Rue89 Bordeaux : Vous étiez intéressé pour être candidat, finalement c’est non, pourquoi ?
Noël Mamère : J’ai toujours dit que ma candidature pouvait être envisageable mais je ne suis me jamais porté candidat à la candidature. Je ne suis jamais allé au point de Cécile Duflot ou de Yannick Jadot qui disent qu’ils sont candidats. J’ai dit qu’on pouvait imaginer cette éventualité dans le cas d’un retrait de Nicolas Hulot. Nicolas Hulot s’est retiré et j’ai examiné la situation.
Pour moi, si Nicolas Hulot faisait l’unanimité c’est parce que sa candidature allait au-delà de l’écologie. Je pense que je pouvais être le plus en mesure d’aller au-delà de l’écologie parmi les candidats qui restent. Il aurait fallu que je sois candidat en dehors de l’appareil, sans passer par une primaire mais pour travailler au rassemblement. Je pense que je n’ai pas les moyens d’y parvenir. Je n’ai pas envie de courir cette aventure car je la trouve trop fragile et trop hasardeuse.
Vous voyez d’autres candidats pour la courir ?
Non. En fait, on s’est accroché à Nicolas Hulot comme à une bouée de sauvetage dans la mesure où l’écologie politique ressemble plutôt au Titanic. Nous sommes dans une situation où on médite cette phrase : « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. » On regarde autour de nous et on voit qu’on est entrain de plonger. C’est révélateur de la faiblesse de l’écologie politique en France.
C’est-à-dire ?
Les écologistes qui ont toujours eu horreur des hommes ou des femmes providentiels s’accrochaient à Nicolas comme à un homme providentiel. Il a décidé pour les raisons qui sont les siennes de ne pas se lancer dans cette aventure politique. Le roi est nu. L’écologie politique se retrouve totalement désemparée. Comment en quelques mois sortir de cette situation de marasme et de vide ? Et pourtant, il faut un candidat ou une candidate de l’écologie sociale et citoyenne ! Très franchement, je ne vois pas d’alternatives pour l’instant.
Comment en créer ?
Il faut que les écologistes soient capables de travailler collectivement plutôt que de s’empailler avec une primaire. Tous les prétendants, vont-ils être capable de réfléchir collectivement et de s’ouvrir à la société ? Je ne suis pas sûr qu’ils en soient capables. C’est ma grande crainte. Si je peux y contribuer de là où je suis, je le ferais. Ce qui m’intéresse c’est la refondation de la gauche et de l’écologie dans la mesure où nous sommes dans une fin de règne et une fin de cycle.
Ce serait donc suicidaire qu’EELV fasse cavalier seul ?
Un candidat d’EELV dans les débats de 2017 se ferait complètement écrabouiller. L’avantage de Hulot c’est qu’il arrivait à agrandir le cercle.
Quel regard portez-vous sur la loi Travail qui est finalement passée malgré les mobilisations dans la rue et à l’Assemblée ?
La victoire de Valls sur nous [parlementaires, NDLR] et sur le mouvement social est une victoire à la Pyrrhus. C’est un choix délibéré car il mise sur l’épuisement et l’effondrement de sa gauche telle qu’elle est aujourd’hui pour construire un grand parti démocrate à la Renzi [président du conseil des ministres italien]. Sa feuille de route est pour après 2017. C’est une victoire en trompe-l’œil. Ça va laisser des traces et notamment chez tous ceux qui ont voté Hollande en 2012 et qui se sentent floués pas seulement sur la Loi Travail mais sur l’ensemble de la politique menée pendant 5 ans.
Vous avez été à l’initiative avec le site Reporterre d‘un rapport sur les violences policières, qu’est-ce que vous en tirez ?
Le bilan est effrayant. On n’a pas fini de travailler sur ces questions mais on est entrain d’assister à un changement de doctrine du maintien de l’ordre dans ce pays. Maintenant, les policiers vont à l’affrontement alors que la doctrine qui présidait était le maintien à distance. Ce changement de doctrine était d’ailleurs déjà écrit dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur le maintien de l’ordre, demandé par les écologistes au lendemain de la mort de Rémi Fraisse [sur le barrage de Sivens dans le Tarn] et que je présidais. J’avais voté contre le rapport de Pascal Popelin [député PS de Seine-Saint-Denis]. On avait été deux sur 30 à voter contre : moi et Marie-Georges Buffet [PCF].
L’idée initiale était de dire comment adapter le maintien de l’ordre au droit de manifester et à la liberté d’expression qui sont des droits constitutionnels ? Sous la plume du rapporteur Pascal Popelin, c’était devenu : comment adapter le droit de manifester et la liberté d’expression au maintien de l’ordre ? Vous en avez la déclinaison depuis 4 mois avec la volonté de criminaliser le mouvement social et avec un nouveau mot à la mode – déjà connu sous la droite donnant lieu à une « loi anti-casseur » abrogée par la gauche – ce mot « casseur » qui revient en permanence dans la bouche de Cazeneuve et de Valls.
Ces quatre mois de mobilisation ont créé de nouveaux liens au sein de la gauche ?
Ils ont crée des liens comme l’ont fait les 56 députés qui se sont retrouvés à deux reprises à la frontière d’une motion de censure. Ça crée aussi des liens et c’est une préfiguration d’un socle commun de la refondation de la gauche et de l’écologie.
Pour 2017 ?
Non. C’est une étape. Nous aurions beaucoup plus d’intérêts à viser les législatives que les présidentielles, même si dans le système actuel elles sont incontournables. C’est le passage obligé mais ça n’est pas le plus important. Il faudra plusieurs années pour reconstruire ce qui a été détruit. Même à droite, ils sont divisés. Les dégâts du néo-conservatisme et du néo-libéralisme sont gravissimes. On ne reconstruit pas ça en quelques mois.
De nouvelles alliances sont à prévoir. Elles ne pourront pas se passer qu’entre politiques, mais avec la société avec laquelle on doit se réconcilier. On est entrain d’assister au même scénario qu’en 1969 avec la fin de la SFIO quand Deferre avait fait 5 % et Rocard 3,6 % [donnant lieu à la création du PS]. Aujourd’hui, des événements et des comportements ne peuvent pas rester impunis. L’histoire se rappelle toujours à votre bon souvenir et ces gens le paieront au prix qu’ils doivent payer.
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