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Comment Bordeaux et la SNCF préparent l’arrivée du TGV

Le 2 juillet 2017, l’Océane mettra Bordeaux à 2 heures de Paris. C’est un enjeu considérable pour la métropole et la SNCF, qui ont détaillé leurs plans d’actions ce vendredi à la Cité du Vin. Des nouvelles rames connectées aux festivités d’inauguration, en passant par Euratlantique et les nouveaux tarifs, en voici les principales étapes.

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Comment Bordeaux et la SNCF préparent l’arrivée du TGV

Le TGV Océane sera présenté le 14 octobre à Bordeaux (DR)
Le TGV Océane sera présenté le 14 octobre à Bordeaux (DR)

1 – Des trains flambants neufs

La SNCF a dévoilé son nouveau TGV Euroduplex l’Océane ce mercredi en gare de Paris-Montparnasse, avant une présentation à Bordeaux prévue le 14 octobre, et une mise en service sur le Paris-Bordeaux dès le 11 décembre.

Le 2 juillet, 17 des 64 rames prévues à terme sur la ligne feront la navette à grande vitesse sur l’ensemble de la ligne, dont le temps de parcours passera alors de plus de 3 heures à 2 heures. Elles effectueront 33,5 allers-retours entre l’Ile-de-France et Bordeaux (33 dans un sens, 34 dans l’autre), dont 18,5 sans arrêt.

Pour la SNCF, ce nouveau matériel roulant représente un gros investissement : 1,3 milliard d’euros, que la compagnie espère amortir grâce à une capacité plus importante que les rames actuelles – l’Océane sera doté doté de 556 places (dont 158 en 1ère classe), 22% de plus que le TGV Atlantique.

Haute couture

Présentées comme plus confortables, ses « rames haute-couture » offriront des sièges en bois, tissu et cuir. En 2e classe, les voyageurs profiteront d’une tablette plus large avec rangements et des branchements de proximité – prise USB individuelle, prise 220V pour deux voyageurs. Les wagons première classe auront « un secrétaire intégré dans le dossier de l’assise conçu pour y glisser un ordinateur et le recharger grâce aux prises électriques et USB individuelles », et des sièges pivotants pouvant se tourner dans le sens de la marche.

A noter aussi : des espaces bagages réinventés permettant notamment de glisser un bagage cabine sous chaque siège, et un nouvel espace avec deux places pour voyager à côté de son vélo à bord, et des poubelles collectives bi-flux pour trier les déchets. Le WI-FI équipera les nouvelles rames grâce au déploiement de la 4G le long de la voie par l’opérateur Orange. L’accès à internet sera gratuit via le portail de la SNCF.

En deuxième classe de l’Océane (DR)

2 – SNCF en quête de voyageurs

Officiellement, la SNCF escompte 2,3 millions de passagers supplémentaires par an, soit 40% de plus entre Paris et Bordeaux.

« 556 places par train, c’est 3 Airbus A320 à chaque départ, 6 quand c’est une rame double, et 35000 places par jour dans chaque sens, soit 150 A320, c’est de la très haute fréquence », a indiqué Guillaume Pepy, président du directoire de la SNCF ce vendredi lors d’une journée « LGV N-1 » organisée par Bordeaux Métropole à la Cité du Vin.

Quel sera le public visé ? Celui de l’avion, bien sûr, puisqu’un trajet de 2 heures de train avec départ et arrivée en centre-ville sera plus concurrentiel qu’une heure d’avion via Mérignac, Orly ou Roissy. Mais aussi les familles qui, le 2 juillet, partiront en vacances, souligne Gwendoline Cazenave, directrice du TGV Atlantique SNCF :

« Les nouvelles offres seront ouvertes au printemps et nous nous engageons pour qu’avec Océane, les côtes Atlantique soit la destination préférée des Français. 55% des gens qui font Paris-Bordeaux en voiture envisagent de prendre le TGV lorsque la ligne sera en service, il faut qu’elles passent à l’acte ! Le challenge, c’est celui du porte à porte, comment faire venir des clients qui ne pensent pas forcément au train à cause du dernier kilomètre. »

D’où la diversification de la SNCF dans le covoiturage et l’autopartage. Ou les efforts faits pour rendre les gares plus multimodales, avec par exemple à Bordeaux un important garage à vélo fermé.

3 – Les tarifs encore à l’étude

« Nous réalisons une gigantesque étude auprès de milliers de clients pour leur demander combien ils sont prêts à payer pour gagner une heure, assure Guillaume Pepy. Nous reparlerons des tarifs quand on aura dépouillé celle-ci, l’année prochaine. »

A coup sûr, les prix des TGV vont grimper. En 2007, l’ouverture de la LGV entre Paris et Strasbourg, qui avait fait baisser de moitié le temps de parcours, s’était traduite par des augmentations des billets de 20 à 30%. Un équilibre difficile à trouver, a fortiori sur la ligne Tours-Bordeaux, construite et gérée dans le cadre d’un PPP par la société Lisea, dont la SNCF se plaint du niveau des péages.

Sur ce point, le patron de la SNCF a été très direct ce vendredi à Bordeaux :

« D’un point de vue socio-économique, la LGV sera rentable, il n’y a aucun doute là dessus. En revanche un projet financé à hauteur d’un tiers par les collectivités locales et l’Etat et 2/3 par l’emprunt n’est pas rentable financièrement (…). Il faut un péage élevé pour rembourser et c’est pour nous une impasse économique. Mais on appartient au pays et le choix est politique. C’est fait et on joue la ligne gagnante. 35000 places par jour, il faudra donner envie aux gens de faire des voyages, avec une politique très attractive. »

A défaut d’une grille des prix, la SNCF sait déjà qu’elle poursuivra sa diversification de l’offre en fonction des publics, a signalé Guillaume Pepy devant la presse :

« Nous maintiendrons notre offre avec quatre moyens de transports : Ouigo, du TGV à prix canon vers Massy, Roissy ou Marne-la-Vallée, l’Intecité qui met 4h mais est moins cher que le TGV, l’Océane, voire les Ouibus. »

Le patron de la SNCF Guillaume Pepy, Virginie Calmels, vice-présidente de Bordeaux Métropole, et Stéphan de Faÿ, directeur d’Euratlantique (SB/Rue89 Bordeaux)

4 – La gare pas dans les temps

Guillaume Pepy a profité de son passage à Bordeaux pour visiter les travaux de la gare Saint-Jean, retardé notamment suite à des problèmes de surexposition au plomb des ouvriers, et de complexité.

« La gare, c’est 14 chantiers différents pour un montant de 200 millions d’euros, explique le président du directoire de la SNCF. Le problème c’est qu’on doit continuer à l’exploiter pendant les travaux, avec deux voies de moins et des échafaudages partout. Cela pose beaucoup de problèmes de régularité : le taux de départs à l’heure est de 60%, un mauvais résultat mais on ne peut pas faire mieux. »

Bonne nouvelle toutefois, enchaîne Guillaume Pepy : la nouvelle gare va pouvoir être mise en service par phases. Le hall départ sera fonctionnel en janvier 2017, suivi du hall Belcier et du parking de 1600 places.

Bus sans chauffeur

En revanche, difficile d’avancer sur le hall d’arrivée, les souterrains et les équipements pour personnes à mobilité réduite « tant que le chantier des marquises n’est pas terminé. On aura besoin de toute l’année pour cela. »

La nouvelle gare pourra accueillir 18 à 20 millions de voyageurs. Et en 2019, se projette le vice-président de Bordeaux Métropole en charge des transports, Christophe Duprat, elle sera desservie par une ligne de tramway, et deux lignes de bus à haut niveau de service (BHNS) – Saint-Aubin – gare Saint-Jean et Bassens – Campus.

La liaison entre la gare et Euratlantique pourrait quant à elle être assurée par des bus sans chauffeurs, actuellement expérimentés à Lyon après avoir animé le congrès ITS. Alain Juppé a en effet demandé à Keolis de les tester à Bordeaux, et cela serait fait dans certains des nouveaux quartiers autour de la gare.

Le minibus sans chauffeur Navya (SB/Rue89 Bordeaux)

5 – Euratlantique, la locomotive de l’emploi

Si la ligne à grande vitesse attire de nouveaux habitants à Bordeaux, cela posera de façon aiguë la question de l’emploi dans la métropole.

« Les nouvelles LGV n’ont pas d’effets ex nihilo mais accentuent les tendances déjà présente, a analysé à la Cité du Vin Virginie Calmels, vice présidente de Bordeaux Métropole en charge de l’économie. Vue l’attractivité résidentielle et touristique remarquable, nous avons besoin de créer 100000 emplois nouveaux pour répondre aux besoins des familles qui s’implantent. »

Un rythme que Bordeaux, malgré un chômage orienté à la baisse, n’a pas encore atteint, poursuit l’adjointe d’Alain Juppé :

« Il nous faut grosso modo doubler la création nette d’emplois privés. Nous en créons 4500 par an, il nous faut être autour de 7500 pour absorber la croissance démographique et le maintien du bien vivre à Bordeaux. »

Comment la collectivité peut-elle intervenir ? Par une « stratégie offensive d’aménagement », offrant des conditions favorables à l’installation d’entreprises. C’est l’objectif de l’opération d’intérêt national (OIN) Euratlantique, création d’un quartier d’affaire copilotée par l’Etat et la métropole. D’ici 2019, elle aura livré plus de 166200 m2 de bureaux, dont 64% sont déjà commercialisés, s’est réjoui ce vendredi son directeur Stephan de Faÿ.

Un quart d’emplois exogènes

Il estime à une quarantaine les entreprises qui ont déjà signé, représentant 4000 nouveaux salariés. L’OIN ambitionne 15000 emplois « nets », c’est-à-dire des créations ou des entreprises s’installant à Bordeaux, et pas des emplois endogènes comme le déménagement de sociétés dans la métropole, à l’image de la Caisse des dépôts.

« L’objectif, c’est 30000 emplois, dont au moins 15000 emplois exogènes. Si on est pas à 50%, on aura pas réussi Euratlantique. »

Or pour l’heure, cette part n’est que de 25%. Mais qu’importe : pour Stephan de Faÿ et Virginie Calmels, c’est déjà beaucoup, alors que les premières livraisons datent d’il y a un an. Le directeur d’Euratlantique se réjouit par exemple que les 25500 m2 de la future Cité numérique, à Bègles, soient commercialisés à 80%.

6 – Une saison culturelle pour l’inauguration

Bordeaux n’accueillera pas la LGV en une seule soirée fracassante de festivités, mais en mijotant avec des ingrédients déjà connus et installés (la biennale d’architecture et de design Agora, le FAB, l’été métropolitain, Ocean Climax…) une véritable saison culturelle, a annoncé ce vendredi Fabien Robert.

Du 25 juin au 25 octobre, cette saison fédèrera l’ensemble des opérateurs culturels autour d’une thématique, le paysage, déjà déterminée pour Agora, et « qui fait naturellement écho au train et peut être exploré de mille façons », estime l’adjoint à la culture.

Un comité de pilotage associe les collectivités et acteurs économiques et culturels qui le souhaitent à ce projet, autour duquel la mairie voudrait « retrouver l’esprit Bordeaux 2013 » (la candidature ratée au titre de capitale européenne de la culture).

Outre les rendez-vous dont la reconduction est ainsi a priori assurée, comme la saison Street Art, d’autres évènements devraient cependant sortir du chapeau. Le lien entre culture et chemin de fer sera quant à lui garanti par quelques expositions (dont les découvertes des fouilles archéologiques du chantier de la LGV) et un évènement, la mise en lumière du quartier de la gare, le 23 septembre 2017. A l’année prochaine !


#LGV

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Photo : SC/Rue89 Bordeaux

Photo : MB/Rue89 Bordeaux

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