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Redon et les maîtres du fantastique épatent la galerie

A l’occasion du centenaire de la mort de l’artiste bordelais Odilon Redon, la Galerie des Beaux-Arts accueille l’étonnante exposition « Fantastique ! L’estampe visionnaire de Goya à Redon », jusqu’au 26 septembre.

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Redon et les maîtres du fantastique épatent la galerie

"Gnome", planche VI de la série "Dans le rêve", d'Odilon Redon (DR)
« Gnome », planche VI de la série « Dans le rêve », d’Odilon Redon (DR)

Bestiaires fabuleux de dragons, araignées ou misocampes, scènes de cauchemars peuplées de diables et de revenants, « œil ballon » ou « œuf qui s’étonne de ce qui l’entoure » : bienvenue dans la saisissante exposition « Fantastique ! », actuellement à la Galerie des Beaux-Arts.

D’abord présentée au Petit Palais, à Paris, ce panorama de « l’estampe visionnaire de Goya à Redon » trouve naturellement sa place à Bordeaux, où mourut le premier et où naquit le second (en 1840). « Fantastique ! » est d’ailleurs le premier événement organisé pour le centenaire de la mort d’Odilon Redon, avant « La nature silencieuse », une exposition de ses paysages qui sera présentée en décembre au musée des Beaux-Arts (Musba).

Les landes et marécages du Médoc ont sans doute le goût pour l’étrange du peintre bordelais, qui a grandi à Peyrelebade. La galerie des Beaux-Arts replace aussi son œuvre dans une lignée fantastique, que l’on peut faire remonter à Jérôme Bosch pour ses peintures de monstres imaginaires, mais qui se déploie au XIXe siècle à travers trois générations d’artistes, dont 170 lithographies prêtées par la BNF (bibliothèques nationales de France) – toutes en noir et blanc, idéal « pour traiter le thème de l’irréel, en n’étant pas dans les couleurs de la réalité », souligne Isabelle Deccia, responsable du service des publics au Musba.

Voie d’accès vers l’inconscient

Les « Caprices » de Francisco de Goya ouvrent logiquement l’exposition. Réalisée après une grave maladie qui a rendu le peintre totalement sourd, et publiée en 1799, cette série de gravures présente des scènes oniriques, dont le fameux « Sommeil de la raison engendre des monstres », où Goya se représente lui-même en train de rêver.

« La découverte de Goya tient à ce qu’il établit une continuité entre le monde des superstitions, des figures consignées dans les légendes ou les contes, et l’univers intérieur de ses contemporaines et de lui même : le surnaturel devient une voie d’accès vers l’inconscient », écrit l’historien Tzvetan Todorov dans la préface du catalogue de l’exposition.

« Le sommeil de la raison engendre des monstres », un des « Caprices de Goya (DR)

Réaction à l’ère des Lumières, comme il le sera plus tard au positivisme, le romantisme est en vogue, et le fantastique (définition première du Larousse : « Qui n’a rien de réel ; chimérique ; imaginaire ») une de ses déclinaisons en littérature : les contes d’Hoffmann, le « Faust » de Goethe, les œuvres de Gérard de Nerval ou Victor Hugo, les « Histoires extraordinaires » d’Edgar Allan Poe sont illustrées par (ou inspirent) Eugène Delacroix, Gustave Doré, Louis Boulanger… à qui la nouvelle technique de la lithographie offre une riche palette.

Artistes maudits

D’autres créent leur propre univers parallèle, comme Jean-Jacques Grandville, dont les dessins d’ « Un autre monde » ou de « Deux rêves »  inspireront fortement Odilon Redon. L’originalité et la drôlerie de ces illustrations, surréalistes avant l’heure, sont stupéfiantes.

« A côté de ces sources littéraires, les diableries populaires et fantastiques vont avoir un succès énorme dans les arts populaires, comme les fantasmagories (spectacles d’optiques à l’aide de lanternes magiques ou d’ombres chinoises) ou les diableries », indique Isabelle Deccia.

« Deux rêves », de Grandville, source d’inspiration pour Redon (DR)

D’autres artistes, poursuit la docteur en histoire de l’art, verront eux « leurs œuvres déroutantes refusées d’être publiées par les éditeurs, comme Alphonse Legros, qui instillait du fantastique dans des scènes qui apparaissent au départ réaliste ». Isabelle Deccia range parmi les « artistes maudits » Charles Meryan, qui a effectué plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, et Rodolphe Bresdin, qui vivait dans la forêt. Mais c’est à Bordeaux, dans les années 1860, que ce dernier a initié Odilon Redon à la gravure et à la lithographie.

L’un des sommets de cette exposition passionnante est atteint avec « Dans le rêve », série de noirs du peintre bordelais, parue en 1879 et dont le titre est une réaction aux courants impressionnistes et naturalistes.

« De l’éclosion à la mort, les dix planches, soigneusement ordonnées, s’enchaînent comme la succession des images d’un rêve au sein duquel, derrière la puissance de l’imagination de l’artiste, se lisent en filigrane ses curiosités scientifiques tout comme ses affinités plastiques et littéraires », peut-on lire dans le catalogue de l’exposition.

« La fleur du marécage », à tête humaine,  ou « Les origines », évoquent par exemple l’intérêt de Redon pour la théorie de l’évolution de Darwin, à laquelle il fut sensibilisé par son ami, le botaniste bordelais Armand Clavaud.  « L’œil comme un ballon bizarre » fait partie de la série dédiée à Edgar Poe.

Y aller

« Fantastique ! » est est à voir jusqu’au 26 septembre à la galerie des Beaux-Arts. Visites commentées les mercredi et samedi à 15h30. Entrée : 6,50 euros ou 3,50 euros, gratuité sous conditions.

A l’occasion de l’exposition, Bordeaux Patrimoine Mondial propose des visites insolites les ruelles de Bordeaux « à la recherche de l’inquiétante étrangeté ». Les 15 et 22 septembre. Réservation obligatoire sur bordeaux.fr.
Tarif : 3 euros.


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