risque bien de partir en fumée. Entre l’hébergement, le trajet, les places pour le match, l’alcool et la nourriture, ils ont dépensé pas moins de 800 euros chacun.

Dans quelques jours, ils quitteront donc leur location cours de la Somme pour s’envoler vers Dublin.

Croatie : camping aux Chartrons

Kreso, Dario, Dubravko et Aron sont partis deux semaines en camping-car pour « mêler vacances et sport » (AP/Rue89 Bordeaux)

Ce mardi 21 juin, une rangée de camping-cars s’alignent sur les quais des Chartrons. Accrochés aux arbres ou sur les camions, des drapeaux Croates. Les supporters ont fait plusieurs jours de voiture pour assister à la rencontre contre l’Espagne.

Le long de la Garonne, une bande d’amis enchaîne les bières autour de leur table pliante. Kreso, Dario, Dubravko et Aron passent leur deuxième nuit à Bordeaux.

« Hier on a garé notre caravane vers l’iBoat, sans savoir que c’était une boite de nuit. Des gens passaient tout le temps près de nous, s’installaient à côté pour boire, c’était horrible ! », raconte Dubravko en riant. Ils ont donc migré quelques kilomètres plus loin, près de la station Chartrons, où de nombreux supporters ont élu domicile.

« La vie est deux voire trois fois plus chère en France par rapport à chez nous, explique Dubravko. D’ailleurs beaucoup de Croates n’ont même pas pu venir jusqu’ici. »

Gérant d’une clinique dentaire à Zagreb, le quadragénaire ne connaît pas ce problème. Mais il a tout de même fait le choix de dormir en camping-car.

« C’est beaucoup plus simple de bouger d’un endroit à l’autre suivant nos envies ou la météo. Hier on était à Lacanau, et demain qui sait où on ira ! »

Si Dubravko a assisté au match de la Croatie contre la République Tchèque à Saint Etienne, il est aussi venu visiter la France. Nice, Avignon, Arles, Aix en Provence, Marseille… depuis une dizaine de jours, il écume les villes du sud.

« On est pas allés à Paris, ça semblait trop dangereux, trop bondé. A Bordeaux c’est beaucoup plus calme. Ce n’est peut-être pas habituel de camper ici, mais pourtant personne n’est venu nous déloger, et aucun policier n’est venu. Les gens sont adorables et l’organisation au top. »

Seul bémol selon son ami Aron, la sécurité :

« On pourrait rentrer dans la fan zone avec une bombe grosse comme ça ! », dit-il les bras grands ouverts.

Il raconte une brève palpation inutile à l’entrée de la zone. Pourtant, les Croates ne sont pas inquiets. Ils ne s’attendent à aucun débordement, même après le match chaotique contre la République Tchèque.

« On s’entend bien avec les Espagnols, beaucoup de joueurs Croates jouent au Real Madrid. D’ailleurs je m’attends à un match assez tranquille, peut être un match nul 0-0. »

Ce qui permettrait tout de même une qualification. Si leur équipe continue le tournoi, Dubravko et Aron songent déjà à la suivre.

« Si c’est une ville sûre et pas trop loin, on ira. » Pour l’instant, ils ne savent même pas quand ils partiront de Bordeaux. « Tout dépend du nombre de bières qu’on boira ce soir ! », lancent-ils en riant.

Sûrement beaucoup : la Croatie l’a finalement emporté deux buts à un.


#Euro 2016

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