Un radeau de survie gonflable rempli de gilets de sauvetages, une vingtaine d’autres bouées disposées autour, les mots « Tous migrants ! » inscrits sur une banderole : c’est l’installation échouée sur le miroir d’eau que les passants ont découvert ce mercredi matin.
« La contradiction entre ce point d’eau où on s’amuse et l’actualité tragique, c’est une bonne idée pour interpeller les gens », estime Elodie.
La jeune femme s’arrête longuement devant, dans l’attente de la mise en eau de l’espace des quais, qui doit intervenir à 10 heures. Mais celle-ci est retardée, le temps que l’installation, déposée sans autorisation tôt ce mercredi, soit déménagée. Un agent de sécurité, mandaté par ses auteurs pour la surveiller, parlemente avec les services de la ville en espérant que l’eau finisse par jaillir, pour la symbolique des photos. Christine, une touriste lyonnaise, en prend son parti :
« J’étais venue pour voir le miroir d’eau et je suis un peu déçue mais on ne peut pas rester insensible ».
Sa fille Clara, 23 ans et vivant à Bordeaux, est sur la même longueur d’onde :
« On ne pense pas tout le temps à tous ces migrants qui tombent des bateaux, j’avais un peu oublié cette actualité là, et c’est une vraie piqure de rappel. Je préfère que ce soit fait sous cette forme, artistique et calme, que de façon plus violente ».
« L’urgence est à la solidarité »
L’objectif des auteurs semble ainsi partiellement atteint. Derrière le canot se trouvent en fait les organisateurs de l’Ocean Climax Festival, qui débute ce jeudi à Darwin. Une expo intitulée « Tous migrants » s’y tiendra jusqu’au 11 septembre , « pour rappeler que l’urgence est au partage et à la solidarité envers les réfugiés ».
Au programme, entre autres : une installation vidéo d’Olivier Crouzel, « Même terre, mêmes hommes », tourné auprès des migrants à Lesbos, un clip reportage d’Odezenne par Arthur Muller, « Chimpanzé, une expo photo de John Thackwray, « My room », des fresques de street art… Et des installations artistiques, comme le radeau de survie, réalisé par le collectif les Sauvages, comme l’explique un de ses membres, Philippe Barre, patron de Darwin :
« On peut nous reprocher d’être cantonnés dans notre caserne, et c’était important de donner à voir ce qu’on a à dire dans le cœur de Bordeaux, symbole de notre bon vivre ensemble, pour choquer un peu en parlant de ces traversées ou des milliers de gens meurent. Nous sommes tous sans exception issus des migrations humaines, elles n’ont rien de nouveau, mais les catastrophes humanitaires d’aujourd’hui ont lieu dans l’indifférence générale ».
Des conférences sur la justice climatique et l’accueil des réfugiés se tiendront le 10 septembre, de 10h30 à 12h30 (entrée libre), avec notamment Jean Jouzel, climatologue membre du GIEC. Le point d’orgue des trois jours devrait être le lancement de « l’alerte de Darwin », avec Edgar Morin et les représentants des ONG, « pour un plan de sortie de l’exploration et de l’exploitation des énergies fossiles et pour l’expression d’une solidarité active vis-à-vis des réfugiés climatiques. »
Pour Philippe Barre, il est « urgent que toute la population se mette en branle, et que la micro-solidarité s’organise à tous les niveaux pour accueillir les migrants. Suite à l’Océan Climax l’an dernier, Darwin a créé avec Emmaüs des logements d’urgences, qui accueillent une vingtaine de personnes, et l’intégration se passe très bien, mieux que lorsqu’on parque les gens dans de grands centres. »
La bouteille à la mer est ainsi lancée depuis le miroir d’eau, même si celui-ci est resté sec.
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