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Coup de cafard à la CAF de Gironde

La Caisse d’allocations familiales de Gironde était ce mardi en grève pour la 7e fois de l’année. Ses salariés dénoncent la baisse et la précarisation des effectifs, alors que l’augmentation du nombre de dossiers est proportionnelle à celle de la pauvreté.

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Coup de cafard à la CAF de Gironde

Malgré la pluie fine et froide, une cinquantaine de salariés ont participé à l’assemblée générale qui s’est tenue ce mardi en début d’après-midi devant le siège de la CAF à Bordeaux Lac. Si elle n’a pas encore de chiffres, l’intersyndicale (FO-CGT) estime que cette nouvelle journée de grève nationale a été bien suivie.

Le 10 novembre, 42% des 863 salariés de la CAF départementale avaient cessé de travailler, durant tout ou partie de la journée. En cause : la dégradation de leurs conditions de travail.

La CAF est en première ligne face à l’augmentation du chômage : elle compte aujourd’hui en Gironde 295000 allocataires, soit 20000 de plus qu’en 2012, et le nombre de bénéficiaires du RSA a augmenté de 5,8% l’an dernier.

« Cet été, nous recevions entre 800 et 900 allocataires par jour, pour 4 ou 5 guichets, et il y avait d’énormes files d’attentes », souligne Servane Crussière, déléguée syndicale CGT.

CAF arnaüm

Le nombre de sites d’accueil est passé de 11 à 8, théoriquement accessibles seulement sur rendez-vous. Mais ce mardi à Bordeaux, aucun des usagers qui se sont retrouvés le bec dans l’eau car ils ignoraient que la CAF était en grève, n’avait rendez-vous… Il y a là Marlène, 44 ans, d’autant plus furax que la CAF lui demande un document qu’elle a déjà envoyé, l’acte de naissance de son mari étranger.

« Les sollicitations (courriers, fréquentation des agences…) ont bondi de 10%, indique Nicolas Gebleux, secrétaire du CE (FO). C’est aussi parce nous sommes une région attractive et que de plus en plus de familles s’installent ici. Mais nous, nous avons de moins en moins de salariés – on doit rendre 43 postes d’ici 2017 -, car on ne remplace pas les départs à la retraite. De plus en plus de précaires – CDD, services civiques, emplois d’avenir… – servent de bouche trous. Ils pallient à l’urgence, reçoivent les gens, prennent leurs documents mais ne sont pas habilités à traiter les dossiers. »

Et ceux-ci s’accumulent, si bien que la CAF ferme régulièrement ses portes – ce sera le cas ce jeudi – pour écluser son retard. Ses salariés font aussi des heures supplémentaires le week-end, pour un volume représentant selon les syndicats l’équivalent au travail de 8 personnes à temps plein.

Fabrique d’emplois précaires

L’intersyndicale demande donc des embauches, à commencer par la titularisation de la quarantaine d’emplois d’avenir.

« Même s’ils ont satisfait leur employeurs, ceux-ci font trois ans de contrats et sont remplacés par d’autres pour pouvoir continuer à bénéficier des aides de l’Etat, dénonce Nicolas Gebleux. La CAF fabrique elle-même de l’emploi précaire, dont elle essaie par ailleurs d’atténuer les effets ! »

Sollicitée par Rue89 Bordeaux, la direction de la CAF de Gironde n’a pas souhaité répondre à nos questions. Dommage, on aurait aimé connaître sa version sur des burn-out de salariés, évoqués par les syndicats, liés à la charge de travail.

« On a multiplié les prestations, mais on les a aussi complexifié, poursuit Nicolas Gebleux. Les allocations familiales sont désormais versées sous conditions de ressources, et les APL indexées sur le patrimoine, si bien qu’on passe beaucoup de temps à recevoir les gens et à leur expliquer pourquoi elles touchent moins qu’avant. C’est parfois impossible… »

Droits dans ses bottes

Les syndicats pointent aussi l’instauration depuis 1er janvier de la prime d’activité, qui remplace le RSA activité, sans que les conditions de son versement par la CAF n’aient été correctement anticipées, d’autant que ce dispositif concerne potentiellement beaucoup plus de monde.

« J’ai commencé ce matin ma formation pour la prime d’activité, souligne Nicolas Gebleux. Cela fait bien d’annoncer des mesures pour les salariés pauvres, mais on ne se donne pas les moyens de le faire. »

Pas étonnant, selon Servane Crussière :

« La prime d’activité est conçue avec l’objectif que 50% des allocataires en fassent la demande. Si 100% d’entre eux le font, on aura pas l’argent. On a encore de gros problèmes d’accès aux droits, beaucoup de gens ne les réclament pas. Cette complexité pour les comprendre et les réclamer est faite exprès, c’est une façon déguisée de faire des économies. »

Un récent rapport parlementaire rappelle par exemple que 35% des ayant-droits au RSA ne le demandent pas. Soit environ 3,1 milliards d’euros par an non distribués, un montant largement supérieur à celui de la fraude détectée pour l’ensemble des prestations sociales (425 millions d’euros en 2014).

Cherchez l’indice

Pour ce qui concerne leurs propres droits, les grévistes de la CAF demandent aussi une augmentation de leurs salaires.

« L’indice est gelé depuis 2010 comme celui des fonctionnaires, alors que nous sommes des salariés de droit privé avec une mission de service public, rappelle Nicolas Gebleux. En revanche, si on obéit à des directives ministérielles, nous n’avons pas bénéficié de l’augmentation récente de 0,6% des fonctionnaires. Et c’est aussi pour ça que notre direction se permet de prendre des vacataires mal payés, pour faire le même travail que des titulaires. »

Qui ne roulent eux-même pas sur l’or : Nicolas Gebleux, technicien prestations, gagne aujourd’hui 1480 euros avec 14 ans d’ancienneté, contre 1168 euros au début de sa carrière. Vous avez dit privilégiés ?


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