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Mamère : « Notre candidat devra défendre l’écologie de la libération »

Les écologistes doivent changer leur vocabulaire s’ils veulent susciter l’espoir, estime Noël Mamère dans un livre, « Les mots verts », écrit avec la linguiste bordelaise Stéphanie Bonnefille (éditions de l’Aube). Lors d’une présentation au Club de la presse, ce jeudi à Bordeaux, le député-maire de Bègles a estimé que les candidats à la primaire écologiste en sont capables, mais il s’interdit de soutenir l’un-e d’entre eux.

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Mamère : « Notre candidat devra défendre l’écologie de la libération »

Noël Mamère, le 1er septembre 2016 (SB/Rue89 Bordeaux)
Noël Mamère, le 1er septembre 2016 (SB/Rue89 Bordeaux)

Quel est le sens des « Mots verts », paru le 19 août ?

Noël Mamère : Ce livre n’est pas de mon initiative, mais de celle de Stéphanie Bonnefille, jeune maître de conférence en linguistique anglaise à l’université Bordeaux-Montaigne. A travers une confrontation entre une intellectuelle et un politique, elle voulait comprendre les mots utilisés par les écologistes, quelles représentations on s’en fait, quelles sont leurs limites. Les écologistes se sont quelquefois trompés en utilisant des mots qui conduisent à des représentations fausses. Et nous n’avons pas réussis jusqu’à présent à faire comprendre à l’opinion qu’il faut faire le deuil d’une société de gaspillage. Certaines expressions comme « croissance verte » ne sont que du « greenwashing », faites pour justifier une logique de croissance qui devrait être abandonnée. D’autres, comme la décroissance ou la prospérité sans croissance, un terme forgé par l’économiste britannique Tim Jackson, sont mal comprises.

Pourquoi ?

Je me méfie du mot décroissance, même si je pense que nous sommes de fait dans une société de décroissance des flux et de l’énergie – il nous faudrait quatre planètes si toute l’humanité adoptait notre mode de vie. Mais nous avons été échaudés par le débat sur le partage du travail : c’est nous, écologistes, qui avons lancé le mot d’ordre « travailler moins pour travailler tous ». On s’est rendu compte que c’était une erreur sémantique. « Qu’est ce que je vais partager ? » peuvent en effet se demander les chômeurs. Et comment faire comprendre à des gens qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois, et se demandent comment survivre, qu’ils doivent décroître ?

Souvent taxés d’obscurantistes et de marchands de catastrophes, les écologistes ont l’ardente obligation de parler avec des mots qui ne font pas peur. Sans réaction, nous courrons effectivement à la catastrophe, car l’urgence est là : la surchauffe planétaire et les inégalités considérables font qu’il y a aujourd’hui 3 fois plus de réfugiés climatiques dans le monde que de réfugiés de guerre.

« On est pas sortis de l’âge de pierre parce qu’on manquait de pierres »

Le terme de développement durable s’est pourtant imposé…

Oui, mais c’est un oxymore. Si on emploie le mot « développement » dans le sens d’Amartya Sen, c’est-à-dire l’amélioration des niveaux d’éducation, de santé, de culture d’un pays, d’accord. Mais il est plutôt compris dans un sens quantitatif, comme synonyme de croissance, ce qui n’est pas ce que recherchent les écologistes. On a ainsi vu des grands lobbies industriels utiliser les mots de l’écologie pour les détourner. De même, « zadiste » est devenu un mot fourre-tout, comme « Charlie ». Pire, un épouvantail, une nouvelle menace sur France. Je m’en suis rendu compte en auditionnant des responsables de la police et de la gendarmerie, dans le cadre de la commission d’enquête parlementaire sur le maintien de l’ordre, que j’ai présidée après la mort de Rémi Fraisse à Sivens. A Notre-Dame-des-Landes, il y a les instituteurs ou les infirmières qui passent quelques jours, et beaucoup de BAC+4 ou de BAC+5 avec une réflexion globale, qui construisent et inventent des fermes alternatives.

Entre la crise économique et le terrorisme, l’écologie est de plus en plus reléguée dans le débat public. Changer de mots suffit-il à inverser cette tendance ?

Il faut que les écologistes trouvent les mots s’ils veulent revenir dans le débat. Le problème culturel devient un problème politique car on se comprend pas avec les communistes quand ils défendent le nucléaire, ni avec Montebourg quand il plaide pour les gaz de schiste. C’est difficile d’expliquer aux gens qu’il faut pas les utiliser si on ne veut pas accélérer le dérèglement climatique. Pourtant l’homme n’est pas sorti de l’âge de pierre parce qu’il manquait de pierres, mais parce qu’il est entré dans une autre logique. On sait aujourd’hui comment faire sans carbone, un récent rapport de l’Ademe pour une France 100% électricité renouvelable en 2050 l’a démontré.

L’autre difficulté, c’est que l’écologie s’inscrit dans le long terme or aujourd’hui nous sommes dans la culture de l’immédiateté. Et l’écologie a toujours tenu compte de la complexité du monde quand celui-ci nous est aujourd’hui présenté comme binaire. On ne prend plus le temps d’expliquer cette complexité, et cela donne des constructions médiatiques comme Macron, expression de la souveraineté du people, qui est là où il se trouve simplement parce qu’il sait communiquer. Ça et la polémique atterrante sur le burkini en disent long sur l’abaissement du débat public.

« La décomposition touche EELV, mais aussi le PS et la droite »

Quel vocabulaire souhaiteriez-vous entendre ?

On ne s’est pas attachés à trouver les mots les plus convenables, mais à décortiquer le vocabulaire de l’écologie et ses limites. La grande mode est d’appliquer à l’écologie un langage martial : la « guerre contre le changement climatique », l’accord « historique » de Paris. C’est une supercherie qui fait croire aux gens que la planète est sauvée alors que seulement 22 pays signataires l’ont ratifié, et qu’il ne peut pas encore entrer en vigueur (ils représentent 1% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, alors qu’il doit être ratifié par 55 pays représentant 55% des émissions mondiales, NDLR).

Mais si j’avais été candidat à la présidentielle, j’aurais défendu l’idée d’écologie de la libération, en écho à la théologie de la libération, ce mouvement de résistance aux dictatures d’Amérique Latine.

Parmi les 4 candidats à la primaire écologiste, qui pourrait tenir ce discours, et qui soutenez-vous ?

Des gens comme Cécile Duflot, Yannick Jadot ou Michèle Rivasi en sont capables. Malgré l’élargissement du collège électoral aux mineurs, cette primaire limitée au petit périmètre d’EELV ne va pas favoriser le candidat ou la candidate qui sera désigné-e. il sera difficile de s’en extraire, et sera condamné-e à faire un petit score. Un handicap que Nicolas Hulot, qui incarnait quelque chose de plus large, nous aurait évité.

Parmi les candidats en lice, je m’interdis toute préférence. Je n’étais pas favorable à cette primaire, je ne voterai pas, mais je m’engage à apporter mon soutien et mon expérience à celui ou celle qui sera désigné-e. J’ai un temps hésité à me représenter (en 2002, Noël Mamère avait obtenu le meilleur score d’un candidat écologiste à une présidentielle, NDLR), mais il faut savoir reconnaître son âge. Je suis moins là pour porter le flambeau que pour passer le témoin.

L’avenir est sombre pour l’écologie politique, déchirée entre plusieurs familles…

La décomposition partout, à droite comme on le voit avec la primaire, comme au PS qui est sans doute en train de vivre ses derniers moments, et de connaître ce qu’a vécu la SFIO en 1969. Ce n’est pas pour rien qu’apparaissent les candidatures de Cécile (Duflot), Jadot, Hamon, Montebourg : toute cette génération se met en position pour l’après 2017 si la droite passe. Mais ce n’est pas qu’une question de personnes. Il s’est passé plein de choses à Nuit Debout, même si le mouvement s’est un peu fini en quenouille. La reconstruction ne se fera pas dans la limite stricte des partis politiques, il y a peut-être des personnalités en dehors qui joueront un rôle important.


#écologie

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Photo : Joost J. Bakker/Flickr/CC

Photo : cc/Pexels/Sourabh Narwade

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