Journaliste depuis quinze ans (seize exactement), j’ai été mangée à toutes les sauces de la presse écrite : PQR, PQN, magazine, web, blog… A Bordeaux longtemps, mais aussi à Paris ou Berlin. C’est d’ailleurs depuis la capitale allemande que je collabore à Rue89, aux tous débuts de ce pure player nouvelle génération. A l’époque, sur le site national, aucun pigiste n’était payé. Il a fallu attendre plus d’un an pour qu’on commence à l’être. Mais l’aventure semblait belle, le ton un peu libéré.
Quand, de retour à Bordeaux, Simon Barthélémy – vieux compagnon de l’école de journalisme de Strasbourg – me dit qu’il va devenir rédacteur en chef de Rue89 Bordeaux, je trouve le pari osé, mais je me réjouis. Je sais qu’à Lyon et Strasbourg, ces antennes locales, totalement indépendantes du grand frère parisien passé depuis dans l’escarcelle de l’Obs, ont bousculé le paysage de la presse locale. Le ton, la forme, le fond.
Bref, une brèche s’ouvre dans laquelle Rue 89 Bordeaux s’engouffre pleinement, avec trois fois rien mais une incroyable foi dans le renouvellement médiatique.Toute observation fait mouche. Toute discussion mène à sujet. Et ça prend. Les Bordelais accrochent à ce nouveau média qui opère un vrai travail de fond, privilégie les enquêtes, pose un regard oblique sur la ville, ses habitants, son monde politique, économique, son paysage culturel. Tiens, Bordeaux peut donc se regarder autrement, même au quotidien.
Pour la pigiste que je suis, Rue89 bordeaux offre une respiration, une autre manière de faire, moins pressée, moins urgente, moins dictée par l’agenda, plus personnelle peut-être. On prend le temps aussi, d’être prêt à publier. Et on est payé, dès les débuts ! D’un meeting de campagne aux expériences de l’autopartage, des jeunes agitateurs de la scène théâtrale bordelaise aux dessous de la culture darwinienne, les grands écarts sont autorisés, les propositions toujours les bienvenues, discutées.
Autour de moi Rue89 Bordeaux est devenue une source d’info importante, lue, commentée. Sa couverture des derniers mouvements sociaux, au plus près de ce qui se jouait dans la rue, à contre-courant d’une presse aux ordres, a légitimé un peu plus son travail aux yeux d’un lectorat de plus en plus méfiant vis à vis des médias. Après deux ans et demi, il m’est impossible d’imaginer que ce lieu de débat, d’expression et d’échange me – nous – soit retiré.
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