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Le tabassage d’un élève indigne le lycée Tregey de Bordeaux

Lycéens, profs et parents du lycée Tregey de Bordeaux dénoncent les violences dont un élève de seconde a fait les frais. Tabassé jeudi par plusieurs lycéens, il a dû être hospitalisé. Sans réponse satisfaisante du rectorat, le mouvement va continuer.

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Le tabassage d’un élève indigne le lycée Tregey de Bordeaux

Quelques poubelles sont amoncelées près de l’entrée du lycée Tregey de Bordeaux. Des affiches sont collées sur les grilles. Les cours sont annulés. Les lycéens bloquent depuis ce mardi matin leur établissement. Ils sont rejoints par les professeurs et des membres de la vie scolaire. Le tabassage d’un des lycéens est à l’origine de cette colère.

Victor venait d’arriver à Bordeaux de Charleville-Mézières (Champagne-Ardenne). L’ado de 15 ans est inscrit depuis la rentrée au lycée professionnel Tregey, sur la rive droite. Le bahut est connu depuis plusieurs années pour des actes de violences répétés et des moyens en manque.

Devant le lycée Tregey de Bordeaux bloqué le 11 octobre 2016 (XR/Rue89Bordeaux)

Jeudi dernier à l’heure du repas dans la file d’attente qui mène à la cantine, il y a bousculade. Des resquilleurs veulent passer. Victor s’interpose et insiste pour que tout le monde patiente. Ça ne plaît pas. A la sortie, le lycéen est mis au sol et tabassé par quatre jeunes (dont deux auraient été clairement identifiés et exclus). Coup de poings et de pieds, certains lui écrasent le visage. Par deux fois, il s’évanouit et finit aux urgences du CHU Pellegrin.

Il accuse plusieurs coquards et traumatismes crâniens et a reçu 36 points de sutures. Revenu chez lui, il « va mieux mais reste très choqué » confie Romain Leconte, lycéen en seconde Vente, à Rue89 Bordeaux.

Chahut au bahut

Les profs ont décidé de débrayer en soutien à l’action des lycéens. Devant le lycée, les profs racontent leur quotidien : la rentrée « chaotique » sans emploi du temps, les gifles que se mettent les élèves, les projectiles et insultes lancés dans le dos des enseignants, la démission d’un prof remplaçant et l’arrêt maladie d’un autre « à cause de ces insultes », jurent-ils. Germain Caravati, prof d’éco-socio et membre du Snep-FSU, est scandalisé :

« Il y a un manque de personnel et d’autorité notamment de la part du proviseur. On a écrit au rectorat mais on n’a pas de nouvelles. »

Année après année, les mêmes dénonciations ne semblent pas trouver d’écho. En 2012, l’agression d’un enseignant et d’une assistante d’éducation avait fait couler beaucoup d’encres. Deux ans plus tard, profs et parents occupaient en soirée le lycée pro pour qu’il soit inscrit dans le réseau d’éducation prioritaire. La demande ne peut aboutir, explique en septembre 2014 le recteur Olivier Dugrip car le réseau ne concerne plus les lycées, mais il promet que « les moyens nécessaires » seront alloués.

Le lycée professionnel Tregey n’en est pas à sa première lutte (XR/Rue89 Bordeaux)

Visiblement, la promesse n’a pas été tenue, ou les moyens n’ont pas suffi. Les enseignants demandent des assistants pédagogiques, du personnel encadrant, deux fois moins d’élèves par classe, des heures de concertation (« car sinon on se réunit sur nos heures de repos », précise une prof). Aujourd’hui, il voit son bahut comme un futur « lycée poubelle ».

« De braves gamins »

Il invoque les conditions sociales difficiles dans lesquelles vivent ses élèves. Les boursiers représentent 65% des 500 élèves. « Certains ont fait 8 bahuts avant d’arriver ici », affirme une prof. Une autre renchérit : « La drogue circule aussi. Il y a une expulsion du lycée à cause de ça. »

Mais tous se disent attachés à l’établissement. A l’image de Guy Lazo, prof de vente à Tregey depuis 10 ans. Un nœud papillon impeccable dépasse derrière un chasuble jaune fluo où a été posé un autocollant « Tregey en lutte ». Bientôt à la retraite, il se permet de parler :

« La moitié des profs sont depuis là depuis des années et ne veulent pas partir. On veut faire quelque chose ! On a des élèves en difficulté mais pris individuellement ce sont de braves gamins. Ici c’est le lycée de la dernière chance. »

Romain Leconte, lycéen syndiqué à la Fidl, évoque lui les alarmes incendies, les vols et les violences qui sont le quotidien et s’émeut : « Victor, c’est de trop ! » Germain Caravati se désespère :

« De toute façon, on a mis un lycée professionnel au fond d’une impasse, vous ne trouvez pas ça symbolique ? »

Le rectorat reste coi à nos demandes. Eric Le Houëdec, proviseur de l’établissement, n’a pas souhaité répondre à nos questions. Une réunion s’est toutefois tenue à l’heure du déjeuner avec les représentants des élèves, parents et enseignants.

Le rectorat souhaite connaître les demandes des enseignants alors qu’un « audit a déjà été effectué l’an passé par des inspecteurs, sans grand résultat », commente Germain Caravati. Le blocus des lycéens est quant à lui reconduit pour mercredi matin.


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