Dans la rage commémorationnelle qui touche nos sociétés, il est un anniversaire qui risque de passer inaperçu : celui de la mort de Leibniz (1646-1716). On ne doute pas qu’en Allemagne on en parlera. Mais, en France, c’était moins évident. Il a fallu l’obstination d’Arnaud Lalanne pour qu’un colloque soit organisé à l’Université Bordeaux Montaigne, en novembre 2016.
Un philosophe polyglotte
Il faut savoir gré à Arnaud Lalanne de nous donner une introduction à la fois riche et claire à la pensée de Leibniz : Apprendre à philosopher avec Leibniz, publiée par Ellipses, qui pourra être utile et aux étudiants et aux lecteurs curieux d’approfondir leur culture.
L’œuvre de Leibniz est protéiforme et il est exclu que nous puissions en faire le tour en quelques lignes. Mais le personnage est passionnant par la variété de ses centres d’intérêt ; on n’a pas encore fini de publier la totalité de ses œuvres et de sa correspondance ! Plus de cent tomes déjà ! On y trouve des traductions de la poésie latine et des traités mathématiques (Leibniz est l’inventeur du calcul différentiel).
Leibniz est un philosophe polyglotte qui écrit en français, en latin, en allemand (accessoirement en anglais et en italien) et qui tisse, à travers l’Europe, un réseau remarquable de correspondance avec le monde savant. Il n’hésite pas à entrer dans les disputes théologiques de l’époque et à prôner une paix entre les différentes églises protestantes – œcuménisme et irénisme sont deux de ses préoccupations principales, en dépit des nombreuses difficultés auxquelles il se heurte.
Il a un désir assez étonnant de trouver des terrains d’entente avec ses correspondants, même lorsqu’ils ne partagent pas les mêmes présupposés ou qu’ils n’ont aucune envie de discuter avec lui (c’est le cas l’anglais Locke). Les philosophes sont rarement aussi soucieux de pacifier le débat philosophique. Il cherche à créer des liens entre les savants, rêve de réseaux qui permettraient aux savoirs de circuler au travers de cette Europe trop souvent traversée par des guerres, est un des pionniers de cet encyclopédisme qui trouvera son apogée, en France, au XVIIe siècle, multiplie la création de sociétés savantes à l’image de l’Académie de
Mystère de l’existence
Arnaud Lalanne montre, et c’est le fil directeur de sa lecture, que la conviction la plus profonde de Leibniz est qu’il y a, pour chaque chose, une raison suffisante pour qu’elle soit telle qu’elle est et cette raison est accessible à tout homme. Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Cette question qui est à la base de la métaphysique trouve sa réponse dans le « principe de raison suffisante » :
« Pour répondre à la question “pourquoi”, la physique ne suffit plus ; la raison du pourquoi lui-même doit mener à la métaphysique, comprise comme science des principaux attributs de Dieu. » (p.35)
Il y a une raison au mystère de l’existence.
« Le spectacle de l’être, la merveille qu’il y ait quelque chose plutôt que rien, nous force à concevoir une raison, là où précisément notre raison n’arrive pas à s’expliquer les choses… Nous faisons, en quelque sorte, l’expérience rationnelle d’une réalité qui dépasse notre raison. » (p.37-38)
Les autres concepts de la philosophie leibnizienne tirent de ce principe leur nécessité – monade, harmonie préétablie, etc.
Nul doute que les intervenants à ce colloque, qui viennent d’Allemagne, d’Argentine, d’Espagne, du Canada et de France, s’attacheront à montrer l’intérêt que la pensée leibnizienne peut présenter dans notre monde. Ce colloque aura lieu les 26 et 27 novembre. Le 26, ce sera à la Maison des Sciences Humaines d’Aquitaine, à Talence. Le 27, à l’auditorium de la Bibliothèque municipale de Bordeaux.
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