Le président de la Cour d’appel de Bordeaux le décrit comme un « zadiste » mais ça ne plaît pas trop à Alexandre Mahfoudhi. L’expression est trop connotée pour l’homme à barbe brune bien taillée. C’est une altercation avec un conducteur d’engin de chantier qui conduit à la barre ce quadra à la veste couleur avocat (forcément).
Accusé de violences aggravées avec armes par destination et en réunion, Alexandre Mahfoudhi a été condamné une première fois, le 29 juillet dernier, par le tribunal de Grande Instance de Bordeaux à 6 mois de prison avec sursis et 2000 de dommages et intérêts. Il avait instantanément choisi de faire appel, le parquet l’a suivi.
L’agresseur agressé et vice-versa ?
Fin juin, le domaine de la Plantation à Villenave-d’Ornon est divisé entre les engins de chantiers qui raclent le sol et construisent le golf immobilier, et la Zad où se trouve une poignée d’opposants défendant la zone classée Natura 2000. Le vendredi 24 juin, au moins 9 d’entre eux entourent un tractopelle, lequel avance vers une partie des militants. En réaction, de la terre est lancée sur le conducteur – qui parle aussi de jets de pierre.
Une conjonctivite, une dent brisée et surtout un choc psychologique vaudront une interruption temporaire de travail (ITT) de 10 jours pour le conducteur. Sur une photo de Sud Ouest présentée par les policiers, ce dernier reconnaît Alexandre Mahfoudhi comme étant l’un des agresseurs.
Lui même ne nie pas le jet de boue, dément celui d’une pierre et estime surtout avoir agi en état de légitime défense. Une ligne qu’il tient depuis le début, comme il avait pu le raconter à Rue89 Bordeaux trois jours après l’altercation.
Ce mercredi, devant le patient président Michel Regaldo Saint-Blancard, le prévenu veut creuser la question :
« Qui a mis en danger qui dans cette affaire ? »
Droit dans ses bottes, il raconte cette matinée où les kilos d’argile cèlent les chaussures au sol. Lui et ses camarades vont au-devant d’une machine en train d’arracher un bosquet. « Il ne devait pas y avoir de travaux ce jour-là », précise-t-il.
Accélération
Puis, ils forment un demi-cercle autour du tractopelle pour le bloquer, sans volonté de brusquer le conducteur. Avec de grands gestes, Alexandre Mahfoudhi mime au tribunal la situation : l’accélération de la machine, les camarades qui détalent, le bras de la pelleteuse qui tourne, le danger imminent pour sa personne et lui qui « mécaniquement » ramasse de la terre pour la jeter.
« Je suis désolé que [le conducteur] soit traumatisé, mais je demande que l’on prenne en compte notre traumatisme. Entendez qu’on a essayé de nous rouler dessus. »
Absent lors de toutes les audiences devant la cour, le conducteur indiquait aux policiers lors de l’enquête : « J’ai compris qu’il s’en prenait à moi. » Il admettait alors simplement, en ayant essayé de fermer la porte, avoir perdu le contrôle de sa machine qui « tournait sur elle-même ». Il a par ailleurs refusé toute confrontation avec l’actuel prévenu.
L’avocate générale regrette qu’il n’y ait pas de témoins supplémentaires « pour contredire les éléments confirmés par l’enquête ». Elle demande donc à la cour d’appel de confirmer le précédent jugement du tribunal correctionnel. Maître Sylvain Galinat, avocat d’Alexandre Mahfoudhi, parle de légitime défense et propose une autre analyse :
« Dans cette enquête, vous manquez cruellement d’éléments physiques. Dans un état de droit, quand il n’y a pas de qualification juridiquement viable, il y a relaxe. »
La cour livrera sa décision après délibéré le 14 décembre.
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